Berlin et Paris dénoncent un projet de sanctions américaines contre Moscou

  • AFP
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Berlin, soutenu par Paris, a vivement dénoncé vendredi un projet de sanctions américaines contre Moscou, accusant Washington de chercher à favoriser ses entreprises en punissant les grands groupes européens engagés dans le projet de gazoduc Nord Stream 2.

"C'est pour le moins étrange qu'un texte visant à sanctionner le comportement de la Russie, notamment en ce qui concerne (l'ingérence supposée dans) les élections américaines, prenne aussi pour cible l'économie européenne. Cela ne doit pas se produire", a estimé Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement allemand. Moins direct, le ministère français des Affaires étrangères a toutefois appelé dans la foulée Washington à respecter "la coordination nécessaire" avec ses partenaires européens "sur des sujets liés à la sécurité et à la politique industrielle européenne".

La France et l'Allemagne réagissaient à l'adoption par le Sénat américain jeudi de nouvelles sanctions contre la Russie. Le texte comporte notamment un paragraphe menaçant de pénaliser des sociétés européennes participant à des projets comme celui du gazoduc controversé Nord Stream 2: le projet vise à relier la Russie à l'Allemagne, en passant par la mer Baltique - donc en évitant l'Ukraine -, avec pour objectif de doubler avant fin 2019 les capacités de son grand frère Nord Stream 1.

Le texte, qui doit encore passer devant la chambre des Représentants et auquel le président américain Donald Trump, soupçonné par des élus de son camp républicain de vouloir engager une détente avec Moscou, souligne que les Etats-Unis "doivent mettre la priorité sur les exportations américaines afin de créer des emplois américains".

Il inclut également des pénalités (limitation de la capacité d'emprunt auprès des banques américaines, non accès aux appels d'offre américains...) contre les entreprises qui fourniraient des biens, des services ou des technologies facilitant "directement" la maintenance ou la construction de pipelines par la Russie, à l'image de Nord Stream 2.

« Tester Trump »

Ce projet de gazoduc, dont la moitié du financement, évalué au total à 9,5 milliards d'euros, sera assuré à parts égales par le Français Engie, les Allemands Uniper (ex-EON) et Wintershall (BASF), l'Autrichien OMV et l'Anglo-Néerlandais Shell. L'autre moitié sera assuré par le Russe Gazprom, unique actionnaire.

Selon M. Seibert, la chancelière Angela Merkel partage également "la préoccupation" formulée jeudi dans un communiqué commun par le chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel, et le chancelier autrichien Christian Kern au sujet du texte américain. "Nous ne pouvons accepter la menace de sanctions extraterritoriales illégales contre des entreprises européennes qui participent au développement de l'offre énergétique européenne!", avaient lancé dans leur appel les deux responsables sociaux-démocrates.

De son côté, Nord Stream 2 a indiqué dans un communiqué avoir connaissance du projet de loi américain et "ne pas commenter un projet législatif en cours". "Cette façon de faire sans précédent est clairement destinée à miner la position d'un future concurrent commercial dans un marché déjà diversifié", a encore observé Nord Stream 2.

"En ce qui concerne l'introduction de sanctions, ils ne cachent pas que c'est un outil de lutte concurrentielle, pour favoriser les livraisons de GNL (gaz naturel liquéfié) américain en Europe", a déclaré pour sa part le vice-président de Gazprom Alexandre Medvedev, cité par les agences russes. La loi ne peut passer sans promulgation de Donald Trump et il s'agit d'un moyen pour les parlementaires de le "tester", a-t-il encore relevé.

"Le gaz (qui doit transiter par Nord Stream 2) est en compétition avec le gaz américain", c'est un moyen pour Washington "de favoriser son propre gaz", avait déclaré jeudi à l'agence Bloomberg la directrice générale du groupe énergétique français Engie, Isabelle Kocher, qui ne "pense pas du tout que les Etats-Unis peuvent stopper ce projet"

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