Structuration des prix de l'essence et du gazole en France

Prix des carburants

En 2017, le gazole a compté pour près de 80% des volumes de carburants vendus en France. (©photo)

À RETENIR

  • Le coût du pétrole brut compte seulement pour un peu plus d'un quart du prix du gazole et de l'essence à la pompe en France (contre environ 60% pour les taxes). 
  • La principale taxe pesant sur la consommation de carburants est la TICPE. En 2020, elle est fixée, hors majorations régionales, à 0,6829 €/l pour le SP95, 0,6629 €/l pour le SP95-E10 et 0,594 €/l pour le gazole routier (montant gelé au niveau de 2018).
  • La TICPE constitue la 4e recette de l’État après la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.
  • Les différences de prix à la pompe entre les États européens s'expliquent principalement par les différences de systèmes fiscaux et de concurrence sur les différents marchés nationaux.

Définition

Les prix à la pompe de l’essence et du gazole sont déterminés en fonction du coût du pétrole brut, des coûts de production et de distribution du carburant mais aussi des taxes spécifiques auxquels ils sont soumis.

Ces taxes sont très variables d’un pays à l’autre et sont responsables en grande partie des écarts de prix entre les pays. En France, elles comptent approximativement pour 60% des prix de l'essence et du gazole à la pompe.

Dans cette fiche sont présentés les différents coûts constituant les prix à la pompe du gazole et de l'essence SP95. Précisons que la consommation de SP95-E10 en France dépasse celle de SP95 depuis 2017. Ces carburants, aux coûts assez proches, se différenciant par le taux d'incorporation de bioéthanol (10% pour le SP95-E10 contre 5% maximum pour le SP95).

Composition des prix des carburants

Structuration des prix des carburants à la pompe en mai 2018, d'après UFIP et données ministérielles (©Connaissance des Énergies)

Les coûts de production et de distribution

Le coût du pétrole brut

En mai 2018, le coût du pétrole brut constitue en moyenne 26,8% du prix de l’essence SP95 à la pompe et 28,3% du prix du gazole à la pompe(1).

Le coût du pétrole brut dépend :

  • des coûts techniques de production : ils comprennent les coûts d’exploration, de développement et d’exploitation du pétrole brut ;
  • de la qualité du pétrole brut : chaque type de pétrole est classifié selon sa viscosité et sa teneur en soufre. Il est vendu dans une fourchette de prix variant de 5 à 10% sur la base de l’un des trois bruts de référence cotés sur les marchés internationaux (Brent en Europe, West Texas Intermediate aux États-Unis, Dubaï) ;
  • des impôts dus à l’État hôte (l’État qui délivre les permis d’exploitation) : ils sont proportionnels à la « rente minière » (différence entre le prix de vente du brut et son coût technique de production). Le montant de ces impôts varie de 30 à 90% de cette rente selon les pays(2) ;
  • de la marge du producteur : elle correspond au prix de vente du pétrole brut sur les marchés internationaux, déduction faite des coûts associés à sa production et des impôts dus à l’État hôte, évoqués ci-dessus.

Les cours du pétrole brut

Les cours du pétrole brut sur les marchés internationaux varient en fonction de l’offre et de la demande. L'excédent d'offre par rapport à la demande a par exemple expliqué la chute des cours du pétrole au 2e semestre 2014. De nombreux facteurs peuvent influer sur les prix du brut, tels que la situation géopolitique des pays exportateurs (exemple : sanctions américaines contre l'Iran), l’évolution des réserves ou encore la spéculation. Dans les pays de la zone euro, la parité euro/dollar a un impact sur le prix d’achat du pétrole brut.

Le coût du raffinage (transformation du pétrole brut)

En mai 2018, le coût du raffinage constitue 4,6% du prix à la pompe de l'essence SP95 et 5,5% de celui du gazole(3). Précisons que la France importe une grande partie du gazole consommé au niveau national alors qu'elle exporte des essences produites dans l'hexagone. En 2017, les importations nettes de la France en pétrole brut se sont élevées à 21,1 milliards d'euros et celles de l'ensemble des produits raffinés à 7,7 milliards d'euros (sur une facture énergétique totale de la France de 38,6 milliards d'euros)(4). Pour rappel, les volumes de gazole consommés en France constituent encore près de 80% des volumes de carburants distribués dans l'hexagone.

Les coûts de transformation du pétrole brut en produits pétroliers sont indépendants des cours du pétrole brut.

