Japon : quelle place pour le photovoltaïque depuis Fukushima ?

Veronica Bermudez

Experte en matériaux et dispositifs photovoltaïques
Directrice du Centre Énergie au QEERI (Qatar Environment and Energy Research Institute)

Le Japon est le cinquième plus grand consommateur d'électricité au monde. Ce pays dépend fortement du vecteur électricité (qui compte pour 28% de la consommation japonaise d’énergie) et dispose de faibles ressources énergétiques, ce qui le rend fortement tributaire des importations.

Le réseau électrique japonais est historiquement fragmenté et isolé des pays voisins. Il est composé de neuf zones d'équilibrage qui sont chacune exploitées par des monopoles intégrés verticalement. Le pays dispose également pour des raisons historiques de deux systèmes de fréquences différents (60 Hz à l'ouest du Japon et 50 Hz à l'est) et le seul moyen d'échanger de l'électricité entre ces deux grandes régions passe par un convertisseur direct de courant qui a une capacité assez limitée.

Fukushima : le tournant de 2011

Avant l'accident de Fukushima, le Japon ne dépendait d'aucune source d’énergie pour plus d'un tiers de sa production électrique. Le nucléaire comptait pour 25% de ce mix de production, comme le gaz naturel et le charbon, tandis que le pétrole et l'hydroélectricité comptaient chacun pour près de 10% (la production restante provenait de l’éolien, du solaire, de la géothermie et des biocarburants).

A la suite de l'accident nucléaire de Fukushima en mars 2011, le Japon a brusquement changé son système de production électrique avec la fermeture de ses réacteurs nucléaires. Une période de dépendance accrue aux combustibles fossiles importés s’est ouverte, ce qui a contribué à renverser la balance commerciale du pays. Ces combustibles comptent aujourd'hui pour près de 82% de la production japonaise d'électricité(1). Le remplacement de la production de base nucléaire par ces combustibles depuis 2011 s'est révélé très coûteux pour le pays.

Le gouvernement japonais a annoncé des plans visant à stimuler le marché photovoltaïque (PV) afin de réduire les pénuries d'électricité causées par l’arrêt du parc nucléaire. Une réforme du marché de l'électricité a été entamée afin de mettre fin aux monopoles régionaux et de faire émerger un système électrique sûr, avec une prévision de production de 1 065 TWh en 2030 (contre 1 018 TWh en 2016).

Des tarifs d’achat très attractifs pour soutenir le solaire photovoltaïque

En août 2011, le gouvernement a publié une loi relative à l’achat d'énergie renouvelable qui a conduit à l'introduction de tarifs de rachat (FIT) très attractifs en juillet 2012 pour soutenir l’autoconsommation dans le secteur résidentiel ainsi que les centrales de grande puissance(2). Cette politique, au coût considérable, constitue un réel défi pour l'exploitation et la planification du réseau.

Les incitations généreuses en faveur des énergies renouvelables, motivées par la volonté du gouvernement japonais d'attirer rapidement d’importants investissements, ont abouti à l’approbation d’un nombre énorme de projets. Un problème majeur a été le taux de réalisation de ces projets. Ce taux est d'environ 80% dans le secteur résidentiel mais de seulement 20% dans le cas des grandes installations. Un faible taux qui résulte principalement de l’absence de délai obligatoire pour l'achèvement des projets, des incertitudes liées à l’évolution des tarifs d’achat et des réductions de coûts attendues par les développeurs de systèmes photovoltaïques.

A cela s’ajoutent les difficultés à acquérir des droits fonciers et à transformer des terres agricoles en terres utilisables industriellement, ainsi que des difficultés de raccordement. Cette situation a nécessité une intervention gouvernementale et une amélioration des politiques, afin d’atteindre un équilibre délicat entre maîtrise des coûts, maintien de la confiance des investisseurs et déploiement photovoltaïque à grande échelle, conformément aux objectifs gouvernementaux.

Dans cette optique, le ministère japonais en charge de l'économie, du commerce et de l'industrie (METI) a annoncé en août 2014 un ensemble de mesures visant à rationaliser le système de soutien à la filière photovoltaïque. Les développeurs prévoyant la construction d’installations solaires photovoltaïques doivent entre autres soumettre une preuve d'acquisition de terrain ainsi que des composants du système afin de maintenir leur éligibilité au système.

