Maintenance: la facture du chantier pilote du réacteur 2 de Paluel s'enflamme

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Ce devait être un chantier de maintenance nucléaire pilote de moins d'un an: le réacteur 2 de Paluel (Seine-Maritime), dont un générateur de 465 tonnes était tombé en 2016, est à l'arrêt depuis bientôt trois ans, après de coûteuses difficultés pour EDF.

"C'est le réacteur le plus cher du parc", estime Sylvain Chevalier, délégué CGT de la centrale. Et pour cause: EDF évalue à un million d'euros le coût d'un jour de non production d'un réacteur. "Quand on aligne les jours, c'est une catastrophe économique", sans compter les coûts des réparations liées aux incidents survenus depuis l'arrêt programmé du réacteur, le 16 mai 2015, poursuit ce membre du CHSCT. Le syndicaliste espère un redémarrage rapide mais doute qu'il intervienne, comme prévu aujourd'hui après plusieurs reports, le 5 juin.

"Aléa" le plus spectaculaire, la chute d'un générateur de vapeur (GV), une pièce cruciale de 465 tonnes et 22 m de long, le 31 mars 2016, qui a endommagé la piscine à combustibles dont les réparations "conséquentes" doivent s'achever "début" 2018 selon l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Les opérations de changement des 4 GV, dont deux avaient été remplacés juste avant l'accident, ne se sont terminées qu'en mars dernier.

EDF n'avait jamais changé de générateur de vapeur de cette dimension auparavant. Le parc nucléaire français en compte 80, soit quatre par réacteur de 1.300 MW. Ces opérations inédites, qui font de Paluel un "chantier pilote", font partie du "grand carénage" qu'EDF a lancé dans l'espoir de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires "significativement au-delà de 40 ans".

Le prochain changement de générateur de vapeur de cette taille est prévu en 2021 à Flamanville. Autre incident, au "budget explosif" selon la CGT, le 8 juillet 2015 un incendie survenait sur un condenseur. Les réparations ont mobilisé 200 personnes à temps plein pendant un an, selon la direction.

EDF ne communique pas sur les coûts de ces accidents sur ce chantier qui a compté jusqu'à 3 000 à 3 500 salariés de plus de 70 entreprises. Le géant du nucléaire a demandé une expertise au tribunal de commerce de Nanterre sur l'accident de 2016. Le rapport doit être remis d'ici à la fin octobre, avant d'éventuelles poursuites. Une vingtaine de défendeurs sont recensés.

« Externalisation intégrale »

Le groupe détenu à 83,50% par l'État assure que Paluel 2 "n'a pas eu d'impact sur le coût du grand carénage d'un montant de 48 milliards d'euros sur 2014-25" mais hors coût des jours de non production. La Cour des comptes parlait elle en 2016 d'un grand carénage à 100 milliards.

Pour Yves Marignac, membre du groupe permanent d'experts pour les réacteurs nucléaires à l'ASN, les 48 milliards relèvent de "la pure communication pour convaincre que le nucléaire est l'option la moins chère" face aux investissements dans les renouvelables.

Selon lui, Paluel 2 comme le chantier de l'EPR de Flamanville, témoigne d'un "manque de maîtrise" par EDF de ses grands chantiers. Dans un rapport sur la chute du GV demandé par le CHSCT de Paluel, remis selon la CGT en mars à l'expert judiciaire, et consulté par l'AFP, le cabinet Apteis égrène ainsi des "dysfonctionnements" "nombreux".

Agréé par le ministère du travail, Apteis "interroge" le choix d'EDF "d'externaliser intégralement" ces changements de GV dont l'entreprise n'a gardé que la surveillance. Or, celle-ci s'est avérée "défaillante" car menée par des équipes "souvent débordées" en raison du grand nombre de chantiers, "dépendantes" des informations transmises par les sous-traitants et "souvent lacunaires", le tout avec une "contrainte temporelle élevée".

Selon Apteis, une "vraisemblable" erreur d'Areva NP dans l'analyse du dispositif de levage des GV est ainsi passée inaperçue, malgré des alertes les mois précédant l'accident. EDF était en outre "focalisé sur des problèmes avec (le sous-traitant) Orys". Areva NP est devenue depuis Framatome, filiale d'EDF.

Interrogé par l'AFP, EDF explique avoir "décidé" à la lumière de cette expérience "de renforcer le processus de surveillance". L'entreprise ajoute avoir déjà remplacé de nombreux autres gros composants du parc de 58 réacteurs.

Commentaires

FLUCHERE JEAN

Yves Marignac qui ne connaît strictement rien à l'exploitation et à la maintenance d'une centrale nucléaire ne peut pas s'empêcher de donner son point de vue à la fois sur les coûts et la maîtrise de la maintenance.
EDF a compté 1 milliard d'€ par grand carénage de chacune de ses tranches ce qui est un chiffre énorme au regard de ce qui se fait par exemple aux USA. A mon avis, ce chiffre donné depuis quelques années va se révéler surévalué.
Quant à la maintenance, EDF a une expérience de 1900 ans de fonctionnement réacteur !

Robin

Les coûts ne peuvent pas être sous-évalués, les 100 milliards sont le résultat d'une évaluation de la cours des comptes, ils ont regardé le détail des évaluations faites par EDF et non comme vous le faite avec un doigt mouillé et optimiste. Vous pensez que sur un chantier de ce type les coûts diminuent ? vous pensez que les retards sont source de bénéfices ? que la coordination des différents sous-traitant peut être plus rapide que prévue ? Avez vous un seul exemple d'un chantier de cette envergure avec un budget qui n'engage pas celui qui l'annonce et qui coûte moins que prévu ? Votre avis témoigne soit de votre naïveté soit de votre engagement mais c'est un peu gros tout de même.

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