Rappels sur l'EPR, fleuron du nucléaire français aux déboires multiples

  • AFP
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L'autorité finlandaise de sûreté a autorisé le démarrage du réacteur nucléaire EPR d'Olkiluoto 3, un modèle de réacteur français dont la construction a subi dans plusieurs pays des déboires entraînant retards et surcoûts.

Réacteur de troisième génération conçu pour offrir une puissance et une sûreté accrues, l'EPR a été commandé par la Chine, la Finlande, la Grande-Bretagne, la France. Toutefois, la centrale de Taishan, près de Hong Kong, est le seul site actuellement en service et son réacteur numéro 1 est à l'arrêt depuis juillet après un incident, qualifié de "courant" par Pékin.

L'EPR est un projet phare pour l'électricien français EDF, qui prévoit d'en livrer au gigantesque projet indien de Jataipur, mais doit aussi répondre à la relance d'un programme nucléaire annoncé en France par le président Macron pour renouveler un parc vieillissant.

Puissance très élevée

Lancée en 1992, cette technologie a été codéveloppée par le français Areva et l'allemand Siemens au sein de leur filiale commune, dont Siemens s'est depuis retiré. EDF a finalement pris le contrôle de l'activité lors de la réorganisation de la filière nucléaire française orchestrée par l'État.

Conçu pour fonctionner pendant 60 ans, l'"Evolutionary Power Reactor" (initialement "European Pressurized Water Reactor") se fonde sur la technologie des réacteurs à eau sous pression, la plus utilisée dans le monde.

Il offre une puissance très élevée (1 650 mégawatts) et bénéficie d'une multiplication des systèmes de sauvegarde pour refroidir le cœur du réacteur en cas de défaillance, d'une coque de protection en béton et acier et d'un récupérateur de corium censé réduire les conséquences en cas d'accident grave.

Retards en France et Finlande

Le premier chantier a été lancé à Olkiluoto (Finlande) en 2005, pour le compte de l'électricien TVO, avec Areva et Siemens comme maîtres d'œuvre. Il devait s'achever en 2009, mais contretemps et dérapages budgétaires se sont accumulés. In fine, le réacteur a été chargé en combustible fin mars 2021. Avec près de douze ans de retard sur le calendrier initial, l'exploitant de la centrale d'Olkiluoto table désormais sur une première production d'électricité fin janvier 2022 et une production régulière en juin.

Le deuxième EPR, en chantier depuis 2007 à Flamanville (Manche) en France, a également accumulé les déconvenues, à cause notamment d'anomalies découvertes sur la composition de l'acier du couvercle et du fond de la cuve. L'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) a exigé que le couvercle de la cuve soit remplacé avant la fin 2024.

EDF s'est aussi heurté à des problèmes de soudures et le groupe vise maintenant un chargement du combustible fin 2022. Un planning que le président de l'ASN a qualifié de "très serré", d'autant qu'un autre problème a été rendu public en mars sur trois piquages (raccordements de tuyauterie) du circuit primaire principal.

En service en Chine ; surcoûts en Angleterre

Concernant les deux EPR commandés par la Chine, Taishan 1 a été le premier au monde à entrer en service, en décembre 2018, bien que le chantier ait commencé en 2009, après celui de Flamanville. Le deuxième réacteur de Taishan est aussi entré en service.

L'EPR a été retenu pour un projet de deux réacteurs à Hinkley Point en Angleterre, qui a dernièrement été affecté par la pandémie de Covid-19. Le début de production d'électricité par le premier réacteur britannique est à présent prévu en juin 2026 au lieu de fin 2025 comme annoncé initialement, avec des coûts rehaussés. Le gouvernement britannique a engagé des discussions pour construire une nouvelle centrale, Sizewell C, projet mené par EDF, mais plombé par les retards du fait de difficultés de financements et complications politiques.

EDF a pour autant bon espoir de vendre de nouveau l'EPR à l'étranger, tablant sur la volonté des pays d'améliorer leur bilan climatique et notamment de moins dépendre du charbon. Le groupe table sur la vente de six EPR pour la future centrale de Jaitapur, et a présenté en avril une offre engageante. Il discute aussi avec des pays européens comme la Pologne ou la République Tchèque.

Le groupe travaille aussi sur une nouvelle version de l'EPR, pour réduire ses coûts et délais de construction.

En France même, pays le plus nucléarisé au monde (par habitant), le président Emmanuel Macron a annoncé la construction de nouveaux réacteurs, quelque 20 ans après les derniers mis en service. Il a toutefois reporté à plus tard les précisions sur ces futurs EPR.