En 2016, le coût total de la politique japonaise de tarifs d’achat s'est élevé à environ 2,3 billions de yens (soit de l’ordre de 17,3 milliards d’euros), avec un surcoût sur la facture d'électricité de l’ordre de 2,25 yens/kWh (soit près de 17 €/MWh). Afin de contenir le coût du déploiement des énergies renouvelables, une nouvelle réforme complète du système FIT a été planifiée et est actuellement mise en œuvre.

Un nouveau système de soutien depuis 2016

En février 2016, le gouvernement a approuvé un nouveau régime d’aides pour développer les énergies renouvelables, en introduisant un système d'enchères pour les centrales photovoltaïques de grande puissance à partir d’avril 2017(3).

L’introduction d'un mécanisme d’appels d’offres pour la filière PV est un signal positif en matière de réduction des coûts. Le coût des projets photovoltaïques au Japon reste toutefois encore largement supérieur à celui des appels d’offres ailleurs dans le monde (Mexique, Chili, Allemagne, etc.)

Les acteurs étrangers voient dans le marché japonais une opportunité d’améliorer leurs marges, compte tenu des prix élevés dans ce pays. Dans le cadre des nouveaux appels d’offres japonais, quatre acteurs étrangers ont notamment conclu des contrats de vente d'électricité : la branche japonaise de Canadian Solar (avec des sites de production en Chine), des filiales du fabricant de panneaux sud-coréen Hanwha, de l’allemand Q-Cells et de la société espagnole X-Elio.

Les électriciens japonais ont de plus en plus recours à des panneaux de fabricants étrangers (la société Hina utilise par exemple des panneaux chinois). On estime que la moitié des entreprises japonaises ayant remporté des appels d'offres utilisent des panneaux importés (qui sont jusqu'à 30% moins chers que ceux de leurs homologues japonais).

Le Japon s'est ainsi orienté vers les appels d’offres dans le but de réduire les coûts de production photovoltaïque ainsi que le nombre de « projets de papier » inachevés. Ces procédures devraient entraîner une plus grande concurrence sur le marché, réduisant in fine le coût supporté par les consommateurs d'électricité qui financent les tarifs d'achat (tout en continuant à augmenter la part de marché du PV dans le mix électrique).

En raison des réductions des tarifs d’achat, les nouvelles demandes de subventions ont diminué de 23% en 2016 et devraient encore baisser de 10% en 2017. Les systèmes résidentiels sont moins touchés par les problèmes de raccordement que les segments commerciaux mais cette demande résidentielle a également chuté de 10% en 2016. Cette dernière devrait toutefois rester stable, compte tenu de la hausse des prix de détail de l'électricité qui augmente l’attrait pour l'autoconsommation.

Aujourd'hui, le solaire photovoltaïque compte pour environ 4,5% de la production totale d'électricité au Japon. Il pourrait représenter 12% du mix électrique japonais d'ici 2030. Les défis sont encore nombreux pour le secteur énergétique du Japon qui se trouve confronté à une croissance économique léthargique ainsi qu’à une baisse de la population et de la demande d’électricité en raison des progrès en matière d’efficacité énergétique. 

Sources / Notes
  1. Dernières données de l’AIE portant sur l’année 2016.
  2. Ce programme de tarifs d’achat, qui fait l’objet d’une révision tous les trois ans, doit au moins rester en place jusqu'en 2021.
  3. Les nouveaux tarifs d’achat, AIE.

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Commentaire

akiko takehara

il faudrait absolument documenter sur TEPCO, qui impeche d'installation photovoltaïque.
takehara akiko

Serge Rochain

C'est pareil en France, le lobby nucléaire inonde les français de fakes news sur les ENR espérant que les politiques cherchant des voix dans les élections n'hésiteront pas à promettre l'arrêt de la monté en puissance des ENR et favoriseront le nucléaire sous la pression des électeurs.
Chaque projet éolien ou PPV est systématiquement attaqué en justice par des groupes d'opposants initiés par les agents du lobby.

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