Pétrole : la stratégie des « marges symétriques »

  • Source : Ifri

En 2007, la découverte au large du Ghana du gisement pétrolier géant de Jubilee(1) a incité la société britannique Tullow Oil à investir dans des zones de l’autre côté de l’Atlantique, notamment au large de la Guyane. Les continents sud-américain et africain étaient en effet initialement « collés », avant la dislocation de la Pangée(2) qui s’est opérée il y a près de 80 millions d’années, soit après la formation de grands gisements actuels de pétrole. Les compagnies pétrolières ont ainsi renforcé depuis une dizaine d’années leurs études des « marges symétriques », c’est-à-dire des gisements « miroirs » de part et d’autre de l’océan Atlantique.

Dans cette étude publiée par le Centre Énergie de l’Ifri, Benjamin Augé(3) décrit la stratégie d’étude des marges symétriques par les géologues des sociétés pétrolières et présente les principaux projets d’exploration en cours sur les deux rives de l’Atlantique, dans des zones offshore encore mal « radiographiées » (Guyana, Suriname). Ces nouveaux projets entraînent des défis géologiques, économiques mais aussi géopolitiques.

A ce jour, la stratégie des marges symétriques a été « peu  couronnée de succès » : les miroirs géologiques en Afrique des gisements pré-salifères du Brésil n’ont notamment pas fait l’objet de découverte significative. Toutefois, la découverte récente par ExxonMobil du gisement de Liza au large du Guyana (« pendant » de la zone géographique allant du Ghana au Liberia) devrait « crédibiliser à nouveau cette façon d’acquérir des permis d’exploration » selon Benjamin Augé.

L’intérêt pour des zones offshore encore méconnues par les pétroliers fait ressurgir des conflits concernant la délimitation des frontières maritimes, notamment entre le Guyana et le Venezuela ou entre la Côte d’Ivoire et le Ghana (procédure d’arbitrage international en cours devant aboutir à une décision avant fin 2017). Dans les petits pays d’Amérique du Sud concernés par des découvertes, une nouvelle gouvernance doit par ailleurs être mise en place pour leur permettre de « trouver le bon modèle de gestion de la rente pétrolière ». C’est le cas du Guyana, pays de moins de 800 000 habitants qui pourrait, selon cette étude, produire au moins 100 000 barils par jour d’ici 5 à 6 ans grâce à l’exploitation du gisement Liza.

Les projets d’exploration dans le cadre de la stratégie des marges symétriques (notamment en Namibie, au nord du Brésil ou au Suriname et au Guyane) sont encore « loin d’avoir révélé toute leurs promesses en termes de découvertes pétrolières » selon Benjamin Augé. Ils restent toutefois souvent conditionnés à une remontée durable des cours du brut.

Lire l'étude :
Marges symétriques

Sources / Notes

  1. Réserves de près d’un milliard de barils.
  2. « Supercontinent » apparu il y a 250 millions d’années.
  3. Docteur en géographie, Benjamin Augé est rédacteur en chef de la lettre d’information « Africa Energy Intelligence » et enseigne la géopolitique du pétrole et du gaz, notamment au sein de différentes universités africaines.

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