Le FMI conclut un accord avec le Congo-Brazzaville contre « la malédiction des ressources »

  • AFP
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Lutte contre la corruption, poids de la Chine, dette cachée : le Fonds monétaire international (FMI) a conclu un accord très politique avec le Congo-Brazzaville, avec des risques persistants liés aux cours du pétrole.

A priori, du grand classique : moyennant des "réformes", le FMI octroie 448,6 millions de dollars sur trois ans au petit pays pétrolier d'Afrique centrale, officiellement asphyxié par la chute des prix du baril depuis 2014. En contre-partie de son programme, le FMI sollicite aussi "la transparence de la gestion des ressources publiques, plus particulièrement dans le secteur pétrolier".

Le FMI suggère par exemple aux autorités "de mettre sur pied la nouvelle haute autorité de lutte contre la corruption". Le pétrole représente la moitié des recettes du Congo-Brazzaville. L'or noir y nourrit aussi la "malédiction des ressources", expression également utilisée pour l'autre Congo, où la richesse du sous-sol n'a d'égale que la pauvreté des deux tiers de la population et la corruption dénoncée par le nouveau président Félix Tshisekedi.

Au pouvoir depuis 35 ans au total (1979-1992, puis depuis 1997), le président Denis Sassou Nguesso et ses proches font l'objet d'enquêtes en France dans l'affaire dite des "biens mal acquis", des détournements de fonds publics présumés. Fin août 2018, un tribunal suisse a condamné un ancien cadre de la société de négoce Gunvor à 18 mois de prison avec sursis pour le versement de pots-de-vin au Congo-Brazzaville dans les années 2000-2010 en l'échange de la livraison de pétrole. Les bénéficiaires étaient des proches du président Sassou, d'après l'acte d'accusation.

La Société nationale pétrolière du Congo (SNPC, publique) a gonflé la dette en concluant ces accords de pré-financement remboursables en pétrole avec des négociants comme Gunvor ou Glencore. En mai, le FMI avait demandé aux autorités de transmettre au Parlement ces "contrats de préfinancement conclus par la SNPC", ainsi que "tous les accords particuliers de financement d'infrastructures financés par des prélèvements en nature issus des recettes pétrolières".

Les négociations FMI/Brazzaville aboutissent avec deux ans de retard par rapport au Gabon voisin confronté aux mêmes problèmes. Elles avaient été annoncées en même temps lors d'un sommet à Yaoundé le 23 décembre 2016 en présence de la directrice générale du fonds, Christine Lagarde, pour dissiper les risques d'une dévaluation du franc CFA.

Brazzaville a bénéficié des conseils de l'ancien directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, et du banquier d'affaires français Matthieu Pigasse. En coulisse, un créancier puissant: la Chine. Avant l'accord, Brazzaville a dû signer avec Pékin un accord de restructuration de sa dette bilatérale chiffrée à 1 400 milliards de francs CFA (2,1 milliards d'euros) par le quotidien les Dépêches de Brazzaville.

« Le plus dur reste à faire »

Autre difficulté : le Congo-Brazzaville a caché une partie de sa dette au FMI, avait révélé il y a deux ans Radio France Internationale. La dette publique s'élevait alors à près de 120% du PIB total (quelque huit milliards de dollars) et non pas 77% comme voulait le faire croire Brazzaville. La dette publique totale a été ramenée en 2018 à 87,8% du PIB, selon le FMI qui salue en creux les bienfaits de son intervention: "Les autorités congolaises ont redoublé d'efforts en 2018 et en 2019 pour s'attaquer à la crise économique qui les a frappées et aux problèmes de gouvernance qui y sont liés".

L'accord avec le FMI est "une joie que le gouvernement partage avec tous les Congolais", a estimé le Premier ministre Clément Mouamba. "Le plus dur reste à faire: travailler dur pour que nous respections toutes les prescriptions dudit accord", a-t-il ajouté sur la radio nationale. "C'est une bonne nouvelle. Mais c'est juste le début d'un programme. Il ne faut pas se tromper, ce qu'on nous demande c'est plus de rigueur, de prudence et de transparence", a estimé de son côté l'opposante Claudine Munari.

Un opposant radical très actif depuis Paris sur les réseaux sociaux, Andrea Ngombet, a dénoncé "une prime à la kleptocratie". "La mise en oeuvre du programme reste exposée à des risques considérables, parmi lesquels la volatilité des prix du pétrole et d'éventuelles difficultés à inscrire l'effort de réforme dans la durée", conclut le FMI.

À la une des Dépêches de Brazzaville de vendredi, une autre information : le pays renonce à organiser la Coupe d'Afrique des Nations féminine en 2020. Le journal cite le ministre des Sports Hugues Ngouenlondélé : "Après examen du cahier des charges, la République du Congo s'est rendue compte que, dans le contexte des grandes tensions de trésorerie où elle se trouve, elle est dans l'incapacité d'y répondre".

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