Éolien, hydrolien: avenir incertain pour les énergies marines renouvelables en France

  • AFP
  • parue le

Projet éolien offshore du Dieppe/Le Tréport (Seine maritime) sur la sellette, silence du Premier ministre sur l'hydrolien: l'avenir des énergies marines renouvelables (EMR) en France demeure incertain, dix ans après le début de l'affichage politique en leur faveur.

"La France a du retard c'est évident. Le risque existe de passer à côté d'une belle opportunité. Il faut absolument faire sauter les obstacles réglementaires qui ont été mis successivement par une technostructure d'État qui est très réticente en France aux énergies renouvelables et voit aujourd'hui les EMR fortement concurrencer le nucléaire", a estimé François de Rugy, président de l'Assemblée nationale, ex-EELV aujourd'hui LREM, interrogé mercredi par l'AFP en marge des assises de l'économie de la mer au Havre.

"Mille kilomètres de côtes et pas une éolienne (posée) au large de la France, c'est lamentable. Le prix de ce retard est considérable: on se retrouve avec des responsables politiques qui disent on continue le nucléaire car les EMR n'ont pas pris le relais à temps", alors que des parcs éoliens offshore se multiplient ailleurs en Europe, a renchéri le député LFI Jean-Luc Mélenchon, interrogé également au Havre, persuadé toutefois qu'une "prise de conscience" a eu lieu et que la France peut rattraper ce retard "en quelques années".

Reste que l'horizon s'est assombri ces derniers mois. Le parc éolien de Dieppe/Le Tréport est sur la sellette, après un avis négatif en octobre du parc marin des estuaires picards. L'avis est consultatif mais il est suffisamment important pour que l'agence de la biodiversité, dont l'avis est clé, ait reporté de plusieurs mois sa décision sur ce parc éolien, à début 2018.

Le conseil régional de Normandie s'en est inquiété dans un communiqué le 17 novembre. "Les projets d'implantation d'usines au Havre et la création de 750 emplois directs ne se réaliseraient vraisemblablement pas" si ce parc éolien ne voyait pas le jour, estime la collectivité.

« Un effet domino »

Plusieurs autres parcs éoliens sont certes prévus, au large de la Normandie et des Pays-de-la-Loire. Quatre ont reçu le feu vert préfectoral. Mais les recours sont nombreux. Surtout, "si on casse une des briques de la nouvelle filière industrielle (en annulant le parc du Tréport), on met en danger toute la filière car il y aura clairement un effet domino", a estimé mercredi Hubert Dejean de la Bâtie, vice-président du conseil régional de Normandie.

Les syndicats de Naval Group (ex DCNS) sont aussi très inquiets. La CGT a même accusé le groupe de vouloir "abandonner" les EMR dans un communiqué le 26 octobre. Interrogée par l'AFP, la direction du groupe dément et assure maintenir le cap sur les EMR.

Elle a certes remercié l'été dernier le président de sa filiale Naval Energies et mis fin à l'expérimentation d'hydroliennes, technologie moins mâture que les éoliennes, au large de Bréhat, en Bretagne. Mais le groupe va continuer l'expérimentation de ces machines qui produisent de l'électricité avec la force des courants au Canada et compte ouvrir au printemps son usine d'assemblage d'hydroliennes, en construction à Cherbourg, assure sa direction.

Le silence du Premier ministre Edouard Philippe sur les hydroliennes lors de son discours lors des assises mardi inquiète toutefois les industriels de cette filière. "C'est dramatique", a assuré un des représentants de Naval Group dans les couloirs des assises. La filière a attendu en vain l'annonce du lancement d'un appel d'offre pour des fermes commerciales hydroliennes.

Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a confirmé mercredi au Havre que le gouvernement simplifierait les procédures pour l'éolien offshore. Mais sur les hydroliennes, interrogé par l'AFP, il a invité à "ne pas brûler les étapes".

La CFDT de Naval Group a dénoncé jeudi dans un communiqué "une erreur d'appréciation" et un "virage à 180 degrés du nouveau gouvernement". Et le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a appelé jeudi dans un communiqué au "lancement d'appels d'offres commerciaux au plus tôt (...)pour l'éolien en mer et pour l'hydrolien".

Commentaires

Lebas Raymond

Il faut voir comme une opportunité le « retard » que nous prenons dans la réalisation de ces parcs éoliens offshore. Celui-ci devrait permettre de prendre le temps de l’analyse des différents problèmes posés et ils sont nombreux. Pour ne considérer que l’aspect économique, les investissements sont considérables, proches des côtes (environ 10 à 15 km), le facteur de charge ne devrait pas dépasser 30% (données RTE) . Le parc de 6000 MW a donc une capacité réelle de 1800MW, devrait couter 24Mds d’euros pour une durée de vie de 20 ans et un prix de vente de 227€ le MWh. Le cout de la centrale EPR de Flamanville, cité fréquemment comme excessif, est annoncé par EDF stabilisé à 11Mds d’€ pour 1500 MW facteur de charge déduit, durée de vie de 60 ans avec un prix de 100€. Il faut ajouter à l’investissement de l’éolien le cout des centrales thermiques nécessaires lors d’insuffisance du vent ainsi que celui des réseaux.
Si le premier objectif, que l’on perd de vue sous l’action du lobbying, est de diminuer les GES, l’éolien n’y répond pas. Voir l’Allemagne et le Danemark avec respectivement 12 et 8.5 T de CO2/habitant pour 6 pour la France (2012) .
Notre solde exportateur en 2016 a été de 39,1TWh pour une production éolienne de 20.7tWh. Supprimons l’éolien, la France resterait exportatrice avec 18,4 TWh. Cette destruction de nos paysages, du lien social et les atteintes à l‘économie locale organisée par l’état est irresponsable. Sur le plan économique, c’est une catastrophe cette production a été vendue à un prix de marché de 36€ moyen le MWh pour un coût d’achat aux producteurs de 89€ soit une perte de 53€ par MWh. L’état lui-même organise sciemment la précarité énergétique puisque cette charge est payée par la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) prélevée sur les factures d’électricité.
La vérité est que nous avons un gain potentiel considérable en économie d’énergie, de loin supérieure à la production des éoliennes et que nous ferions mieux d’investir dans ces économies et dans la recherche pour disposer d’une énergie moins controversée lorsque les centrales nucléaires actuelles seront en fin de vie. Les lobby font bien leur travail au bénéfice des promoteurs et au détriment de la France et du consommateur.

Nicolas G

Je trouve votre analyse très pertinente.
En tant que scientifique, j'aurais cependant besoin d'avoir les sources d'informations qui vous permettent de chiffrer le coût du MWh vendu à l'exportation. Est-ce à partir des données issues de la bourse européenne de l’électricité (https://www.epexspot.com/fr/) ?

J'en profite pour féliciter l'éditeur et les participants à ce site qui est très bien fait et permet de s'informer efficacement sur les thèmes relatifs à l'énergie.

Raymond Lebas

Voir sur le site de RTE et l'application RTE-éCO2mix

sirius

Il faut distinguer éolien et hydrolien . Le premier n'a d'intérêt-financier- que pour le secteur industriel qu'il représente ,les analyses se multiplient qui,toutes, montrent l'impuissance de ces machines à réduire les émissions de GES et aussi à sortir du nucléaire .
L'énergie des mers ,sous diverses formes techniques est un secteur d'avenir ,elle est infinie ,prévisible et ne saccage pas nos paysages .

Ajouter un commentaire

Suggestion de lecture