L'urgence climatique incontournable au sommet européen de jeudi et vendredi

  • AFP
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Sous la pression d'une opinion publique de plus en plus inquiète du changement climatique, jusqu'à le faire savoir dans les urnes, les dirigeants de l'UE doivent prendre de nouveaux engagements pour "décarboner" l'économie malgré des réticences à l'Est.

"Neutralité climatique" : ce sont les deux mots qui agitent la sphère européenne avant le sommet à 28 de jeudi et vendredi à Bruxelles. À leur menu, la proposition de la Commission, l'une des dernières de l'équipe Juncker. Elle demande aux États membres d'adopter pour 2050 un objectif d'équilibre dans ses émissions de gaz à effet de serre, c'est à dire de ne pas en émettre plus qu'elle ne peut en absorber, notamment via les sols et les forêts.

Selon un projet de conclusions du sommet vu par l'AFP, les dirigeants vont appeler à "accueillir les changements induits par la transition verte (...) tout en s'assurant que personne n'est laissé pour compte". Mais, pour l'instant, sauf rebondissement, les pays membres n'évoquent pas de date.

"L'UE peut et doit montrer le chemin, en s'engageant dans une transformation en profondeur de son modèle d'économie et de société pour aboutir à la neutralité climatique", est-il simplement écrit.

Certains pays ont d'ores et déjà signalé leur soutien. La France, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne et la Suède ont publié en mai un texte commun appelant à l'adoption de cet objectif "d'ici 2050 au plus tard".

Chypre, la Finlande, la Grèce, l'Italie, la Lettonie, Malte et la Slovénie se sont aussi exprimés en ce sens, selon le décompte de l'ONG Climate Action Network.

La France est d'ailleurs en train de s'y atteler concrètement : un texte en ce sens est à l'étude par les députés. Mais c'est le Royaume-Uni qui a finalement été le premier pays de l'Union à légiférer, en présentant un décret mercredi dernier.

Lors d'un sommet à 28 en mars, les dirigeants n'avaient qu'effleuré la question. Selon un compte-rendu du Premier ministre belge Charles Michel, certains s'étaient opposés à s'engager dans l'immédiat dans cette voie, comme la Pologne ou la République tchèque. L'Allemagne, dont le poids politique reste décisif, s'était de son côté montrée timide, mais avait affiché "son ouverture pour approfondir le débat", selon le dirigeant.

« Crédibilité »

Si l'Allemagne ne s'est pas prononcée publiquement en faveur de 2050, son attitude dans les coulisses du Conseil laisse penser qu'elle s'est ralliée à cette date, note toutefois l'ONG WWF. Comme l'a montré le vote en faveur des partis écologistes lors des élections européennes, la sensibilité et la pression citoyenne sont plus marquées en Europe de l'Ouest et du Nord.

Mais "les Européens de l'Est ne sont pas nécessairement contre cet objectif", note une source européenne, qui table plutôt sur un consensus pour 2050 en décembre, une fois les premières discussions passées sur le futur budget pluriannuel de l'UE.

"Il y a toujours un certain nombre d'États membres qui veulent d'abord parler des conditions et de la somme d'argent qu'ils peuvent obtenir pour financer" cet objectif, explique cette même source à l'AFP. "Il y a une grosse différence de coût entre la Suède et la Roumanie, par exemple", ajoute-t-elle.

Les ONG auraient préféré des engagements concrets dès juin, notamment pour que l'UE puisse arriver en septembre au sommet des Nations unies sur le climat avec de nouveaux objectifs bien définis. Dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat, l'UE doit de toute façon annoncer un rehaussement de ses ambitions.

"Si l'UE arrivait au sommet les mains vides, cela saperait sérieusement son aspiration d'être un leader mondial sur le climat", souligne Climate Action Network dans une note aux médias. Pour Emmanuel Tuchscherer, directeur des affaires européennes du groupe Engie, la question se pose : "Est-ce que la prochaine législature doit transposer l'acquis, ou faut-il aller plus loin dans les politiques ?".

"Il ne s'agit pas simplement de muscler telle ou telle politique, mais vraiment de réorienter toutes les politiques européennes en fonction de cet objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre", explique à l'AFP M. Tuchscherer, qui a récemment signé un article sur le sujet pour la Fondation Schuman. "Si on continue à multiplier les objectifs que l'on n'est pas sûr de pouvoir atteindre, il y a quand même à la fin un problème de crédibilité des politiques européennes", redoute-t-il.

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