Climat: le groupe Exxonmobil, accusé de tromperie, absent à l'audition du Parlement européen

  • AFP
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Le géant pétrolier américain Exxonmobil, accusé d'avoir trompé le public quant au danger du réchauffement climatique, a fait l'objet jeudi d'une audition publique du Parlement européen à Bruxelles, à laquelle il ne s'est pas présenté, a constaté un journaliste de l'AFP.

La députée écologiste britannique Molly Scott Cato a indiqué qu'elle allait demander formellement à ce que le groupe soit de ce fait privé de ses six badges d'accès au Parlement. En vertu des règles parlementaires, "les lobbyistes doivent se voir retirer leur badge" s'ils ne répondent pas à une demande d'audition, a-t-elle indiqué.

"Je pense que cela fournit le fondement nécessaire au retrait des badges d'Exxon. Je vais écrire aux (administrateurs) ce (jeudi) soir et j'encouragerais vivement les autres députés qui se préoccupent de l'avenir de notre Parlement à signer cette lettre", a-t-elle ajouté.

ExxonMobil a, pendant des décennies, sciemment trompé le public quant au danger du réchauffement climatique, ont dit jeudi des activistes et des scientifiques aux députés, comparant la démarche du pétrolier aux campagnes longtemps menées par l'industrie du tabac.

Dans une lettre datée de mercredi, le géant pétrolier s'était dit "dans l'impossibilité de participer du fait d'un recours climatique en cours aux États-Unis", craignant que les échos de cette audition puissent "influencer cette procédure".

"L'industrie du pétrole il y a 60 ans savait que ses produits étaient potentiellement dangereux," a dit Geoffrey Supran, chercheur à l'université de Harvard, aux eurodéputés. En particulier, l'American Petroleum Institute, principale association du secteur, avait été prévenue en détail en 1959 par le physicien Edward Teller du fait que le réchauffement climatique lié à la combustion des énergies fossiles allait "suffire à faire fondre les calottes glaciaires et submerger New York", a-t-il dit.

Et pourtant le secteur, dont ExxonMobil et les firmes qui l'ont précédé, n'ont cessé depuis de semer le doute sur les conclusions des scientifiques quant à la réalité de la menace.

M. Supran a, avec d'autres chercheurs, étudié quelque 200 documents couvrant plusieurs décennies depuis les années 1980 : les 4/5e des études scientifiques et mémos internes reconnaissaient l'existence du réchauffement et son origine humaine. Dans le même temps, des centaines d'éditoriaux, sponsorisés, paraissaient dans de grands journaux américains, jetant le doute sur ces mêmes faits, ajoutait cette étude, parue en 2017.

"Nous rejetons l'allégation selon laquelle ExxonMobil aurait étouffé des recherches scientifiques sur le climat", a réagi le groupe jeudi, évoquant son "histoire de près de 40 ans de recherches climatiques menées conjointement avec le ministère de l'Énergie, les universitaires et l'ONU".

"L'élément important de cette audition (de Bruxelles) est qu'elle commence à consigner les preuves" publiquement, a dit de son côté M. Supran à l'AFP. "Elle renforce aussi les appels réclamant des auditions similaires au Congrès américain et aux autres gouvernements pour savoir ce qu'Exxon et le secteur des énergies fossiles savaient", a-t-il ajouté.

En 2017, le Parlement européen avait décidé d'interdire son accès aux lobbyistes de Monsanto après que le groupe eût refusé d'assister à une audition. Les eurodéputés voulaient l'interroger sur son influence dans la rédaction d'études scientifiques.

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