Les coûts du raffinage dépendent principalement de la demande des consommateurs et des capacités des raffineurs à répondre à cette demande. Par exemple, l’augmentation de la demande de certains distillats ou l’évolution des spécifications techniques de certains produits peut aboutir à une hausse du coût de raffinage. 

Ces coûts de transformation du pétrole brut en produits pétroliers sont indépendants des cours du pétrole brut : ils ne varient pas en fonction des fluctuations des cours du baril de brut.

La « marge brute de raffinage » est l’indicateur économique correspondant à la différence entre le prix de vente des produits raffinés (sur un marché comme celui de Rotterdam) et les coûts avant raffinage (prix du brut acheté, assurance et pertes). Cette marge est faible et très volatile (autour de 21 $/tonne en moyenne en 2014, elle est remontée à 45 $/tonne en 2015 et avoisinait 34 $/tonne en 2017, 30$/tonne en juin 2018(5)). Les prix du baril de pétrole brut et ceux des produits raffinés comme l’essence et le gazole sont fixés sur des marchés physiques distincts.

Les coûts de transport et de distribution

En mai 2018, les coûts de transport-distribution constituent environ 7,2% du prix à la pompe de l'essence SP95 et 7,6% de celui du gazole(6).

Ils sont indépendants du prix du pétrole brut et du raffinage. Ils dépendent des possibilités techniques et des stratégies commerciales des distributeurs : « majors » (Total, BP, Shell, etc.), grandes et moyennes surfaces (Carrefour, Leclerc, Auchan, etc.), distributeurs indépendants.

Les marges françaises sont inférieures à la moyenne européenne en raison de la prépondérance des grandes surfaces dans la distribution de carburants.

La « marge brute de transport-distribution » est l’indicateur économique correspondant à la différence entre la moyenne des prix hors taxes du carburant commercialisé et la moyenne des cotations des carburants sur le marché de Rotterdam (prix des carburants achetés par les distributeurs auprès des raffineurs sur le marché).

Ces marges reflètent les conditions de concurrence sur les marchés nationaux. Elles sont en général assez faibles : en France, elles étaient en moyenne de 10,9 c€/l d’essence et de 10,7 c€/l de gazole en 2017. Les marges françaises sont inférieures à la moyenne européenne en raison de la prépondérance des grandes et moyennes surfaces dans la distribution de carburants (61,4% de part de marché en 2017)(7), qui s’accompagne d’une « guerre des prix ».

La situation d’autres pays tels que l’Italie et les Pays-Bas est moins concurrentielle et les marges de transport-distribution y sont plus élevées. Cela explique, en partie, des prix à la pompe plus élevés (mais la part des taxes est prépondérante).

Précisons que la marge brute de transport-distribution ne correspond pas à la marge brute du distributeur. Elle intègre aussi les frais logistiques, les frais d’exploitation en station ainsi que les taxes indirectes et surcoûts induits par la réglementation : surcoût d’incorporation des biocarburants ou TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes), pénalité CEE (Certificats d’économies d’énergie), obligation de stocks de réserve, etc. Le résultat net avant impôt réalisé par les distributeurs en France est compris entre 0 et 1 centime d'euro par litre.

Les taxes

En mai 2018, les taxes comptent pour 61,4% du prix du litre d'essence SP95 et 58,6% du prix du litre de gazole à la pompe. Il s’agit de loin de la première composante du prix de l’essence et du gazole(8). Notons que la part des taxes augmente mécaniquement lorsque les cours du pétrole baissent, et inversement (compte tenu du montant fixé par litre de la TICPE, principale taxe sur les carburants).

Deux taxes principales s’appliquent sur le prix hors taxes de l’essence et du gazole en France : la TICPE et la TVA. C’est la différence du montant de la TICPE applicable à l’essence et au gazole qui explique l’essentiel de la différence de prix à la pompe entre ces carburants.

La TICPE (Taxe Intérieure sur la Consommation de Produits Energétiques, « TIPP » jusque fin 2010)

Cet impôt indirect s’applique à tous les produits pétroliers (essence, gazole, fioul, etc.). Montant fixe perçu par litre vendu, la TICPE est constante pour une année donnée (montant inscrit dans la loi de finances). De ce fait, elle ne subit pas l’impact des fluctuations des prix du brut et des coûts de raffinage et de distribution.

