EDF : les opposants au projet Hercule attendus jeudi devant Bercy

  • AFP
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Les syndicats d'EDF, opposés à la réorganisation de l'électricien français, repartent au combat jeudi contre le projet Hercule et sont appelés par l'interfédérale à défiler "en bleu", la couleur "historique" du groupe, notamment devant le ministère de l'Economie.

L'interfédérale (FNME-CGT, CFE-CGC Énergies, FO Énergie et Mines, FCE-CFDT) appelle à la grève dans un communiqué et "invite l'ensemble des agents à rejoindre partout sur le territoire, dans le respect des consignes sanitaires en vigueur, les rassemblements et manifestations". Il s'agira de la 6e journée de grève depuis le 26 novembre.

"Le mot d'ordre, c'est tout le monde en bleu, la couleur historique d'EDF-GDF", a complété mercredi Nelly Bréheret, déléguée syndicale centrale (FO).

"On espère un taux de grévistes au moins au même niveau que lors des précédentes journées de grève, c'est-à-dire autour de 30%", a-t-elle ajouté malgré les difficultés d'organisation dans le contexte sanitaire actuel.

Deux jours après avoir été reçus à Bercy, en compagnie du PDG du groupe Jean-Bernard Lévy, par Bruno Le Maire et Barbara Pompili pour faire le point sur le projet, qui doit notamment obtenir le feu vert de la Commission européenne pour aboutir, les syndicats prévoient notamment de se retrouver à partir de 14H00 devant le ministère de l'Économie pour dire leur opposition au projet Hercule, qu'ils accusent d'être un démantèlement du groupe.

D'autres rassemblements devraient également avoir lieu à Marseille, Lyon ou Bordeaux ou sur différents sites industriels, selon la CGT qui précise qu'à Dieppe (Seine-Maritime), tous les salariés se rassembleront en compagnie du député local Sébastien Jumel (PC) sur une place rebaptisée "Marcel Paul", à l'origine de la création d'EDF-GDF en 1946.

Le projet Hercule d'EDF, aujourd'hui détenu à 84% par l'Etat, vise à réorganiser l'entreprise en trois entités pour lui permettre de se développer dans les énergies renouvelables, tout en assurant de lourds investissements dans le nucléaire.

Les échanges mardi avec les ministres de l'Économie et de la Transition écologique n'ont pas dissuadé les organisations syndicales de contester ce projet dans lequel ils voient le risque du démantèlement d'une entreprise stratégique.

"On n'a pas appris grand chose, a déclaré à l'AFP le secrétaire général de la CGT Mines-Énergie Sébastien Ménesplier. Ils nous ont dit qu'on ne peut pas attendre 2025 pour trouver des solutions pour l'avenir d'EDF. Ils vont organiser des bilatérales pour discuter de nouveau. On a toutes les bonnes raisons de persévérer dans l'appel à la grève".

En marge de la mobilisation, le collectif national "Pour un véritable service public de l'énergie", regroupant 66 organisations tels que Attac, la fondation Copernic, le PS ou LFI, a demandé mardi dans une tribune l'abandon d'Hercule.

"L'opposition à ce projet est forte, y compris parmi de nombreux parlementaires. Nous invitons les usagers à s'engager eux aussi dans l'action contre ce projet qui sera désastreux pour eux s'il est appliqué", écrivent les signataires.

Commentaires

Giuseppe Gattullo

"Droit public" Les citoyens sans avoir été consultés se sont retrouvés aux prises avec un processus de libéralisation, un pseudo-marché en régime oligopole et des entreprises autorisées à gérer la production, le marché et les clients des "biens essentiels", comme l'électricité, l'eau, le gaz sont soumis à la marchandisation.
Les citoyens sont contraints à des négociations exténuantes dans une position subalterne, contraints de souffrir de frustration, de harcèlement de toutes sortes, de mortifications et de moqueries publiques.
Avec les nouvelles inventions Smart, au nom du vert, nous détruisons et polluons plus qu'auparavant, supprimant la protection des citoyens sur les «biens essentiels».
Le futur proche sera fait de Blackout, Cold and Dark.
À ce stade, tout le monde comprendra que nous avons détruit le plus beau mix énergétique du monde, celui d'Europe, pour rester dans le froid, dans l'obscurité, sans gaz dans la cuisinière, avec les PC et les téléphones portables éteints et vides.
Nous pourrions faire des rites propitiatoires pour faire pleuvoir, ou invoquer la force du vent du dieu Éole, ou invoquer le dieu soleil.
Mais j'ai peur que ça ne marche pas.
Giuseppe Gattullo ? ? ? ? ?

