Le pétrole flanche mais l'inflation ne faiblit pas

  • AFP
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Les cours du pétrole ont fondu d'un quart depuis mi-juin et cette retombée fracassante pourrait se poursuivre, surtout en cas d'accord sur le nucléaire iranien, estiment des analystes, même si cela ne devrait pas suffire à freiner l'inflation.

Le marché de l'or noir avait débuté l'année en trombe, la perspective d'un arrêt des exportations russes effrayant les investisseurs alors même que la fin des confinements dopait la demande.

Le baril de Brent, référence européenne des cours, avait approché de 140 dollars début mars, dans les premières semaines de l'invasion russe de l'Ukraine, quand les Etats-Unis, l'Union européenne et leurs partenaires multipliaient les sanctions contre Moscou.

Mais depuis mi-juin, "les perspectives de la demande souffrent des craintes de récession, le dollar est trop fort (...) et les importations chinoises trop faibles", énumère Giovanni Staunovo, analyste chez UBS.

Les cours du baril sont fixés en dollar, donc sa hausse récente pèse sur le pouvoir d'achat des importateurs utilisant d'autres devises.

Résultat, le cours du baril évolue désormais autour de 95 dollars pour le Brent et de 90 dollars pour le WTI, référence américaine, qui est même retombé jusqu'à 85,73 en clôture cette semaine, un plus bas depuis fin janvier.

Dans leur sillage, les prix à la pompe ont également renoué avec leurs niveaux du début de l'année, notamment en France, où le plein de gazole coûte en moyenne 1,79 euro le litre, comme fin février.

-Chine et Iran-

En Chine, "les raffineries ont transformé moins de brut en juillet, et pourtant les réserves (d'essence) augmentent", commente Geordie Wilkes, analyste chez Sucden, témoignant d'une demande qui fléchit.

UBS prévoit cependant toujours une remontée des cours du brut autour de 125 dollars le baril pour le Brent en fin d'année "avec la baisse continue des exportations russes, la fin de l'utilisation des réserves stratégiques, et une remontée des importations chinoises", explique à l'AFP M. Staunovo.

Un élément pourrait modérer cette reprise: un accord sur le nucléaire en Iran, qui permettrait au pays d'augmenter ses exportations, actuellement sous sanctions, d'environ un million de barils par jour.

"Notre opinion reste qu'un accord est peu probable à court terme", jugent des experts de Goldman Sachs dans une note. Ils remarquent que l'Iran peut se satisfaire d'un volume d'exportation réduit tant que les prix sont élevés.

Selon eux, l'Iran "se montre prêt à discuter sur le nucléaire pour faire durer les négociations et éviter de nouvelles sanctions", et "les Etats-Unis ont de la même façon intérêt à faire traîner le dossier étant donné que de nouvelles mesures punitives exacerberaient le manque de carburant".

Attention cependant à un excès de complaisance: en 2015, quand le premier accord avait été trouvé, "l'Iran avait été capable d'augmenter sa production rapidement, ce qui avait choqué le marché", rappelle M. Wilkes.

Un retour du brut iranien sur le marché ferait toutefois baisser les cours du pétrole, dans une fourchette entre 5 et 10 dollars par baril en 2023, par rapport à un baril de Brent à 125 dollars sans accord, projette Goldman Sachs.

-Inflation indomptable-

La baisse des cours du brut, si elle a entraîné un recul du prix à la pompe, ne devrait pas suffire à apaiser l'inflation bouillonnante, surtout en Europe.

"Le monde a changé. Nous pouvions prédire le mouvement des prix de l'énergie en regardant les cours du brut. Désormais, il faut une équation bien plus complexe, qui prend en compte des tendances propres au pétrole, au gaz et à l'électricité", décrit à l'AFP Andrew Kenningham, analyste Europe chez Capital Economics.

Sur le Vieux continent, l'effet de la baisse récente des prix du brut devrait représenter un recul de 0,5 point de pourcentage de l'inflation, et 0,7 point en cas d'accord sur le nucléaire iranien, explique Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg.

"Un changement d'inflation de 0,1%, 0,2%, cela comptait beaucoup quand on peinait à atteindre 2%, mais pas quand on monte" à 8,9% sur un an en zone euro, comme cela a été le cas en juillet, conclut M. Kenningham.

L'inflation a en revanche ralenti en juillet aux Etats-Unis, notamment avec la baisse du prix de l'essence, mais reste très élevée à 8,5%, et elle est montée à 10,1% au Royaume-Uni.

"Malheureusement, des prix du gaz et de l'électricité plus élevés et la fin des aides gouvernementales allemandes sur les transports publics et l'essence devraient plus que compenser" l'effet déflationniste en zone euro, prévient M. Schmieding.

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