Réseau électrique : un hiver sans « alerte particulière », quid du charbon ?

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Centrale de Cordemais

La centrale de Cordemais dispose encore de deux tranches au charbon en activité. Les deux tranches de la centrale alimentées au fioul ont été arrêtées en mai 2017 et avril 2018. (©EDF-Yves Soulabaille)

L’approvisionnement en électricité de la France « devrait être assuré durant l’hiver 2018-2019 » malgré une période « sous vigilance » de mi-janvier à fin février 2019, a indiqué RTE le 15 novembre. Le gestionnaire de réseau a également précisé les conditions pour arrêter les 5 réacteurs au charbon encore exploités dans l’hexagone.

Un approvisionnement hivernal assuré, « vigilance » entre mi-janvier et fin février 2019

Cet hiver, la France devrait disposer « de marges de production positives, même en cas de vague de froid décennale sauf la deuxième semaine de janvier », indique RTE dans sa dernière publication sur l’équilibre offre-demande d’électricité(1). Autrement dit, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France métropolitaine(2) n’envisage « pas d’alerte particulière »(3) au regard de la disponibilité attendue du parc nucléaire(4) (contrairement à la Belgique dont le réseau électrique est soumis « à rude épreuve »).

Pour rappel, cette disponibilité est « un des déterminants majeurs de la sécurité d’approvisionnement en France », compte tenu du poids du nucléaire dans la production électrique française (71,6% en 2017). Elle sera « meilleure que l’année dernière » selon RTE, excepté de mi-janvier à fin février 2019, « période sous vigilance » avec 7 réacteurs nucléaires à l’arrêt durant la deuxième quinzaine de février selon les plannings de maintenance (sur les 58 que compte le parc).

En cas de vague de froid décennale (6,5°C en moyenne sous les normales de saison) durant la 2e semaine de janvier 2019, un déficit de 650 MW de capacités pourrait apparaître sur le réseau (après recours aux capacités d’importations disponibles) selon RTE. Le gestionnaire devrait alors avoir recours à des moyens « post marché » : appels aux gestes citoyens(5), interruption de l'alimentation de gros consommateurs industriels sélectionnés par appel d’offres, baisse de la tension sur les réseaux de distribution, etc(6).

Comme chaque hiver, RTE rappelle que la consommation électrique française (stimulée par les nombreux chauffages électriques) est très « thermosensible » : au niveau national, chaque degré de température en moins au cœur de l’hiver entraîne un appel de puissance supplémentaire de 2 400 MW sur le réseau. En cas de vague de froid décennal, l’appel de puissance maximal pourrait atteindre cet hiver 100 GW selon RTE. L'hiver dernier, le pic d’appel de puissance était de 96,6 GW (102 GW pour le pic historique en février 2012).

Une fermeture progressive des cinq tranches au charbon possible à partir de mi-2020

Dans son Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité à moyen terme(7), RTE a intégré l’objectif du gouvernement de fermer d’ici à 2022 les cinq dernières unités au charbon en activité sur les sites de Cordemais (Loire Atlantique), du Havre (Seine-Maritime), de Gardanne (Bouches-du-Rhône) et de Saint-Avold (Moselle).

RTE indique que « le système électrique français sera équilibré mais sans marge, jusqu’en 2020 ». D'ici là, la sécurité d’approvisionnement du parc électrique français pourrait être renforcée selon le gestionnaire de réseau par le « cumul d’effets positifs, à la fois structurels et conjoncturels : faible nombre de visites décennales programmées en 2020 et aucune se terminant à l’entrée de l’hiver, mise en service de trois interconnexions avec l’Italie et la Grande-Bretagne, absence de perspective de déclassements massifs de groupes thermiques dans les pays voisins », etc.

Ce n'est qu'à partir de 2020 que les centrales à charbon pourraient ainsi être progressivement arrêtées selon le « cas de base » de RTE, à raison de 2 tranches arrêtées mi-2020, deux autres en 2021 et la dernière en 2022.

Outre la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim déjà actée, précisons que ce « cas de base » exclut l'arrêt d'autres moyens de production d'ici à 2023 (notamment d'autres réacteurs nucléaires)(8). Le gestionnaire de réseau intègre également dans ce scénario un fort développement des énergies renouvelables (+ 1 400 MW/an d'éolien + 1 800 MW/an de solaire photovoltaïque) et la mise en service de l'EPR de Flamanville et de la centrale au gaz de Landivisiau.

Pour rappel, le charbon a compté pour seulement 1,8% de la production française d’électricité en 2017.

Mix électrique français
La production d’électricité en France reste « décarbonnée » à près de 90% en 2017 malgré la progression des énergies fossiles dans le mix. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)

Sources / Notes

  1. L’équilibre offre-demande d’électricité pour l’hiver 2018-2019, RTE.
  2. Hors Corse.
  3. Selon les termes du directeur de l’exploitation Jean-Paul Roubin.
  4. La fermeture de la dernière tranche au fioul de Cordemais en avril 2018 (puissance de 700 MW) « est largement compensée » par une meilleure disponibilité du parc nucléaire et par le développement des énergies renouvelables, selon RTE.
  5. Ceux-ci étant notamment appelés à différer l’usage de certains appareils durant les heures creuses.
  6. Un recours à ces moyens post marché pourrait également être nécessaire en cas d’indisponibilités « fortuites » de plus de 2 500 MW de capacités (en deçà des prévisions), conjuguées à des températures inférieures de 4°C aux normales de saison.
  7. Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité, RTE.
  8. RTE présente également des variantes dans son Bilan prévisionnel.

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