Bolivie : élection présidentielle ce dimanche dans un contexte de crise économique

  • AFP
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Les Boliviens vont voter dimanche pour élire leur nouveau président dans un contexte de crise économique, la plus grave depuis près de 40 ans, en raison de la situation sanitaire et de la chute des cours des matières premières.

Dans ce pays de 11 millions d'habitants, la pandémie de coronavirus, qui a touché 137 000 personnes et fait plus de 8 000 morts, a accentué les faiblesses de l'économie. Le Produit intérieur brut (PIB) devrait baisser de 6,2% en 2020, selon les prévisions du Fonds monétaire international, contre une hausse de 2,2% en 2019. Parallèlement, le taux de chômage urbain est passé de 6,6% à 10,5% entre janvier et août, selon les chiffres officiels.

"Nous sommes très proches d'une grave crise économique", estime l'économiste Roberto Laserna, du groupe de réflexion Fundacion Milenio. Selon lui, la crise sanitaire a fait ressortir les insuffisances structurelles de l'économie bolivienne : une croissance qui ralentit depuis 2014, une augmentation du déficit public, un déséquilibre commercial et un endettement croissants, ainsi qu'une baisse continue des réserves internationales. Ces dernières sont ainsi passées de 8,9 milliards de dollars fin 2018 à 6,2 milliards en juin 2020.

Cette dégradation progressive, à laquelle s'ajoutent les conséquences de la pandémie et l'incertitude politique, ont conduit l'agence Moody's à abaisser la note de la dette du pays de B1 à B2.

C'est dans ce contexte que les Boliviens vont choisir leur nouveau président, vraisemblablement lors d'un deuxième tour le 29 novembre entre le candidat socialiste, Luis Arce, dauphin d'Evo Morales (2006-2019), et le centriste Carlos Mesa, selon les projections des derniers sondages.

Luis Arce, qui fut ministre de l'Économie entre 2006 et 2017, et à nouveau en 2019, sous la présidence du socialiste Evo Morales, est à l'initiative d'une politique économique qui a donné pendant plus de dix ans la priorité à l'exploitation des ressources naturelles. Mise en place dès 2006, cette politique s'est fondée notamment sur la nationalisation de l'exploitation des hydrocarbures et des minerais, et sur des programmes de redistribution, permettant ainsi d'améliorer la vie de nombreux Boliviens et de financer les infrastructures. Le pays andin dispose d'importantes réserves en gaz, lithium, fer et cuivre.

« Super cycle »

"Ce modèle est orienté vers la promotion de la consommation. Un modèle compatible avec un super cycle pour les matières premières, qui permet au gouvernement d'avoir plus de revenus, d'augmenter les dépenses publiques, afin que les gens consomment et que l'économie progresse", explique à l'AFP Javier Aliaga, chercheur au Centre d'études économiques Inesad.

La croissance du PIB a ainsi connu son plus haut en 2013 (+ 6,8%). Cette période faste a permis une réduction de la pauvreté de 60% à 37%, et l'indigence est passée de 38% à 13%, selon les chiffres officiels. Mais lorsque les cours des matières premières, qui représentent 80% des exportations du pays, ont commencé à plonger, le gouvernement d'Evo Morales a continué d'injecter de l'argent dans l'économie en puisant dans les réserves internationales et en creusant la dette publique, soulignent les experts.

Fin 2019, la dette publique atteignait un plus haut historique, à 11 milliards de dollars, soit 27% du PIB, selon la Banque centrale de Bolivie (BCB), un niveau cependant parmi les plus faibles de la région. La dégringolade des cours du pétrole et du gaz en raison de la pandémie n'ont fait qu'aggraver la situation.

Par ailleurs, le contrôle des changes avec le dollar, décrété pour modérer l'inflation, "a réduit les possibilités des exportateurs d'être compétitifs, ce qui a eu des conséquences sur la balance commerciale et un coût sur les réserves internationales" pour soutenir la parité, estime auprès de l'AFP Javier Aliaga.

Pendant sa campagne, Luis Arce a défendu son bilan : "nous avons pris des décisions appropriées qui ont conduit notre pays à être en tête de plusieurs indicateurs économiques et sociaux dans la région. La Bolivie doit retrouver le chemin de la stabilité et de la croissance économique dans un contexte de justice sociale", a-t-il martelé.

L'ex-président Carlos Mesa (2003-2005) a, pour sa part, annoncé vouloir renforcer "la diversification" de l'économie. Il a toutefois exclu de privatiser à nouveau la compagnie publique d'hydrocarbures et ses filiales, proposant de les "rendre efficaces".

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