Le DG de Toshiba démissionne sur fond d'offre de rachat par CVC

  • AFP
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Le directeur général de Toshiba Nobuaki Kurumatani a démissionné mercredi avec effet immédiat, a annoncé le conglomérat japonais en pleine tempête, entre la pression d'actionnaires activistes, la proposition de rachat de CVC Capital Partners et de potentielles offres concurrentes.

Le président du conseil d'administration de Toshiba Satoshi Tsunakawa, 65 ans, va cumuler les fonctions de président et directeur général, au moins temporairement. Le conseil d'administration a accepté la démission de M. Kurumatani "qui a réussi sa mission de revitaliser Toshiba", a déclaré lors d'une conférence de presse Osamu Nagayama, membre du conseil et responsable de son comité des nominations.

Sous la houlette de M. Kurumatani, un ancien financier extérieur à Toshiba nommé en 2018, le groupe a redressé ses finances, ce qui lui a permis de revenir en janvier de cette année sur le premier tableau de la Bourse de Tokyo, quitté en 2017 en raison de ses grandes difficultés financières à l'époque. Mais les rapports de M. Kurumatani avec les nombreux actionnaires activistes de Toshiba s'étaient sérieusement détériorés depuis l'an dernier.

Il paraissait déjà sur la sellette depuis son échec cuisant le mois dernier lors d'un bras de fer avec eux à l'occasion d'une assemblée générale extraordinaire.

Les actionnaires activistes étaient alors parvenus à faire adopter une résolution rebelle pour lancer une enquête indépendante afin de faire la lumière sur l'AG ordinaire de Toshiba en 2020, au cours de laquelle M. Kurumatani avait été reconduit dans des circonstances douteuses.

Conflits d'intérêts ?

La proposition de rachat de Toshiba par la société d'investissement CVC Capital Partners, révélée la semaine dernière, a encore davantage fragilisé la position de M. Kurumatani, notamment du fait de sa proximité avec CVC, dont il était le président au Japon juste avant de prendre les rênes de Toshiba.

Son départ "devrait ôter des incertitudes quant à de potentiels conflits d'intérêts par rapport à l'offre de CVC et pousser le conseil d'administration à chercher d'autres offres dans le meilleur intérêt des actionnaires", a commenté mercredi auprès de l'AFP Justin Tang, responsable de la recherche en Asie au sein de United First Partners.

La démission de M. Kurumatani n'a "rien à voir" avec d'éventuels conflits d'intérêts avec CVC, a toutefois affirmé mercredi M. Nagayama. Société financière active dans le monde entier et dont le siège social est au Luxembourg, CVC a proposé d'acquérir Toshiba pour environ 21 milliards de dollars, selon la presse.

Cependant, d'autres fonds d'investissement, l'américain KKR et le canadien Brookfield Asset Management, envisageraient des offres concurrentes, ont affirmé mercredi le Financial Times et l'agence Bloomberg.

Brookfield est une ancienne connaissance de Toshiba: le fonds canadien avait racheté en 2018 des actifs de sa filiale nucléaire américaine Westinghouse, dont la faillite un an plus tôt avait précipité Toshiba au bord du gouffre, alors que l'ancien fleuron industriel et technologique nippon se remettait à peine d'un énorme scandale de comptes falsifiés.

Faire « le meilleur choix »

L'éventualité d'une bataille d'enchères a stimulé mercredi l'action Toshiba, qui a bondi de 5,76% à 4.860 yens à la clôture de la Bourse de Tokyo, son plus haut niveau depuis 2015.

CVC aurait proposé un prix de 5.000 yens par action, mais un prix unitaire de 6 000 yens (soit 25 milliards de dollars au total) pourrait être nécessaire pour convaincre les actionnaires de Toshiba, selon M. Tang.

Toshiba ne s'est pas encore prononcé sur l'offre de CVC. M. Nagayama a répété mercredi que cette proposition "non sollicitée" devait encore être détaillée. "Nous ferons le meilleur choix pour les actionnaires, nos salariés et la société", a promis le nouveau PDG Satoshi Tsunakawa.

Toshiba n'a pas évoqué mercredi d'éventuelles offres rivales.

Quel que soit le prix proposé, tout repreneur potentiel devra probablement bâtir un consortium associant des institutions financières proches de l'État japonais, du fait de la présence du conglomérat dans des domaines stratégiques comme le nucléaire, a rappelé M. Tang.

Pour rendre son offre plus crédible, CVC serait en train d'unir ses forces avec l'américain Bain Capital, affirme mercredi soir le quotidien économique japonais Nikkei sans citer de source.

Bain Capital connaît bien Toshiba et sait y faire en matière d'acquisition sensible au Japon: il avait mené le consortium d'investisseurs ayant racheté en 2018 Toshiba Memory (rebaptisée depuis Kioxia), la précieuse filiale de puces-mémoires du groupe nippon, pour l'équivalent de 18 milliards d'euros.

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