Claire AICARDI

Les citoyens européens ont voté libéral aux élections européennes... On récolte ce que l'on sème...

Régis de Nimes

"Marcel Paul", à l'origine de la création d'EDF-GDF en 1946".
Marcel Paul, le ministre communiste qui a appliqué consciencieusement le programme du Conseil National de la Résistance (CNR), comme A. Croizat pour la sécu et M. Thorez pour le statut des fonctionnaires, bouclier du CDI dans le secteur privé.
Que le monde du travail puisse laisser détruire tout ça par manque de conscience politique et de rapport de force électoral....

Lecteur 92

Nous faisons encore le mauvais choix : renforcer le quasi monopole national de production électrique - tout en essayant, avec Bruxelles, d'organiser la concurrence au niveau du consommateur final ... Quelle machine complexe et inefficace. Plutôt que de renforcer l'étatisation de EDF (qui va inévitablement s'accompagner d'un renforcement de la syndicalisation) [résultat, EDF est depuis très longtemps en réalité gouverné par son actionnaire public et par de puissants syndicats qui trop souvent (pas toujours), en pratique, ne pensent qu'à eux, pas par sa direction générale], il faut offrir à d'autres investisseurs -- et en tout premier lieux aux soi-disant concurrents d'EDF auprès des consommateurs-- la possibilité de prendre une partie du capital de quelques centrales nucléaires, quitte à adapter le management de ces centrales pour rendre ce qui deviendrait des "Joint Ventures" plus efficaces, dans le cadre d'un nouveau jeu où intérêts publics, intérêt du consommateur et logique managériale bien comprise seraient alignés et satisfaits. On imagine les cris d'orfraie et les résistances de toux ceux qui ont intérêt à ce qu'un EDF apparemment fort soit en réalité si faible ... C'est pourtant comme ça que la France et les français peuvent redonner à leur industrie électrique un souffle salvateur.

Brigitte Bertin

Vous n'avez pas tort mais vous n'avez pas raison non plus. C'est en effet une erreur de garder le monopole d'EDF tout en ouvrant le marché de la distribution d'électricité à la concurrence. C'est se tirer une balle dans le pied. Il faudrait prendre le modèle de l'eau ou même des transports en commun.
Une autonomie nationale mais avec une décentralisation, avec des acteurs publics et privés, pourquoi pas.

