Equateur: Chevron invoque la corruption d'un juge à l'origine de son amende record

  • AFP
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Le pétrolier américain Chevron, condamné en Equateur à une amende record de 19 milliards de dollars pour pollution, a invoqué la corruption d'un ancien magistrat équatorien, en publiant les aveux que ce dernier aurait faits devant la justice lors d'un témoignage aux Etats-Unis.

Alberto Guerra, ancien président de la cour de la province amazonienne de Sucumbios (nord-est), qui fut saisi de cette affaire à partir de 2003, aurait avoué avoir touché des pots-de-vin de la part des plaignants, lors d'une déclaration devant un tribunal fédéral à New York, transmise à l'AFP par la compagnie Chevron.

L'ancien magistrat affirme aussi, dans cette déclaration, que son successeur à la tête de la cour, l'ex-juge Nicolas Zambrano, lui aurait confié que "les avocats des plaignants avaient accepté de lui payer 500.000 dollars (...) afin de pouvoir rédiger eux-même le jugement" contre Chevron, condamné en première instance en 2011.

M. Guerra admet en outre avoir reçu 38.000 dollars de la part de la compagnie américaine, une somme versée non pas comme pot-de-vin, mais pour assurer sa protection, selon Chevron.

Rassemblés dans un collectif, les auteurs de la plainte contre le géant américain en Equateur ont réfuté les propos attribués à l'ex-magistrat. "Guerra n'a aucune crédibilité car il fait l'objet de plusieurs plaintes pour ses actions douteuses en tant que président de la cour de la province de Sucumbios", ont-ils réagi, dans un communiqué. Eux-mêmes mettent aussi en cause le magistrat en affirmant qu'il a été "acheté par Chevron" pour les discréditer.

A l'origine de l'affaire, quelque 30.000 indigènes et petits agriculteurs ont accusé la compagnie pétrolière Texaco, acquise en 2001 par Chevron, d'avoir pollué de vastes zones de la forêt amazonienne pendant une période d'exploitation pétrolière de 1964 à 1990.

Selon les plaignants, qui ont réclamé le gel des actifs de Chevron, des dégâts environnementaux très graves ont été causés par les déversements dans des fosses à ciel ouvert de déchets pétroliers qui ont ensuite contaminé sols et rivières.

Chevron estime pour sa part que les preuves présentées sont sans fondement scientifique et que le jugement est entaché d'irrégularité. La compagnie a toujours refusé de payer, affirmant que la société Texaco avait de surcroît payé ce qu'elle devait en coûts de nettoyage lorsqu'elle a quitté l'Equateur dans les années 1990.

En janvier 2012, la justice a toutefois confirmé en deuxième instance une amende de neuf millions de dollars infligée par la cour de Sucumbios au pétrolier américain. Son montant a ensuite été doublé, l'entreprise n'ayant pas présenté ses excuses aux victimes comme elle y était enjointe.

La condamnation de Chevron, sur laquelle la cour suprême d'Equateur doit encore se prononcer, représente l'amende la plus forte dans l'histoire du droit de l'environnement, dépassant celle initialement infligée à ExxonMobil pour la marée noire de l'Alaska en 1989, de 4,5 milliards de dollars.

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