Rappels sur l'EPR, fleuron du nucléaire français aux déboires multiples

  • AFP
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Le réacteur nucléaire EPR, dont le démarrage est une nouvelle fois repoussé à Flamanville en France, est un réacteur de troisième génération conçu pour offrir une puissance et une sûreté accrues, commandé par la Chine, la Finlande, la Grande-Bretagne et la France.

L'EPR est un projet phare pour l'électricien français EDF, qui prévoit d'en livrer au gigantesque projet indien de Jataipur, mais doit aussi répondre à la relance d'un programme nucléaire annoncé en France par le président Macron pour renouveler un parc vieillissant.

Deux centrales sont aujourd'hui en marche aujourd'hui, en Chine et en Finlande. En Finlande, l'autorité de sûreté nucléaire a autorisé fin décembre le démarrage du réacteur nucléaire EPR d'Olkiluoto 3, après 12 ans de retard sur le chantier, le premier pour un réacteur de ce type. Jusqu'alors, la centrale de Taishan, près de Hong Kong, était le seul site en service, mais son réacteur numéro 1 est à l'arrêt depuis juillet après un incident, qualifié de "courant" par Pékin.

Puissance très élevée

Lancée en 1992, cette technologie a été codéveloppée par le français Areva et l'allemand Siemens au sein de leur filiale commune, dont Siemens s'est depuis retiré. EDF a finalement pris le contrôle de l'activité lors de la réorganisation de la filière nucléaire française orchestrée par l'État.

Conçu pour fonctionner pendant 60 ans, l'"European Pressurized Water Reactor" se fonde sur la technologie des réacteurs à eau sous pression, la plus utilisée dans le monde. Il offre une puissance très élevée (1 650 mégawatts) et bénéficie d'une multiplication des systèmes de sauvegarde pour refroidir le coeur du réacteur en cas de défaillance, d'une coque de protection en béton et acier et d'un récupérateur de corium censé réduire les conséquences en cas d'accident grave.

Retards en France et Finlande

Le premier chantier a été lancé à Olkiluoto (Finlande) en 2005, pour le compte de l'électricien TVO, avec Areva et Siemens comme maîtres d'oeuvre. Il devait s'achever en 2009, mais contretemps et dérapages budgétaires se sont accumulés. Avec près de douze ans de retard sur le calendrier initial, il a enfin démarré en décembre 2021 et devrait atteindre une production régulière en juin 2022.

Le deuxième EPR, en chantier depuis 2007 à Flamanville (Manche) en France, a également accumulé les déconvenues, à cause notamment d'anomalies découvertes sur la composition de l'acier du couvercle et du fond de la cuve. L'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) a exigé que le couvercle de la cuve soit remplacé avant la fin 2024.

EDF s'est aussi heurté à des problèmes de soudures et le groupe vise maintenant un chargement du combustible au second trimestre 2023, en raison notamment de la pandémie de Covid-19.

En service en Chine ; surcoûts en Angleterre

Concernant les deux EPR commandés par la Chine, Taishan 1 a été le premier au monde à entrer en service, en décembre 2018, bien que le chantier ait commencé en 2009, après celui de Flamanville. Le deuxième réacteur de Taishan est aussi entré en service. L'EPR a été retenu pour un projet de deux réacteurs à Hinkley Point en Angleterre.

Le début de production d'électricité par le premier réacteur britannique est à présent prévu en juin 2026 au lieu de fin 2025 comme annoncé initialement, avec des coûts rehaussés. Le gouvernement britannique a engagé des discussions pour construire une nouvelle centrale, Sizewell C, projet mené par EDF, mais plombé par les retards du fait de difficultés de financements et complications politiques.

EDF a pour autant bon espoir de vendre de nouveau l'EPR à l'étranger, tablant sur la volonté des pays d'améliorer leur bilan climatique et notamment de moins dépendre du charbon. Le groupe table sur la vente de six EPR pour la future centrale de Jaitapur, et a présenté en avril une offre engageante. Il discute aussi avec des pays européens comme la Pologne ou la République Tchèque.

Le groupe travaille aussi sur une nouvelle version de l'EPR, pour réduire ses coûts et délais de construction. En France même, pays le plus nucléarisé au monde (par habitant), le président Emmanuel Macron a annoncé la construction de nouveaux réacteurs, quelque 20 ans après les derniers mis en service. La mise en service est attendue pour 2035-2037.

Commentaires

Agnès de la Ro…

World Nuclear Industry report 2021 édité en septembre 2021 donne les résultats suivants:
en 2020 la production nucléaire a baissé de 4 % dans le monde (-100 TWH !) et ne représente plus que 10 % de l'électricité contre 17,5 % en 1996.
La même année pour la première fois en Europe l'électricité renouvelable hors hydraulique a dépassé le nucléaire , en tenant compte de l'hydraulique les renouvelables ont dépassé toute l'électricité de type fossile.
Le lobby nucléaire est aux abois :il appelle l'état français à son secours.

jean-jacques Attia

L'organisme dont vous parlez est très loin d'être neutre, il se déclare lui-même "non inféodé aux intérêts des milieux nucléaires". Aussi, c'est avec beaucoup de prudence qu'il convient de considérer ses déclarations.
Je ne peux que vous conseiller la lecture de l'article de M. Dominique Finon : "Vers un monde neutre en carbone : pourra-t-on se passer du nucléaire ? ", dans Connaissance des énergies.

Agnès de la Ro…

Les données de cet organisme - qui n'est justement pas à la botte des nucléocrates - proviennent d'analyses sur l'évolution de la filière nucléaire, ce sont des faits M. Attia.
Et comme vous le savez, les faits sont têtus, ils ne se discutent pas.

Husser

En effet, cet organisme n'est pas inféodé aux intérêts des milieux nucléaires. A contrario, tous ceux qui promeuvent la poursuite de programme nucléaires... le sont. Conflit d'intérêt ? Neutralité des choix ?

Serge Rochain

Si le nucléaire avait encore un avenir, notamment avec les modéles à eau pressurisée, l'inventeur de ce type de réacteur, Westinghouse, ne serait pas en faillite, il en vendrait partout !

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