Commentaires

PierB

Je voudrais pouvoir un jour me dire fier que ce soit une technologie française.
Par contre voir EdF partir seul dans tous ces projets est plus qu'inquietant et j'aimerais connaître les leçons qui vont être tirées des "deboires" actuels.

Serge Rochain

L'article feint de laisser croire que tout s'est bien passé pour les deux EPR chinois. Mais ils ont doublé les temps de construction et dépassé les budget de 60%. Dans tout autre domaine ce serait inadmissible.
Et je crains que ce soit pourtant les deux EPR qui resteront dans l'histoire ceux qui s'en seront le mieux sorti

Bertrand

Retards, déboires, surcoûts... oui, peut-être mais remis à l'échelle de l'enjeu immense de la production quasi zéro carbone (rapporté au Mw/h) : on est dans le symbolique, c'est quasiment négligeable. On parle de machineries extrêmement complexes qu'il convient de rendre sûres et archi-sûres avec les ceintures et les bretelles que sont le cumul des normes européennes et françaises. Travailler dans ces domaines (et j'en connais) avec le bashing quasi permanent contre le nucléaire, c'est un sacerdoce ! Bravo et courage aux équipes ! Les choses doivent être faites et bien faites, pour 60 ans et plus !

Th.Bretin

L'intensité carbone de différentes technologies de production d’électricité, en gCO2e/kWh.
Les chiffres suivant reprennent les données d’intensité carbone de différentes technologiques selon deux sources : l’ADEME pour des données françaises et le rapport 5 du GIEC pour des données mondiales.

Charbon --> Ademe 1060 gCO2e/kWh / Giec-AR5 820 gCO2e/kWh
Gaz – cycle combiné --> Ademe 418 gCO2e/kWh / Giec-AR5 490 gCO2e/kWh
Panneaux solaires à grande échelle --> Ademe 25-44 gCO2e/kWh / Giec-AR5 48 gCO2e/kWh
Panneaux solaires sur toits --> Ademe 25-44 gCO2e/kWh / Giec-AR5 41 gCO2e/kWh
Géothermie --> Ademe 45 gCO2e/kWh / Giec-AR5 38 gCO2e/kWh
Energie solaire concentrée --> Ademe ? gCO2e/kWh / Giec-AR5 27 gCO2e/kWh
Hydroélectricité --> Ademe 6 gCO2e/kWh / Giec-AR5 24 gCO2e/kWh
Nucléaire --> Ademe 45 gCO2e/kWh / Giec-AR5 12 gCO2e/kWh
Eolien terrestre --> Ademe 14,1 gCO2e/kWh / Giec-AR5 11 gCO2e/kWh
Biomasse --> Ademe ? gCO2e/kWh / Giec-AR5 230 gCO2e/kWh
Eolien en mer --> Ademe 15,6 gCO2e/kWh / Giec-AR5 12 gCO2e/kWh

Schricke

M. Bretin:
Bravo ! Vous venez de démontrer la supériorité incontestable (et incontestée, sauf par certains "égarés" de l'énergie...) que le nucléaire reste la source d'électricité la moins carbonée ! Et, en plus, qui est disponible quand on en a besoin, et non quand il y a du vent ou du soleil !...
Vous progressez ! Mais l'ombre du "mage" vous fait dire (et écrire) encore beaucoup de contre-vérités !

Th.Bretin

M Schricke il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, mais là, les chiffres parlent. Ils ne tromperont aucun lecteur de niveau primaire. Même mon petit fils qui est en grande section de maternelle sait que 12 c'est plus petit que 28.
Eolien terrestre --> (11 + 14 gCO2/kWh / 2) = 12,5 < nucléaire -->(12 + 45 gCO2/kWh / 2) = 28,5
À l’échelle des 3 façades françaises (Manche, Atlantique, Méditerranée), il est confirmé que les régimes de vent sont complémentaires, entrainant un foisonnement de la production éolienne.
Ainsi, sur l’année, les statistiques montrent qu’un parc éolien réparti entre les façades produirait plus de 20% de sa puissance installée de façon quasi constante*, ce ratio montant à près de 30% en période hivernale (où la demande d’électricité est plus forte)
Concernant les réacteurs en service, nous pourrions envisager une certaine intermittence.
Quatre réacteurs nucléaires de dernière génération sont à l’arrêt après la détection de défauts à proximité de soudures des tuyauteries du circuit d’injection de sécurité de celle-ci, un circuit qui permet de refroidir le réacteur en cas d’accident, 8 autres pour inspection en rapport avec la sécurité.
L’approvisionnement en électricité sera, cet hiver, à son plus bas niveau "historique".
https://actu.orange.fr/societe/videos/centrales-nucleaires-12-reacteurs…

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