L'année 2021 a marqué la renaissance du bioéthanol en France

  • AFP
  • parue le

Les ventes de bioéthanol (E85), carburant économique où de l'alcool pur remplace en grande partie l'essence, ont fortement progressé en France en 2021 face à la hausse des prix des autres carburants, mais ses avantages environnementaux restent contestés et son avenir flou.

Par rapport à 2020, les ventes d'E85 ont augmenté de 33% l'an dernier, contre + 21% pour l'essence. Avec 468 000 mètres cubes consommés en 2021, l'E85 représente désormais 4% des ventes d'essence, a indiqué la Collective du bioéthanol, mardi, lors d'une conférence de presse.

Les promoteurs de l'E85 - agro-industriels et pétroliers - le présentent comme "un moyen d'accompagner les Français dans la transition" et un levier d'"indépendance énergétique" pour l'Hexagone.

Produit à partir de blé, maïs, betterave ou de résidus sucriers et amidonniers, l'E85 représente un débouché important pour l'agriculture intensive. A l'usage, avec l'ajout d'un boîtier sur un moteur essence, il réduit de 30 à 50% les émissions de CO2 par rapport aux carburants traditionnels.

Surtout, l'E85 est très faiblement taxé: à 0,75EUR le litre en moyenne, il reste deux fois moins cher que l'essence à la pompe (malgré une augmentation ces derniers mois) et à l'usage (en dépit d'une consommation supérieure de 25%). A tel point que certains automobilistes l'utilisent à la place de l'essence, au risque d'endommager leur moteur.

Un moteur adapté à l'E85 permet aussi aux particuliers d'éviter le malus écologique, et les professionnels profitent d'un abattement sur leurs taxes. La filière milite aussi pour que tous les véhicules équipés bénéficient de la vignette Crit'Air 1, qui garantit l'accès à de nombreux centre-villes.

30% des stations équipées

Une première vague de bioéthanol avait été lancée en France à partir de 2008, mais la crise économique de 2009 et la chute des prix à la pompe l'avait rendu moins compétitif.

Depuis quelques années, le biocarburant est de retour et la consommation d'E85 devrait encore progresser de 20% minimum en 2022.

Les stations-service se sont largement équipées, avec notamment un fort engagement de TotalEnergies et d'Intermarché. Désormais, 30% des stations-service françaises proposent de l'E85.

En voyant les prix de l'essence exploser à la pompe fin 2021, de nombreux automobilistes se sont équipés, d'autant plus que cette opération est remboursée par certaines régions, expliquent les installateurs de boîtiers.

Au total, 30 000 automobilistes ont installé un boîtier de conversion sur leur véhicule l'an dernier, soit deux fois plus qu'en 2020, selon la Collective.

Du côté des véhicules neufs, la plupart des constructeurs automobiles restent dubitatifs, sauf Ford et Jaguar-Land Rover qui ont vendu près de 6 000 véhicules neufs adaptés en 2021.

Une « impasse » ?

Toutefois, alors que l'Europe se convertit à l'électrique et à l'hybride, le bilan environnemental de l'E85 reste contesté.

La production d'éthanol renforce en effet les effets néfastes de l'agriculture industrielle sur les sols, l'eau et l'air, puisqu'il faut produire du maïs ou des betteraves de façon intensive (engrais chimiques, pesticides de synthèse comme les néonicotinoïdes), prévient par exemple l'association Inspire dans son "éco-guide de l'automobile".

Plus largement, la production d'éthanol occupe des champs à la place des productions alimentaires: 0,6% de la surface agricole utile est déjà mobilisée en France à cet effet, selon le syndicat national des producteurs d'alcool agricole.

Selon la Cour des comptes, les biocarburants dits "conventionnels" (produits à partir de biomasse destinée à la consommation alimentaire, avec laquelle ils entrent en concurrence) affichent un bilan environnemental mitigé. Par ailleurs, leur production plafonne depuis une dizaine d'années et les importations se renforcent, notait la Cour dans un rapport fin 2021.

Il faudrait utiliser des produits pouvant constituer des biocarburants de deuxième, voire de troisième génération (paille, résidus de bois, algues, etc.), mais les incitations à leur développement restent "insuffisantes".

La France est par ailleurs bien isolée en Europe, avec la Suède, dans la défense du bioéthanol, et "l'échafaudage fiscal" qui le rend attractif pourrait s'écrouler, selon l'association écologiste Canopée, qui a publié un rapport fourni fin 2021 sur "l'impasse des biocarburants".

Pour grandir encore, la filière doit faire sauter un frein majeur: alors que l'Union européenne limite à 7% la part de biocarburants issus de cultures alimentaires dans l'énergie des transports, la France atteignait déjà 6,8% en 2019.

Commentaires

Brigitte Bertin

Bonjour, l'UE nous entrave encore une fois. Les biocarburants devraient avoir une plus grande place dans le mix énergétique français, en particulier les huiles végétales en remplacement du diésel. Bien sur les cultures intensives sont à proscrire mais rien n'empêche de changer de modèle agricole et de cultiver en Bio. Moins de rendement certes, mais d'autres bénéfices pour l'agriculture. Le retour à la polyculture (céréales, oléagineux, protéagineux, etc..) pour compenser la baisse de l'élevage intensif, grand émetteur de GES. Des coopératives agricoles, sur le modèle de la viticulture, s'occuperaient de la production de bioethanol et de biodiesel, après estérification des huiles végétales.

goldorak

moins de rendement donc plus d'import ou plus de défrichage ?
Actuellement, plus d'import apparement.
Votre solution est pleine de bons sentiments mais nécessite un approfondissement scientifique sérieux

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