En France, la délicate fermeture des centrales à charbon

  • AFP
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A l'inverse des Etats-Unis, où Donald Trump veut les sauver, la France a décidé de fermer ses centrales à charbon d'ici à 2022, une mesure en faveur du climat dont la mise en oeuvre promet d'être socialement délicate.

Emmanuel Macron avait promis durant la campagne pour la présidentielle de fermer les centrales à charbon durant son quinquennat, un engagement maintes fois répété depuis son élection.

La décision est hautement symbolique: "la France veut être exemplaire sur le climat", rappelle Nicolas Berghmans, chercheur à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Le charbon - encore largement utilisé dans le monde et en particulier en Allemagne - est la manière la plus polluante de produire de l'électricité.

En France, il reste quatre centrales à charbon en activité: deux d'EDF à Cordemais (Loire-Atlantique) et au Havre (Seine-Maritime) et deux autres de l'allemand Uniper à Gardanne (Bouches-du-Rhône) et Saint-Avold (Moselle).

Cette énergie joue un rôle marginal dans la production d'électricité du pays, dominée par le nucléaire. L'an dernier, le charbon représentait 2,3% des capacités avec 3 gigawatts et il n'a compté que pour 1,8% de la production.

Mais EDF comme Uniper défendent l'utilité de ces moyens facilement mobilisables, notamment pendant les pics de consommation hivernaux.

"Quand il fait très froid, que faire s'il n'est plus possible d'utiliser les centrales à charbon - en particulier en Bretagne, le site de Cordemais étant le principal site d'alimentation en électricité de cette région?", s'interrogeait au printemps le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy, devant des parlementaires.

Lors d'une autre audition, il a même affirmé que la Bretagne était passée "très près d'une interruption de la fourniture d'électricité" un jour de l'hiver dernier. Manière de dire que tous les moyens de production existants devraient être conservés.

Mais selon RTE, qui gère le réseau de transport d'électricité, la France devrait disposer de suffisamment de marges manoeuvre pour se passer du charbon d'ici à 2022.

Ce scénario suppose toutefois la prolongation du parc nucléaire (hormis la fermeture programmée de Fessenheim), de nouvelles interconnexions avec des pays voisins ou encore le développement des énergies renouvelables.

- "posture dogmatique" -

Mais le gouvernement se retrouve surtout confronté à une difficile équation sociale dans des régions qui, pour certaines, sont déjà fragilisées.

"Il ne faut pas négliger la volonté politique qu'il faudra mettre en oeuvre, même ici en France, pour fermer ces centrales", car "ça soulève des enjeux locaux", remarque Nicolas Berghmans.

La CGT avance ainsi jusqu'à 5.000 emplois concernés au total - un chiffre qui compte salariés d'EDF et Uniper, prestataires permanents et employés à la logistique du charbon dans les ports.

Les syndicats demandent un délai de grâce, alors que pour Julien Lambert, de la CGT Mines-énergie, l'échéance de 2022 s'apparente à une "posture dogmatique". "Programmer une fermeture avec une reconversion du site et un maintien de l'emploi à la clef, ça se prépare 10 ans à l'avance, pas quatre ans", juge-t-il.

Uniper s'inquiète aussi d'un "impact industriel majeur" sur place et réclame au passage un "dispositif de soutien acceptable".

De son côté, EDF prépare une possible alternative pour ses sites et teste à Cordemais un dispositif baptisé "Ecocombust" à base de biomasse.

Si les essais sont concluants, ses centrales pourraient brûler en co-combustion, dans un premier temps, environ 50% de biomasse et 50% de charbon. A moyen terme, l'objectif est de tendre vers 80% de biomasse (un essai à déjà été réussi avec ce ratio en mai) voire 100%, selon l'électricien.

Mais le gouvernement reste pour l'instant prudent face à cette initiative. "EDF pourra, dans le respect de la contrainte de la fin de l'utilisation du charbon, proposer des pistes soutenables", indiquait en juin la secrétaire d'État à la Transition écologique, Brune Poirson.

Le ministère de Nicolas Hulot avait lancé en mars une mission afin d'évaluer l'impact socio-économique de l'arrêt des centrales à charbon. Une note de synthèse, très attendue, doit être rendue publique à l'automne.

Des contrats de transition écologique vont aussi être proposés aux quatre territoires concernés, dont les élus seront reçus en septembre par Sébastien Lecornu, autre secrétaire d'État à la Transition écologique déjà chargé de l'épineux dossier de Fessenheim.

jmi/tq/az

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