Lecteur 92

C'est vrai, clairement, à partir d'un quasi monopole au niveau de la production, il est très difficile de mettre en place une concurrence au stade de la distribution (de la vente plutôt, car la distribution, elle, reste mécaniquement monopolistique car il n'y a, pour aller vite, qu'un seul tuyau pour tout le pays ..., à la différence de l'eau --qui est stockable, comme les transports en commun) pour laquelle il n'existe pas une telle solidarité objective entre consommateurs puisque le réseau de distribution d'eau reste toujours local). D'ailleurs je crois qu'on ne peut plus justifier de ce quasi monopole et encore moins de le renforcer comme semble (?) le mettre en place le projet Hercule. Par contre on ne se débarrassera pas de l'idée qu'il faut organiser cette concurrence au niveau de la vente au consommateur ... Idée que je juge présomptueuse: je n'étais pas électricien mais les premiers électriciens "concurrentiels" que j'ai rencontrés appartenaient à un pays d'Amérique du sud : ils avaient mis en place une concurrence acharnée au niveau de la production, là où elle était vraiment possible selon eux (et ils avaient raison) - mais peu ou aucune au niveau du transport et de la distribution: pour simplifier, le marché de gros était fortement concurrentiel, pas le marché de détail, opéré par un transporteur-distributeur fortement surveillé par le gendarme du marché. Je ne sais pas ce que c'est devenu au fil du temps. En France, le système chilien n'est pas applicable: en raison précisément de l'importance relative de la génération nucléaire à laquelle on peut ajouter l'importance de l'hydro. En dehors de celles-ci, les fameux "concurrents" de EDF sur le marché du consommateur final en sont réduits, pour être producteurs, à bidouiller de petits projets ENR (éolien et/ou solaire) qui produisent très peu, sont aléatoires, jouent un rôle globalement marginal, fragilisent techniquement le réseau et ne tiennent le coup que parce qu'ils économisent une bonne partie de leurs coûts (en particulier le coût de non-delivery) mais profitent d'un droit de priorité et de subventions payées par des consommateurs tenus dans l'ignorance. D'où le système plutôt absurde d'un point de vue commercial de l'ARENH qui permet d'anoblir en surface le rôle des "concurrents" d'EDF tout en affaiblissant considérablement ce dernier et --c'est le pire-- gâchant la rente de EDF en lui interdisant d'utiliser le levier économique du nucléaire historique pour développer le nucléaire du futur. Un proverbe chinois nous dit à peu près qu'on ne peut pas faire à la fois le commerce des éléphants et celui des mouches ... Notre système électrique est fait d'un éléphant et de dizaines de mouches dont Bruxelles fait semblant de croire qu'elles vont animer positivement l'attelage électrique français. C'est faux, elles l'affaiblissent -- et durablement. C'est pourquoi il me semble possible d'envisager un système dans lequel l'éléphant serait partagé sur le plan capitalistique mais resterait une seule et même "entreprise" : ouvrir le capital et les responsabilités financières à ceux des "concurrents" actuels d'EDF, les plus sérieux, leur donner un droit de regard et de co-gestion évidemment, leur donner, à la façon des grandes Joint Ventures minières, un droit au produit (un pourcentage des électrons produits, à concurrence a priori de leur part de l'entreprise), produit qui mêlé aux ressources propres électriques (production, achats) de ces nouveaux partenaires, irait se mesurer sur un marché de gros national et européen auprès des transporteurs et des distributeurs.
On peut rêver: il n'y aurait plus de quasi-monopole de la production mais celle-ci conserverait son efficacité stratégique (économie lourde mais efficace) et parviendrait, en se rapprochant des marchés, à maintenir une réelle concurrence.

Brigitte Bertin

De toute façon, il y a déjà une concurrence entre EDF et Engie. Le démantèlement d'EDF risque de modifier les rapports de force au profit d'Engie. N'est-ce pas finalement une course au monopole, pour créer une multinationale plus puissante? Quel intérêt pour le consommateur français?
Le marché des EnR est un gâteau qui attise la convoitise. Il serait peut-être intéressant de créer des bassins d'énergie, comme ceux de l'eau. Bien sur ma vision est orientée car je suis contre l'ouverture du marché de l'énergie au niveau européen. Chacun doit produire ce qu'il consomme, ni plus, ni moins.. Pour moi, l'énergie comme l'eau, doit être une affaire nationale, dans une démarche de services publics.

Jean Marc Chri…

Le lecteur 92 devrait comparer les prix français aux prix européens de l'electricité avant de formuler ses propositions.

Lecteur 92

Jean Marc, il va falloir nous expliquer en quoi une meilleure gestion de l'entreprise EDF, notamment en affaiblissant un peu le rôle de l'Etat (dont la contreperformance, concernant le secteur électrique, depuis plus d'une bonne vingtaine d'années est assez claire, demandez par exemple aux DG d'EDF qui se sont succédés) se traduirait nécessairement par une hausse des prix pour le consommateur final, comme s'il n'y avait pas et qu'il n'y aura jamais un marché de gros en Europe. Le face à face EDF consommateur français, c'est .... disons, c'est le monde d'après - pas celui de demain (qui est déjà là, demandez à Bruxelles, et où l'Etat français, qui se réveille un peu tard, est déjà dépassé ... et ne parlons pas des syndicats et autres activistes qui défilent aujourd'hui, qui se croient encore dans une logique purement nationale).

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