L'Assemblée nationale s'attaque au « droit à l'erreur » envers l'administration

  • AFP
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L'Assemblée nationale a entamé mardi l'examen du projet de loi sur le "droit à l'erreur" pour les usagers qui se trompent "de bonne foi" dans leurs déclarations à l'administration, une "révolution du quotidien" selon le gouvernement critiquée surtout à gauche de la gauche.

Toute la semaine, les députés débattront de plus de 1 000 amendements sur ce projet de loi "pour un État au service d'une société de confiance", porté par le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin et "co-construit" depuis plusieurs mois avec des parlementaires de la majorité. "J'entends les Français qui aiment leurs services publics mais pas leurs administrations", a déclaré M. Darmanin qui a lu dans l'hémicycle une lettre de griefs que lui a envoyée un certain Alexandre, se défendant cependant de "tout fonctionnaire bashing" car "ce sont nos agents publics qui sont la clé de la réussite de ce projet de loi".

"Pierre angulaire" du texte et "largement évoqué" pendant la campagne par Emmanuel Macron: son article 2 sur le droit à l'erreur, présenté comme "la possibilité pour chaque Français de se tromper dans ses déclarations à l'administration sans risquer une sanction dès le premier manquement". Ce sera à l'administration de prouver que l'usager était de mauvaise foi. "Ce n'est pas un droit à la fraude. C'est un droit de régulariser une erreur commise de bonne foi", selon le rapporteur LREM Stanislas Guerini. "C'est une nouvelle méthode. Il faut voter des grands principes qui changent fondamentalement les relations entre les usagers et leur administration", a-t-il souligné, plaidant pour un triptyque: une administration "qui conseille, dialogue et s'engage".

Ainsi, en matière fiscale, si l'administration détecte une erreur de bonne foi dans le cadre d'un contrôle, les intérêts de retard seront réduits de 30%. Si c'est l'usager qui rectifie son erreur de lui-même, les intérêts seront réduits de moitié. Une entreprise se verrait infliger par l'inspection du travail d'abord un avertissement au lieu d'une amende en cas d'erreur sur le décompte du temps de travail. Elle pourra également demander à une administration de la contrôler pour s'assurer qu'elle est en conformité et opposer ensuite les conclusions rendues en cas de réclamation.

Ce "droit à l'erreur", qui ne doit s'appliquer qu'une fois, exclut un certain nombre de cas : délais de paiement, fraude ou infraction pénale, atteinte à la santé publique, à l'environnement, à la sécurité, etc... Les retards ou omissions de déclaration sont également exclus.

« confiance » ou « défiance »

Les communistes y voient, eux, "un renoncement de l'État". "C'est une loi de défiance envers l'État et les fonctionnaires", a renchéri le chef de file Insoumis Jean-Luc Mélenchon, pronostiquant aussi que "le contentieux va exploser". Si la démarche a été globalement saluée par la socialiste Valérie Rabault, elle a déploré un manque de consultation des fonctionnaires et défendu vainement un renvoi en commission.

A droite, si l'UDI-Agir a jugé que ce texte était une "bonne première pierre" mais pas encore "suffisante", le chef de file des LR Christian Jacob a dit attendre de voir "comment nos amendements vont être traités sur un certain nombre de sujets sensibles comme l'agriculture ou les éoliennes". Le ministre a prévenu que ce projet de loi ne serait pas "un énième texte de simplification" et qu'il s'opposerait à des amendements "bavards".

Jugé "fourre-tout" par certains élus, le projet de loi traite de sujets aussi divers que la modification des procédures pour l'obtention d'un permis pour l'installation de parcs éoliens en mer ou de la possibilité de dons aux associations de culte par SMS.

Le texte comprend aussi des mesures pour "répondre concrètement à l'attente des usagers du service public", comme l'expérimentation d'un référent unique, une adaptation des horaires d'ouverture, un numéro d'appel non surtaxé ou zéro papier d'ici 2022 avec une dématérialisation des démarches. Et il veut développer des expérimentations: limitation de la durée de contrôle des PME à neuf mois sur une période de trois ans, mise en place d'un médiateur entre les entreprises du BTP et l'ensemble des administrations, etc.

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