L'OPA chinoise sur Energias de Portugal heurte son premier obstacle

  • AFP
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L'OPA de China Three Gorges sur Energias de Portugal (EDP), pourtant vue d'un bon oeil par le gouvernement portugais, s'est heurtée mardi à son premier obstacle, l'ancienne compagnie électrique nationale ayant jugé trop bas le prix offert par son principal actionnaire pour en prendre entièrement le contrôle.

Le conseil d'administration d'EDP se prononcera "en temps voulu" sur les autres volets de l'offre publique d'achat annoncée vendredi, mais a d'ores et déjà fait savoir que "le prix offert ne reflète pas de manière adéquate la valeur d'EDP". "Le prix implicite de l'offre est bas compte tenu de la pratique suivie dans le marché européen des services d'utilité publique", a ajouté la direction du groupe portugais dans un communiqué.

Après avoir bondi de 9,32% lundi à la Bourse de Lisbonne, l'action EDP s'est appréciée de 1,18% à 3,44 euros mardi à la clôture des marchés, portant sa valorisation boursière à 12,6 milliards d'euros. China Three Gorges souhaite acquérir les 76,7% du capital d'EDP qu'il ne détient pas encore, au prix de 3,26 euros par action, ce qui représenterait un montant global d'environ 9 milliards d'euros et une prime de 4,82% par rapport au cours de clôture de vendredi.

Le groupe chinois a également lancé une OPA sur la filiale pour les énergies renouvelables d'EDP, EDP Renovaveis, proposant 7,33 euros par action. Mardi, ce titre a terminé en légère hausse de 0,25%, à 8,07 euros. La réaction du marché semblait ainsi donner raison aux réticences de son administration.

Crise de la dette

"Le plus surprenant dans l'offre de China Three Gorges a été le prix, qui est inférieur à celui payé lors de leur entrée au capital d'EDP et de la cotation moyenne des six dernier mois", a commenté pour l'AFP Pedro Oliveira, analyste à Banco Carregosa.

Dans le cadre d'un vaste programme de privatisations que le Portugal s'était engagé à mettre en oeuvre en échange d'un plan de sauvetage financier qui lui a permis d'éviter la faillite en pleine crise de la dette de la zone euro, l'État portugais avait cédé 21,35% du capital d'EDP à China Three Gorges, en décembre 2011, pour 2,7 milliards d'euros.

Depuis, le groupe chinois a porté sa part à 23,27% du capital tandis que l'Etat a vendu sa dernière participation de 4,14% en février 2013, tout en conservant un droit de regard sur cette entreprise stratégique, une des plus importantes du pays à l'instar de la compagnie pétrolière et gazière Galp Energia.

Aussitôt après l'annonce de l'OPA de China Three Gorges, le Premier ministre socialiste Antonio Costa a déclaré que son gouvernement n'avait "rien à opposer" à une opération qui, selon l'hebdomadaire Expresso, faisait l'objet de négociations politiques depuis plusieurs mois. Pour sortir de la crise de 2011, le Portugal a accueilli à bras ouverts plusieurs investisseurs chinois dans divers secteurs. Toujours dans l'énergie, State Grid a pris 25% du gestionnaire du réseau électrique REN.

« Faire monter le prix »

Le conglomérat Fosun a de son côté racheté l'assureur Fidelidade à la banque publique Caixa geral de depositos (CGD), avant de devenir le principal actionnaire de BCP, première banque privée du Portugal, avec 24% du capital. En dépit du feu vert politique, la route vers une prise de contrôle d'EDP par China Three Gorges semble semée d'obstacles.

"Nous n'en sommes qu'aux toutes première étapes", assure l'analyste Pedro Oliveira en partageant l'avis général des observateurs. D'abord, l'administration d'EDP devrait sans doute rejeter l'offre en l'état "pour faire monter le prix", a-t-il anticipé.

Ensuite, "compte tenu de l'intérêt manifesté par plusieurs entreprises du secteur en Europe, nous pensons qu'il peut y avoir une offre concurrente", écrit la banque Goldman Sachs dans une note d'analyse en citant le français Engie, l'italien Enel ou l'espagnol Gas Natural Fenosa. Enfin, l'opération devra être autorisée par 18 entités régulatrices de huit pays différents, dont le Brésil et les États-Unis, selon un décompte du Jornal de Negocios.

Privatisée progressivement à partir de 1997, EDP compte parmi ses actionnaires des investisseurs américains, espagnols, norvégiens ou qataris, et ne réalise au Portugal plus qu'un tiers de son excédent brut d'exploitation (EBITDA).

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