À Avignon, le combat d'un collectif de bénévoles devenu la « bête noire » des géants de l'eau

  • AFP
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Il est la bête noire de Veolia, Suez ou la Saur. À Avignon, un modeste collectif de bénévoles ferraille en justice contre les géants de l'eau et milite pour une gestion publique directe d'une ressource considérée comme un droit fondamental par l'ONU.

"Les gens n'osent pas se battre, car ils ont peur qu'on leur coupe l'eau, indispensable pour vivre, et sont perdus face à leur facture qui est très complexe à comprendre", déplore la pugnace présidente du Collectif de l'eau Marcelle Landau. Depuis douze ans, cette association, forte d'un millier d'adhérents, assiste des habitants qui contestent des factures litigieuses établies par les compagnies privées assurant la distribution de l'eau ou l'assainissement pour les 200 000 habitants de la communauté d'agglomération du Grand Avignon.

Objectif ultime du collectif : que la collectivité reprenne la gestion directe de l'eau, à l'image des décisions prises par Grenoble il y a vingt ans, par Paris il y a une dizaine d'années et tout récemment par la Métropole de Lyon. Mais, malgré ses plaidoyers, les élus du Grand Avignon ont renouvelé en 2017 la délégation de service public (DSP) à des entreprises privées.

Alors le collectif poursuit sa bataille et multiplie campagnes d'informations et recours devant les tribunaux, pour défendre des usagers parfois démunis et craintifs. "Ils sont belliqueux, mais très utiles. Sans eux, je n'y arriverais pas", assure Bernard Rosenweig, un ingénieur retraité, dont le conflit avec son distributeur d'eau s'enlise depuis un an. Suez lui réclame une facture de plus de 3 000 euros, qu'il estime indue.

"Je suis prêt à payer ce que je dois, mais ni plus, ni moins", plaide le septuagénaire, qui réclame que Suez applique la loi Warsmann plafonnant les factures d'eau trop importantes liées à une fuite. "On me renvoie de service en service et on me dit oralement que ça va s'arranger, mais deux jours après je reçois une relance. Je suis dépendant d'eux (Suez), je ne peux pas partir ailleurs", se désespère cet Avignonnais. Contacté, Suez n'a pas répondu directement aux questions de l'AFP.

« Démission de service public »

Aux Angles, autre commune du Grand Avignon, Martine Calle, a fini par "abdiquer pour avoir la paix" après deux ans de conflit avec une autre compagnie, la Saur. Cette retraitée, qui "pensait à ça tout le temps", montre un classeur rempli de lettres rouge vif d'huissiers et d'échanges au sujet d'une facture de 2 617 euros contre environ 130 euros habituellement.

"Mon compteur était défectueux, mais ils n'ont jamais voulu le reconnaître. Ils l'ont vérifié et délivré un certificat de conformité, mais qui correspondait à un autre compteur", assure cette ancienne professeure de français. "Le groupe Saur s'est mobilisé pour trouver une solution dès la première contestation", fait valoir de son côté le gestionnaire, qui explique "avoir mené toutes les démarches nécessaires pour éclaircir ce litige".

Mais, pour Mme Landau, ex-membre du Parti communiste, ces cas prouvent que la gestion de l'eau, ressource naturelle qui se raréfie, ne peut être confiée à des groupes cotés en bourse et où les usagers deviennent des clients. "Leur pouvoir sur les consommateurs est trop important. L'homme est dépendant de l'eau, sa gestion par une régie publique est indispensable pour permettre un accès à tous et préserver les ressources", insiste-t-elle. "La DSP, c'est la démission de service public. On se lave les mains du sujet, en expliquant que c'est compliqué à gérer et on ne maîtrise plus rien", poursuit-elle.

« Médiateur de l'eau »

"Faux", estime Patrick Sandevoir, vice-président délégué à l'eau du Grand Avignon dirigé par le divers droite Joël Guin. "Ces sociétés sont sous étroite surveillance des élus". "Une régie, très souvent, ne prend en compte que le captage et la distribution de l'eau. Or, une DSP permet de bénéficier des retours d'expérience des entreprises qui ont un savoir-faire en matière d'ingénierie notamment", plaide-t-il.

Pourrait-on "avoir mieux et moins cher avec une régie publique ?", interroge de son côté Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération des entreprises de l'eau, dont sont membres Veolia, Suez, la Saur etc. En cas de litige, les usagers peuvent saisir le Médiateur de l'eau, souligne-t-il.

Maire socialiste d'Avignon, la plus grande ville de la communauté d'agglomération, Cécile Helle, plaide pourtant pour une régie publique, qui permet d'avoir "la certitude qu'un euro dépensé va bénéficier au service public". "L'usager ne paye que l'eau, ce qui n'est pas le cas du délégataire qui doit rémunérer ses actionnaires", pointe-t-elle. Elle salue la pression du "redouté" collectif qui oblige les entreprises à davantage de transparence et les élus à plus de vigilance.

Mi-décembre, l'agglomération a d'ailleurs refusé de racheter les compteurs d'eau à Veolia, pour 1,5 million d'euros. Ils avaient déjà été facturés par la firme aux abonnés, comme avait alerté avec véhémence l'association.

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