En 2018, la TICPE est de 0,6829 €/l de SP95, de 0,6629 €/l de SP95-E10 et de 0,594 €/l de gazole routier. Jusqu'en 2016, les Régions pouvaient majorer la TICPE du carburant consommé dans leur région (jusqu’à 0,025 €/l en plus). Depuis 2017, « il est affecté aux Régions et à la collectivité de Corse une fraction de tarif applicable aux carburants vendus aux consommateurs finals sur leur territoire de 1,77 € par hectolitre pour les supercarburants et de 1,15 € par hectolitre pour le gazole », précise le ministère en charge de l'énergie. Les Régions et la Corse peuvent en plus majorer la TICPE d'une seconde tranche « dans la limite de 0,73 €/hl pour les supercarburants et de 1,35 €/hl pour le gazole », maintenant ainsi les recettes des collectivités(9).

Précisons que la loi de finances pour 2017 a introduit, pour la région Île-de-France, une majoration des tarifs de la TICPE de 1,02 € par hectolitre pour les supercarburants et de 1,89 € par hectolitre pour le gazole pour « financer le développement des transports en commun durables ».

Evolution de la TICPE
Les montants des TICPE portant sur le gazole et les essences sont progressivement rapprochés afin d'aligner les fiscalités de ces carburants vers 2021. (©Connaissance des Énergies)

Depuis le 1er avril 2014, une contribution climat-énergié (CCE) est intégrée dans la TICPE. Elle s'élève à 44,6 € par tonne de CO2 émise en 2018 et à 55 €/t CO2 en 2019.

Entre 2000 et 2002, le gouvernement Jospin avait mis en place un mécanisme dit de « TIPP flottante ».

Utilisé par les professionnels, le gazole est actuellement moins taxé que l’essence. Il est d’ailleurs totalement exonéré de TICPE et de TVA dans le cadre de certains types d’utilisations (exemple : les bateaux de pêche). Un rééquilibrage de la fiscalité entre essence et gazole est toutefois en cours : la TICPE portant sur le gazole devrait dépasser celle portant sur les essences à partir de 2021 selon la trajectoire envisagée par le gouvernement(10).

Entre 2000 et 2002, le gouvernement Jospin avait mis en place un mécanisme dit de « TIPP flottante » permettant d’ajuster cette taxe en fonction des prix du carburant pour atténuer les hausses à la pompe.

La TVA 

L’essence et le gazole sont également indirectement taxés au titre de la TVA. Son taux de 20% s’applique sur les produits hors taxes, et sur le montant de la TICPE. Le taux de la TVA est fixe au cours de l’année.

En mai 2018, la TVA coûte au total près de 0,25 €/litre d'essence SP95 et 0,24 €/litre de gazole.

Prix de l'essence et du gazole à la pompe

Décomposition moyenne du prix du litre de SP95 et de gazole en mai 2018 (©Connaissance des Énergies)

Chiffres clés

  • La TICPE est la 4e recette de l’État après la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. En 2016, les recettes de TICPE (hors TICGN) se sont élevées, pour les produits pétroliers, à près de 28,5 milliards d’euros selon le ministère en charge de l'énergie.
  • Entre juin 2016 et juin 2018, les prix moyens des carburants à la pompe en France ont augmenté de 14,2% dans le cas des essences (1,55 €/l TTC de SP95 et 1,53 €/l de SP95-E10 en juin 2018) et de 26,5% dans le cas du gazole (1,53 €/l en juin 2018). Cliquez ici pour accéder aux statistiques ministérielles sur les prix moyens des carburants à la pompe. Précisons que le site www.prix-carburants.gouv.fr permet également de suivre l'évolution des prix par station.

Évolution des prix des carburants à la pompe en France entre janvier 2007 et octobre 2018
Évolution des prix des carburants à la pompe en France entre janvier 2007 et octobre 2018. (©Connaissance des Énergies)

Enjeux

Stabilité des cours et aléas géopolitiques

Le contexte géopolitique parfois incertain des pays exportateurs peut avoir un impact déstabilisateur sur l'offre et le prix du pétrole brut. Les cours du brut peuvent varier rapidement en fonction d’événements politiques et économiques, notamment lorsqu'un conflit implique un pays producteur de pétrole.

La production de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) assure à elle seule 42,6% de la production mondiale en 2017(11). Dans le passé, les capacités de production excédentaire de l’organisation permettaient d’absorber les chocs (de demande ou d’offre) et de limiter les fluctuations du prix du brut en répondant en temps réel aux besoins des pays consommateurs.

Les révoltes de 2011 dans le monde arabe avaient entraîné une forte hausse des cours du pétrole brut .

