Nucléaire iranien: un Conseil des gouverneurs de l'AIEA sous haute tension

  • AFP
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Les récentes entorses de l'Iran à l'accord nucléaire, faute de levée des sanctions américaines, sera au coeur des discussions cette semaine du Conseil des gouverneurs, qui devra trouver un équilibre entre fermeté et retenue pour ne pas compromettre les chances de dialogue.

Le directeur général, Rafael Grossi, a donné lundi le coup d'envoi de cette réunion trimestrielle, qui se tient par vidéoconférence, depuis le siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à Vienne, en Autriche.

Les débats s'annoncent tendus, alors que circulent des rumeurs de résolution à l'encontre de Téhéran.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a dénoncé "une mauvaise manoeuvre" des Européens et des Etats-Unis, même si des sources diplomatiques assuraient ce week-end que rien n'était encore décidé.

"L'introduction d'une résolution, qui serait prise au total mépris des échanges constructifs avec l'Agence, serait absolument contreproductive et destructive", avait auparavant prévenu la République islamique dans une note informelle adressée aux Etats membres et consultée par l'AFP.

Le dernier avertissement de l'AIEA remonte à juin 2020 face au refus de la République islamique d'autoriser l'inspection de deux sites suspects. Il s'agissait de la première résolution critique depuis 2012.

- Gare aux mesures 'irresponsables' -

"Nous espérons que la raison l'emportera, et si c'est le cas, il est clair que nous avons des solutions" à proposer, a souligné M. Zarif sans donner plus de détails, selon des propos cités par l'agence officielle Irna.

La Russie a ouvertement signalé son opposition à un texte condamnant l'Iran, mettant en garde contre "des mesures maladroites et irresponsables susceptibles de miner les perspectives d'un rétablissement intégral" de l'accord "dans un futur proche", selon un tweet de l'ambassadeur russe Mikhail Ulyanov.

Le "plan d'action global commun", communément désigné par son acronyme anglophone JCPOA, ne tient plus qu'à un fil depuis le retrait américain en 2018 à l'initiative de Donald Trump, et le rétablissement des sanctions.

Si son successeur Joe Biden a promis de revenir dans l'accord, l'Iran a jugé dimanche soir que le moment n'était pas approprié pour une rencontre proposée par l'Union européenne (UE) et incluant les Etats-Unis.

Téhéran, qui demande d'abord à Washington de faire le premier pas en supprimant les mesures punitives, a fustigé "les actions et comportements hostiles".

En cas de vote d'un texte au Conseil des gouverneurs, l'Iran a menacé de "mettre fin" à l'accord technique temporaire conclu le 21 février avec l'AIEA, permettant à l'agence onusienne de maintenir une surveillance, bien que réduite, le temps que les pourparlers diplomatiques reprennent.

Téhéran s'est ainsi engagé à fournir l'ensemble des données des caméras et autres outils de contrôle si les sanctions sont levées d'ici à trois mois. Sinon, elles seront définitivement supprimées.

- 'Geste concret' -

La République islamique a franchi ces dernières semaines un nouveau cran dans son désengagement du JCPOA (passage à un niveau d'enrichissement d'uranium de 20%, production d'uranium métal et limitation des inspections), dans le but de pousser les Etats-Unis à lever les mesures punitives qui asphyxient son économie.

Une stratégie que les Européens n'apprécient pas, dénonçant un "chantage", explique un diplomate.

Conclu en 2015 à Vienne entre l'Iran et le groupe 5+1 (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, Allemagne), le JCPOA visait initialement à encadrer le programme nucléaire de la République islamique en échange d'un allègement des sanctions internationales.

Malgré ses démentis, celle-ci est accusée de chercher à se doter de l'arme atomique, notamment par Israël, son ennemi juré.

"L'Iran a montré de la retenue en négociant cet accord technique avec l'AIEA et ce serait de la folie si les Américains gaspillaient le temps ainsi gagné", commente pour l'AFP Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération au sein de l'Arms Control Association, appelant Washington à faire un "geste concret".

"A court terme", l'agence peut continuer à faire son travail, "mais si la situation traîne en longueur, la confiance dans la nature pacifique du programme nucléaire iranien en sera ébranlée", estime-t-elle.

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