Augmentation du prix de l'essence au Venezuela : doutes, dollars et files d'attente

  • AFP
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"Ceux qui paient en dollars, par ici !", crient des militaires et des policiers à la foule attendant de faire le plein dans une station-service de Caracas. Au Venezuela, plaintes des automobilistes et queues interminables ont rythmé le premier jour de l'augmentation des prix de l'essence, jusqu'ici presque gratuite.

Bien que disposant d'énormes réserves, ce pays pétrolier, dont la production s'est effondrée, connaît une grave pénurie de carburants, accentuée par les conséquences de la pandémie de coronavirus sur la vie économique.

Face à cette pénurie - attribuée à la corruption et à des erreurs de gestion par des experts et aux sanctions américaines par le gouvernement - le président socialiste Nicolas Maduro a fixé samedi un prix international, à 50 centimes de dollar le litre d'essence. Signe de la fin du monopole de l'État sur la vente de carburants, quelque 200 stations-services, "gérées par des entrepreneurs privés", peuvent désormais en vendre librement à ce tarif.

Parallèlement, un système de subventions sur la base de 5 000 bolivars (0,025 dollar) le litre permet l'achat de 120 litres par mois pour les voitures particulières et de 60 litres pour les motos. À condition, toutefois, de s'enregistrer au préalable pour en bénéficier. Une "discrimination", juge Etna Gómez, 51 ans, qui s'est rendue dès l'aube dans une station-service avec l'espoir de remplir les 40 litres de son réservoir, et qui a vu plus de cent voitures devant elle.

Au tarif international, il faudrait 20 dollars, un luxe inaccessible à beaucoup dans un pays où le salaire minimal ne dépasse pas les quelque 4 dollars mensuels. Dans les stations autorisées à percevoir des devises, les automobilistes payant en dollars attendent dans des files séparées de ceux qui règlent en bolivars.

« 30 litres, pas plus »

Pour acheter de l'essence subventionnée, les automobilistes - qui ont pour cela des jours dédiés selon leur plaque d'immatriculation - doivent poser un doigt sur un appareil qui prend leurs empreintes digitales et confirme qu'ils sont enregistrés sur une plateforme numérique crée par le gouvernement. "Un mécanisme de contrôle social", a taclé l'opposition.

Dans un quartier populaire de Caracas, Oswaldo Torrealba, 56 ans, voulait remplir le réservoir de 150 litres de sa vieille ambulance. Il a tenté sa chance dans trois stations. Mais "ils ne m'ont mis que 30 litres, pas plus", se plaint-il.

Dans une station-service de l'est de la capitale, fermée depuis le 17 mars, Orlando Mujica dépoussière les pompes. Il se dit "content" de revenir après deux mois sans travailler. "Merci à Dieu et à l'Iran", précise-t-il, en référence aux cinq navires pétroliers envoyés par Téhéran, allié de Maduro, pour livrer de l'essence et d'autres produits pétroliers.

Ayant entendu à la radio que des pompes étaient rouvertes, après plusieurs semaines de fermeture, Antony Moreno, un livreur de sushis de 27 ans, a décidé d'aller faire le plein de sa moto. Mais entre les files d'attente interminables et les problèmes informatiques empêchant le paiement par cartes bancaires - vitales au Venezuela en raison de la pénurie de billets - il a dû renoncer après s'être rendu dans plusieurs stations. "Encore un truc qu'ils ont abîmé", peste Antony, en colère contre le gouvernement.

Le ministre du Pétrole, Tareck El Aissami, a estimé que cette première journée de nouveaux tarifs était un succès : "Il n'y a eu aucun incident", s'est-il félicité dans une déclaration diffusée à la télévision publique.

Après avoir payé jusqu'à trois dollars le litre d'essence au marché noir, un tarif prohibitif lié à la pénurie, Luis Yagual, un vendeur de fruits de 29 ans, lui, fait la queue sans cacher son malaise. "Le Venezuela produit de l'essence, qu'ont-ils fait ?"

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