Les imprévus d’ordre géopolitique, climatique ou technique peuvent provoquer des variations soudaines des prix du brut. Les révoltes de 2011 dans le monde arabe avaient notamment entraîner une forte hausse des cours (de 96 $ le baril de Brent en janvier à 123 $ le baril en avril, soit une hausse de presque 30% en quatre mois). En 2014, les prix du brut avaient en revanche fortement chuté dans le contexte d'une offre excédentaire, principalement due à la hausse de la production « non conventionnelle » des États-Unis. Les cours du pétrole brut sont depuis remontés (74,4 $/b de Brent en juin 2018, contre 30,7 $/b au point bas de janvier 2016), suite au plafonnement de la production des membres de l'OPEP et de leurs partenaires dont la Russie (« OPEP+ »).

Politique environnementale et taxes

En France, des mesures politiques visent à réduire la consommation de combustibles fossiles et à développer les énergies renouvelables afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES). Rappelons notamment que le Plan Climat, présenté par Nicolas Hulot en juillet 2017, vise à « en finir avec les énergies fossiles », avec entre autres un objectif d'arrêt des ventes des véhicules à essence ou diesel à l’horizon 2040.

Alors que la fiscalité pétrolière est une source importante de revenus pour l’État, peuvent se poser des questions cruciales : quel sera l’arbitrage de l’État entre la mise en place d'une politique énergétique en faveur des énergies renouvelables et la diminution des revenus résultant d’une baisse de consommation des énergies fossiles ? Dans le cas d’une arrivée des voitures électriques sur le marché de l’automobile, comment l’État compte t-il compenser la baisse des revenus issus des taxes des carburants ?

Aux États-Unis, l’État de Washington a mis en place en 2012 une taxe annuelle de 100 $ pour les utilisateurs des voitures électriques afin de compenser ce manque à gagner(12). En France, le gouvernement n’a pas officiellement lancé le sujet mais la question d’une nouvelle taxe sur l’électricité pour compenser la perte potentielle sur la TICPE est en réflexion.

Comparatif international

Europe

Les différences entre les prix du gazole et de l'essence à la pompe entre les États européens s'expliquent par deux facteurs :

  • l’existence de systèmes fiscaux différents : les taxes intérieures (TICPE en France) et la TVA varient selon les pays et l’Union européenne fixe des niveaux minima de taxation applicables aux carburants. Les différences de fiscalité sur l’essence et le gazole sont toutefois relativement limitées d’un pays européen à l’autre (sauf dans certains cas, par exemple, l’essence est sensiblement moins taxée en Espagne et au Luxembourg que dans les pays voisins). Cela limite les forts écarts de prix à la pompe dans les différents pays européens ;
  • la concurrence sur le marché national des carburants : le niveau de concurrence des acteurs de la distribution sur les marchés nationaux a un effet important sur les prix hors taxes des carburants. Par exemple, le marché français est très concurrentiel et les marges de distribution sont parmi les plus faibles d’Europe. Rappelons toutefois que ces marges sont essentiellement dues aux coûts spécifiques aux pays (ex : CEE, TGAP en France). Elles ne reflètent donc que partiellement l’intensité concurrentielle.

Prix à la pompe de l'Euro-super 95 dans l'Union européenne

Prix à la pompe de l'Euro-super 95 dans l'Union européenne au 18 juin 2018 (©Connaissance des Énergies)

Prix à la pompe du gazole dans l'Union européenne

Prix à la pompe du gazole dans l'Union européenne au 18 juin 2018 (©Connaissance des Énergies)

Monde

Au niveau international, des écarts importants existent entre les différents prix nationaux des carburants. Ces écarts sont largement dus aux niveaux variables des taxes, le prix du brut étant quant à lui basé sur des prix internationaux.

Aux États-Unis par exemple, le carburant n’est que très peu taxé : les taxes s'élèvent en 2018 dans le pays à 0,47 $/gallon d'essence (dont 0,184 $ de taxes fédérales et 0,283 $ de taxes des États en moyenne, sachant qu'un gallon équivaut à près de 3,79 litres) et à près de 0,54 $/gallon de gazole(13). Début juillet 2018, le prix de vente de l'essence avoisinait 2,8 $/gallon, soit 0,75 $/litre(14), soit un montant près de deux fois plus faible qu'en Europe. Le coût du pétrole brut compte pour plus de la moitié du prix final des carburants dont s'acquittent les conducteurs américains.

D’autres pays tels que le Mexique, le Canada et l’Australie taxent aussi très peu leurs carburants. C’est en Europe que la fiscalité des carburants est la plus importante. Les prix des carburants à la pompe y sont par conséquent parmi les plus élevés du monde.

Certains pays comme l'Arabie saoudite(15) ou l'Iran subventionnent la consommation de carburants pour des raisons de stabilité politique, en assurant un prix fixe quel que soit le cours du baril. 

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