PPE et RE2020 : le secteur français du gaz sur la défensive

  • AFP
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Le secteur français du gaz est plus que jamais sur la défensive, au moment où les pouvoirs publics souhaitent réduire sa place au nom de l'urgence climatique tout en affichant un soutien jugé frileux au biogaz.

"Le gaz naturel est une énergie fossile qui, à ce titre, devra être supprimée du mix énergétique de 2050", résume le gouvernement dans son projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) actualisé et soumis à consultation du public jusqu'au 19 février. Dans cette feuille de route énergétique à dix ans, la France prévoit une chute de 22% de la consommation de gaz naturel en 2028 par rapport au niveau de 2012.

Paradoxalement, il n'est pas prévu de mesures particulières pour atteindre cet objectif justifié par l'urgence climatique. Mais les pouvoirs publics tablent sur la "maîtrise de la demande", notamment dans le bâtiment.

En attendant, le gouvernement a rendu de premiers arbitrages favorables à l'électricité au détriment du gaz pour le chauffage des bâtiments neufs, dans le cadre de sa future réglementation environnementale 2020 (dite "RE 2020"). Une "manipulation", viennent de dénoncer treize associations issues notamment du secteur gazier ou des énergies renouvelables.

Pour finaliser ces nouvelles normes qui doivent être publiées à l'automne, les pouvoirs publics ont en effet déjà retenu certains paramètres. La valeur des émissions de dioxyde de carbone (CO2) de l'électricité utilisée pour le chauffage a ainsi été arrêtée à 79 g/kWh. Ce chiffre est contesté par le secteur gazier, qui souligne que pendant le pic de consommation hivernal, la France fait encore appel à des moyens de production d'électricité très émetteurs de CO2 comme les centrales à charbon, au fioul ou... au gaz.

"On est en train de nous emmener sur une voie plus émettrice de CO2 paradoxalement", peste Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz, le gestionnaire du réseau de transport de gaz sur la majorité du territoire français.

« On peut faire sans problème »

Plus généralement, les gaziers jugent impossible une transition fondée sur l'unique électrification des usages. Ils veulent aussi mettre en avant leur capacité à se verdir.

"Est-ce que ce sera des molécules de gaz naturel, de biométhane, d'hydrogène ou de syngaz produit à partir de déchets ? Je ne sais pas mais on aura besoin de molécules pour équilibrer le système énergétique et faire le complément avec le système électrique", avance Thierry Trouvé. Pour l'instant, le biométhane, produit notamment à partir de déchets agricoles, reste beaucoup plus cher que le gaz naturel fossile et encore peu développé en France.

Mais les professionnels pensent que ce gaz renouvelable, plus favorable à l'environnement - les végétaux dont il est en partie issu absorbent du carbone - peut se développer fortement. Il peut être directement injecté dans le réseau de gaz ou servir à produire de l'électricité et de la chaleur.

La France prévoit que la part de renouvelable dans la consommation de gaz pourrait monter jusqu'à 10% en 2030 (contre seulement 1,4% en 2018). Dans la PPE dévoilée récemment, la France affiche des objectifs de progression mesurés, avec 6 térawattheures (TWh) de biométhane injectés dans les réseaux visés en 2023. Un recul par rapport à la précédente PPE de 2016 actuellement en vigueur, qui visait 8 TWh en 2023.

Seule bonne nouvelle pour le secteur : le niveau du soutien financier public a été rehaussé. "On ne demande pas que les arbres grimpent au ciel, on demande au moins qu'on reste sur les 8 TWh", un niveau que "la filière peut faire sans problème", réagit Jean Lemaistre, secrétaire général de France gaz renouvelables. "On n'arrivera pas aux 10% prévus par la loi si on ne fait pas une vraie industrialisation de la filière d'ici 2023", redoute-t-il.

Commentaires

Chateigner

Bizarre, car plus on fera de biométhane, plus le Carbone des sols apparaîtra comme fossile. La dynamique de reconstitution de C dans les sols est bien plus lente que celle de la méthanisation ... tout ceci émettra des GES !

Fontaine

Le gaz est une énergie fossile non renouvelable (le biogaz c’est que 2,8 % de la consommation renouvelable.) qui produit en moyenne 429g de CO2 par KWh de gaz brulé contre seulement 74 g de par KWh pour l’électricité (sources EDF, RTE, INSEE)
Il serait intéressant que les signataires, dont les gaziers, expliquent par quel miracle le courant électrique passerait subitement de 79 à 210g de CO2 par KWh en arrivant au radiateur électrique ?
La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte (du 17 août 2015 LTECV) qui définit les trajectoires des budgets carbone par secteur à respecter a demandé au secteur du bâtiment une réduction de 87 % de ses émissions directes entre 2013 et 2050.
Avec le gaz qui émet plus ou moins 429g de CO 2 par KWh on est pas prêts d’atteindre l’objectif de 87% pour le bâtiment.

Witte

La production de biogaz à partir, non pas de déchets mais de productions agricoles a un bilan carbone très négatif : coûts de transport de la matière première et des digestats importants, décarbonation des sols (alors que l'impératif climatique obligerait au contraire à privilégier les pratiques agricoles et de gestion des sols qui permettent la séquestration du carbone par les sols, seul véritable solution possible et énergétiquement pertinente). Par ailleurs, cette politique de production de biogaz, financée en partie par des subventions publiques (subventions à l'investissement, primes PAC, facilités fiscales et aides des territoires), a pour répercussion une perte de production qui normalement serait dirigée vers l'alimentation (animale ou humaine). Les répercussions sont alors immédiates sur les importations alimentaires (protéines végétales OGM en provenance d'Amérique du sud notamment). la méthanisation à partir de productions agricoles détournées est donc non pertinente, avec des effets bcp plus néfastes que ses avantages, sauf pour les investisseurs. En gros, cette filière répond parfaitement aux grands principes du néo-libéralisme : mutualiser les charges et privatiser les avantages

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