Fessenheim : le réacteur n°1 de la centrale débranché sans problèmes, mais pas sans amertume

  • AFP
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Le premier des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim a été débranché du réseau électrique national sans aucun problème samedi à 02h00, mais pas sans amertume pour les salariés et les habitants de la petite commune haut-rhinoise.

"Le réacteur a été débranché vers 02h00 du matin et il faut saluer le travail remarquable des équipes, ça a été un moment très fort en émotion dans la salle de commande", a-t-on précisé du côté d'EDF. "La procédure s'est déroulée sans aucun problème".

Opposés à la fermeture de ce premier réacteur, avant l'arrêt du second le 30 juin, des salariés menaçaient de désobéir et de ne pas appliquer les procédures permettant le découplage du réacteur. Mais tout s'est finalement déroulé sans anicroches pour ce processus qui s'apparentait à un arrêt de maintenance. Sauf que cette fois le réacteur ne sera pas relancé, au grand dam des salariés.

"Elle commence à avoir du mal à respirer. Elle se meurt lentement", avait tweeté la section CGT de la centrale vendredi vers 21h00, avec la photo d'un tableau montrant les productions en temps réel des deux réacteurs. Le premier en train de ralentir, descendu à 422 mégawatts, une demi-heure après le début de la baisse de charge, le second fonctionnant toujours à plein, à 913 mégawatts. Chacun des deux réacteurs à eau pressurisée d'une puissance théorique de 900 mégawatts.

« Très difficile à vivre »

Lorsqu'il est arrivé à 8% de sa puissance théorique, le réacteur n°1 a été débranché du réseau électrique national. "Pour l'ensemble du personnel de quart, cette nuit d'arrêt du réacteur n°1, réaliser les gestes pour le découpler définitivement sera quelque chose de très difficile à vivre", avait expliqué en amont un syndicaliste.

"Il y a une atmosphère très lourde à la centrale, les salariés ont les nerfs à fleur de peau", avait également souligné vendredi le maire de Fessenheim, Claude Brender. Ils éprouvent "un sentiment de révolte (...) l'impression d'un gâchis".

L'opération d'arrêt du réacteur met un point final à des années de remous, de débats et de reports sur le sort de la centrale alsacienne, bâtie dans les années 1970 tout près de la frontière avec l'Allemagne.

L'évacuation du combustible de la centrale sera, selon le calendrier prévu, achevée en 2023. Ensuite doit se poursuivre la phase de préparation au démantèlement, processus inédit en France à l'échelle d'une centrale entière qui devrait commencer à l'horizon 2025 et se poursuivre au moins jusqu'en 2040.

Pour Matignon, la fermeture de Fessenheim "constitue une première étape dans la stratégie énergétique de la France qui vise un rééquilibrage progressif" entre les différents types d'énergies, avec une diminution progressive de la part du nucléaire - actuellement de 70%, la plus importante au monde - et une augmentation de celle de l'électricité d'origine renouvelable.

Mais la polémique sur le bien-fondé de cette fermeture ne va pas cesser avec l'arrêt du réacteur n°1. Samedi, pro-Fessenheim et antinucléaires feront entendre leurs voix en affichant une même priorité, l'écologie, mais avec des arguments bien différents. "L'arrêt de cette centrale moribonde est un motif de célébration transfrontalière, mais pas un motif de triomphe", le combustible radioactif restant présent encore plusieurs années sur place, a commenté l'association écologiste allemande Bund, qui s'oppose depuis des années à cette centrale et plus encore depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011.

« Euthanasie »

Mais pour les salariés et les habitants de la commune, le point de vue est diamétralement opposé.

Claude Brender a dénoncé une "euthanasie". "On tue une machine qui aurait pu tourner encore 20 ans" et "on ne sait toujours pas pourquoi", fulminait ainsi le maire vendredi soir lors d'une réunion de soutien aux salariés au coeur du village. "Quelques lobbyistes écologistes ont su faire de Fessenheim leur cible", a lancé pour sa part le député LR du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger, jugeant la décision de fermer les 2 tranches de Fessenheim "juste invraisemblable".

La ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne, venue vendredi rencontrer les élus à Colmar, avant de brièvement passer à Fessenheim saluer quelques commerçants, a promis qu'il n'y aurait "aucune perte d'emploi". Elle a confirmé la volonté de l'État de créer à Fessenheim "un centre d'excellence du démantèlement nucléaire, s'appuyant sur un Technocentre pour le recyclage des matériaux métalliques".

Samedi matin pourtant, les élus locaux iront brandir une banderole au pied de la centrale, réclamant que l'État n'abandonne pas ce territoire abreuvé depuis 40 ans par les taxes versées par EDF. Ils redoutent que des centaines de familles dotées de revenus confortables ne le quittent. Les élus seront suivis dans l'après-midi par des associations pro-nucléaire qui veulent "protester contre cet acte de vandalisme climatique et environnemental".

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