En Allemagne, l'appel des "sages" à taxer les riches bouscule la coalition

  • AFP
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Taxer les riches pour financer l'aide au pouvoir d'achat : en Allemagne l'appel au gouvernement d'Olaf Scholz du très orthodoxe conseil des "sages économiques" a provoqué des remous, mercredi, dans la coalition.

Dans leur rapport annuel de 459 pages, les cinq experts, particulièrement respectés, préconisent une "hausse du taux d'imposition maximum ou l'instauration d'une taxe pour les plus hauts revenus en Allemagne".

Objectif : financer "de façon solidaire" les mesures de soutien contre l'inflation, et notamment une partie du plan massif de 200 milliards d'euros débloqué en septembre par Berlin.

Cette proposition a provoqué un vif débat dans la classe politique allemande et au sein de la coalition au pouvoir.

Elle a finalement été rejetée par le ministre des Finances du parti libéral FDP, Christian Lindner.

"L'économie et les gens n'ont pas besoin, en ce moment, de nouvelles incertitudes", a-t-il martelé mardi, assurant que le gouvernement "ne prévoyait pas de hausses d'impôts".

-Récession-

"Nous devons gérer cette crise de manière solidaire", s'était borné à affirmer un peu plus tôt le social-démocrate (SPD) Olaf Scholz, sans prendre position, lors de la remise du rapport.

Auparavant, le chef de file de son parti au Bundestag, Rolf Mützenich, avait jugé que la proposition des "sages" était "très intéressante".

Son homologue des Verts, Katharina Dröge, avait de son côté déploré qu'"il ne soit pas possible de se mettre d'accord" sur le sujet entre les trois partenaires de la coalition, sociaux-démocrates, écologistes, libéraux.

Car ces derniers refusent catégoriquement les hausses d'impôts, un élément central de leur doctrine politique.

"Dans cette période de flambée des prix, il faut soulager les gens et non pas alourdir" les charges, a rétorqué Christian Dürr, chef des députés FDP.

Comme ailleurs en Europe, le débat est vif en Allemagne sur la façon de financer les milliards nécessaires pour protéger ménages et entreprises de la flambée des prix, dans le sillage de la guerre en Ukraine.

La première économie de la zone euro est particulièrement touchée par la crise énergétique qui pèse sur le secteur industriel et plombe les coûts de production.

Pour l'an prochain, les "sages" anticipent une récession de 0,2%, et le gouvernement de 0,4%.

La situation sociale est de plus en plus tendue, avec une inflation jamais vue depuis les années 50, à plus de 10%.

Les grèves pour les salaires se multiplient dans l'industrie. Plusieurs dizaines de milliers de salariés suivent depuis une semaine les consignes de débrayage du syndicat IG Metall, en pleines négociations de branche avec le patronat.

-Fonds spécial-

Dans ce contexte, le gouvernement a annoncé en septembre le déblocage de 200 milliards d'euros, financés par de nouveaux emprunts, pour bloquer les prix de l'énergie jusqu'en avril 2024.

Un fonds budgétaire spécial a été créé, échappant à la règle constitutionnelle de "frein à l'endettement", qui empêche l'Etat fédéral d'emprunter pour plus de 0,35% du PIB par année.

"Il faut que quelqu'un paie, et cela ne peut pas être que nos enfants (via la dette ndlr), a averti mercredi Monika Schnitzer, la présidente des "sages", dans une critique à peine voilée à ce que certains qualifient de "tour de passe-passe budgétaire" du gouvernement.

Une partie du plan d'aide sera aussi financée par la future taxe sur les superprofits des énergéticiens, autorisée par la Commission européenne.

Mais les "sages" estiment que cela n'est pas suffisant, et appellent également le gouvernement à "cibler" les aides sur les plus vulnérables.

"Les plus pauvres (qui) voient leur consommation particulièrement réduite, car ils dépensent une grande partie de leur revenu en énergie et en alimentation", ont-ils affirmé.

Certaines mesures, comme le rabais sur "le prix du carburant" -mis en place cet été-, "bénéficient aussi, dans une large mesure, aux ménages à hauts revenus, qui pourraient supporter eux-mêmes les charges", ont-ils ajouté.

Ce manque de discernement empêche "les incitations à économiser de l'énergie", ce qui est nécessaire au vu des risques de pénuries qui pèsent sur l'Allemagne dans les prochaines années.

Si le pays a réussi, en important massivement du gaz liquéfié, à remplir ses réserves, les inquiétudes sur l'approvisionnement demeurent pour la fin de l'hiver et l'an prochain.

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