La chute des prix du pétrole, coup de trop pour l'économie vénézuélienne ?

  • AFP
  • parue le

L'effondrement des prix du pétrole, principale source de revenus du Venezuela, est un nouveau coup dur pour l'économie du pays sud-américain déjà très affectée par une effroyable crise sociale et économique qu'alimente une kyrielle de sanctions américaines.

"C'est une tragédie", s'est exclamé lundi le chef de file de l'opposition Juan Guaido, après que les cours du baril ont encaissé leur pire chute en près de 30 ans en plongeant d'environ de 25%. Une chute due à l'échec des discussions entre les producteurs du Golfe, au premier rang desquels l'Arabie saoudite, et la Russie pour réduire la production.

La dégringolade s'est poursuivie tout au long de la semaine sur fond de crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de nouveau coronavirus et d'incapacité des producteurs à s'entendre pour diminuer l'offre. Jeudi à la mi-journée, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai valait 33,71 dollars à Londres, en baisse de 5,84% par rapport à la clôture de mercredi.

Pour le Venezuela, qui dispose des plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde, cet effondrement des prix aurait difficilement pu tomber plus mal. La vente de pétrole génère la majeure partie de ses revenus. Or, sa production est en chute libre : de 3,2 millions de barils par jour en 2008, elle est passée à 865 000 barils par jour en février.

Selon l'opposition au président socialiste Nicolas Maduro, la faute en revient au manque d'entretien des infrastructures, à des investissements inexistants et surtout à la "corruption" généralisée qui gangrène PDVSA, la compagnie pétrolière publique. En outre, Caracas a perdu son principal client, les États-Unis, depuis l'entrée en vigueur en avril dernir d'un embargo de Washington sur son or noir. Une mesure éminemment politique, puisqu'elle est censée, comme toutes les sanctions de l'administration Trump, accentuer la pression sur Nicolas Maduro et son entourage et, in fine, le pousser vers la sortie.

Pour l'heure, les sanctions américaines accentuent surtout la crise que traverse le Venezuela. En six ans de récession, son économie s'est contractée de 65%, l'hyperinflation est endémique, les pénuries de médicaments récurrentes et les coupures d'électricité monnaie courante.

PIB en chute libre

Et les analystes consultés par l'AFP estiment que la chute des prix du pétrole risque de mettre l'économie à genoux. Selon Luis Arturo Barcenas du cabinet Ecoanalitica, dans un "scénario optimiste" le Venezuela perdrait entre 4,5 et 7,5 milliards de dollars en revenus cette année. D'autres experts avancent le chiffre de 9 milliards de dollars. "C'est difficile de se projeter, parce que le marché est très instable, mais l'impact va être très fort, sans aucun doute", affirme M. Barcenas.

Le Venezuela, déjà déclaré en défaut partiel sur le remboursement de sa dette par des agences de notation, va en outre avoir toutes les difficultés du monde à rembourser les créanciers qu'elle paie en pétrole, comme la Chine. "Tout d'abord, les revenus du Venezuela vont être bien moins élevés. Ensuite, le niveau des prix va affecter la dette remboursée en barils. Plus le prix baisse, plus le volume de barils à fournir augmente", explique M. Barcenas.

D'où le risque que le Venezuela "se retrouve en défaut de paiement avec la Chine", souligne Jesus Casique, économiste chez Capital Market Finance. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une chute du PIB vénézuélien de 10% en 2020, mais le krach pétrolier pourrait bien ajouter "quatre à cinq points" à ce chiffre, prévient-il.

Autre problème de taille : avec la fin des exportations vers les États-Unis, le Venezuela a dû trouver d'autres débouchés. Aujourd'hui, l'Inde est son principal client et achète 43% de sa production, contre 22% il y a deux ans encore. Or, avertit Luis Arturo Barcenas, "les compagnies indiennes comme Reliance vont arrêter d'acheter" du pétrole vénézuélien par peur d'être sanctionnées par les États-Unis, qui ont déjà mis une filiale du russe Rosneft à l'amende en février pour ses activités au Venezuela. "Reste à voir si le Venezuela aura la capacité de rediriger ses exportations" vers d'autres pays, dit l'économiste. Et si c'est le cas, "il devra très fortement réduire ses prix".

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