Avec la hausse des prix de l'électricité, les industriels peinent à financer leur « verdissement »

  • AFP
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Difficile pour les usines de passer au vert en s'électrifiant, quand les prix de l'électricité flambent : la "décarbonation" censée accompagner la réindustrialisation de la France est en danger, craignent les industriels.

Les activités les plus consommatrices d'électricité en France, comme la sidérurgie ou la chimie, réunies au sein de l'association Uniden, ont prévenu jeudi qu'il pourrait y avoir des abaissements de production, voire l'arrêt de certaines usines début 2022, si l'addition continuait d'augmenter.

En cause ? L'envolée historique du prix de gros de l'électricité en France, mais également dans d'autres pays d'Europe, depuis début 2021. Jeudi soir, le cours à terme de l'électricité sur 2022 a terminé la séance à 176 euros le MWh, alors qu'il oscillait en 2020 autour de 50 euros le MWh, soit un triplement du prix. L'écart est encore plus fort si l'on regarde le cours "spot" au jour le jour, qui explose à 310 euros le MWh.

"Avec des prix de l'électricité à ce niveau, nous ne pourrons ni réindustrialiser ni décarboner" en raison de l'importance des investissements nécessaires pour réduire les émissions qui ne seront plus possibles, prévient Gildas Barreyre, président du comité Electricité au sein de l'Uniden. Par exemple, "verdir" une aciérie nécessite de remplacer les fours utilisant des énergies fossiles par des fours électriques, ce qui réduit les émissions de dioxyde de carbone, le principal gaz à effet de serre, puisqu'on ne brûle plus de charbon ou de gaz.

Plusieurs facteurs expliquent l'embrasement : début 2021, la reprise économique post-confinement un peu partout dans le monde a provoqué une première explosion du prix de l'électricité. À la rentrée, et à l'approche de l'hiver, c'est la flambée du prix du gaz qui a rallumé la mèche.

Les grands utilisateurs d'électricité en France, sidérurgie, chimie, pharmacie avaient pourtant prévenu très en amont et tenté d'obtenir du gouvernement un relèvement exceptionnel du quota annuel d'électricité dont ils bénéficient à prix régulé - très bas -. Ce dispositif, nommé Arenh (pour "accès régulé à l'électricité nucléaire historique") permet depuis 2011 aux fournisseurs alternatifs et aux industriels français dits "électro-intensifs" d'acheter à EDF de l'électricité nucléaire à un prix fixe et plutôt modeste, actuellement fixé à 42 euros le MWh.

Problème européen

Mais le gouvernement n'a pas relevé leur quota. Officiellement "parce que la Commission européenne s'y serait opposé", lâche un industriel de la pharmacie, furieux, qui requiert l'anonymat. "Devant la gravité de la situation, et pour une durée temporaire, l'obstacle de la Commission européenne aurait pu être levé", juge-t-il.

Le gouvernement a néanmoins pris une série de mesures pour alléger l'addition de tous les consommateurs, particuliers et industriels : pour les ménages, il a annoncé le versement exceptionnel de 100 euros en décembre à six millions de bénéficiaires du chèque énergie. Il a surtout promis de limiter la prochaine hausse du tarif réglementé de l'électricité, prévue en février 2022, à 4%, en baissant la taxe sur l'électricité. Il s'agit du tarif bleu d'EDF auquel souscrivent de l'ordre de 70% des ménages. Les toutes petites entreprises comme les artisans ont droit au tarif réglementé, mais pas les industriels.

Pour les industries les plus consommatrices d'électricité, elles bénéficieront d'une compensation de 150 millions d'euros sur la taxe carbone pour pallier la hausse des prix. Mais, les industriels électro-intensifs "vont devoir compléter une partie importante de leur approvisionnement sur le marché dès les prochains jours dans les pires conditions de prix qui soient", remarque l'Uniden.

"Nous sommes pris au piège d'une structuration de marché qui ne marche pas en Europe, or la Commission refuse d'admettre que le marché de l'électricité dysfonctionne", souligne M. Barreyre de l'Uniden. "Et il faut des schémas alternatifs pour notre approvisionnement" ajoute-t-il, notamment en proposant "des contrats à long terme" comme il en existe un peu partout dans le monde.

Lors du Conseil européen de l'Énergie qui s'est tenu jeudi, la France "a fait des propositions à la Commission pour faire évoluer ce marché pour tenir compte de la décarbonation des mix", a abondé Barbara Pompili vendredi sur BFM Business. "Ca peut aider les pays qui font des efforts pour décarboner, à pouvoir le répercuter sur les consommateurs" a estimé la ministre.

Commentaires

PierB

Si les fournisseurs d'électricité doivent en acheter sur le marché, c'est que EdF n'en fournisseurs pas assez. Si EdF est réticent à le faire, c'est qu'il y a une limite à cette aberration qu'est l'ARENH, limite qui serait peut être moins critique si la France pouvait produire plus d'électricité nucléaire. Mais hélas on a fermé Fessenheim. Cherchez l'erreur

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