Faut-il tout miser sur les énergies renouvelables ?

Jean-Louis Étienne – Explorateur, premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire

Médecin et explorateur
Premier homme à avoir atteint le pôle Nord en solitaire en 1986

La Terre reçoit du soleil une énergie capable de satisfaire les besoins de l'humanité, les éoliennes offshore de grande puissance peuvent tourner une grande partie de l'année grâce à l'omniprésence du vent du large, les mouvements de la houle et les marées représentent des forces colossales. Ajoutons à cela la géothermie et la biomasse dont on entrevoit l'immense potentiel grâce aux biotechnologies… Autant dire que le réservoir des énergies renouvelables est gigantesque.

Tout ceci est d'autant plus séduisantque ces énergies ne produisent pas de déchets à vie longue comme le dioxyde de carbone ou les déchets radioactifs. Mais doit-on pour autant tout miser sur ces énergies renouvelables (ER) ? Pourront-elles à l'avenir satisfaire les besoins croissants de l'humanité ?

Si la source des ER est infinie,leur dispersion et leur faible densité énergétique nécessitent de multiplier les capteurs dans des proportions qui posent problème. La centrale espagnole à concentration solaire Gemasolar a une puissance de 20 MW, l'équivalent de 10 éoliennes de 2 MW avec un vent constant, car elle fonctionne en quasi-continu grâce à l'accumulation thermique dans du sel qui permet de palier le manque de soleil nocturne. Mais son implantation au sol est disproportionnée : près de 200 ha (300 terrains de football) pour 20 MW !

Une autre faiblesse des ER tient aux difficultés de stockage de l'électricité pour compenser leur inconstance. Mis à part le turbinage dans les barrages hydroélectriques, toutes les solutions actuelles (batteries, inertie, gaz comprimé) assurent une production limitée à quelques heures. La production d'hydrogène par électrolyse de l'eau sera intéressante quand la production industrielle à faible coût de la pile à combustible réversible sera au point. 

On peut penser que les progrès technologiques, associés à une gestion régionale des ER gérées par un « réseau intelligent », permettront de couvrir les besoins domestiques d'éco-citoyens bien au fait de la « préciosité de l'énergie » et ayant réalisé une bonne isolation thermique de leur logement. Mais pourront-elles répondre aux énormes appels de puissance des mégalopoles, de l'industrie lourde comme la sidérurgie et des transports en commun ? Il faudrait 400 éoliennes de 2 MW autour de Paris pour faire fonctionner le métro et le RER, à condition qu'il y ait du vent.

Pour toutes ces raisons, on ne peut pas tout miser sur les énergies renouvelables. Actuellement, on compense leur variabilité par la mise en fonction rapide des centrales hydroélectriques et des centrales thermiques à flamme (charbon, gaz et fuel). Mais dans les prévisions à long terme, la construction de nouveaux barrages sera freinée par l'acceptation des citoyens, et la combustion des énergies fossiles ne dépassera pas ce siècle, à part peut être le charbon pour les vastes pays (USA, Chine, Russie, Inde…). 

Un passage progressif des énergies de stock à des énergies de flux est à prévoir. Les ER sont donc appelées à se développer mais il ne faut pas pour autant fermer l'avenir à l'atome : les réacteurs de Génération IV et ITER devraient, à maturité, nous permettre d'entrer dans l'ère de l'énergie nucléaire durable.

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