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Les pays de l'Opep+ se réunissent jeudi pour ajuster leur production de pétrole, avec dans toutes les têtes l'annonce par l'UE d'un embargo sur le brut russe, qui place Moscou dans une position délicate au sein de l'alliance.
Les analystes tablaient encore il y a deux jours sur un statu quo, malgré les appels des Occidentaux à ouvrir davantage les vannes pour freiner l'envolée des cours qui s'est accélérée après la décision des Vingt-Sept. Et tous d'insister sur la volonté du cartel de 23 membres, piloté de facto par Riyad, de ménager la Russie et de préserver la cohésion du groupe.
"Jusqu'à présent, le marché supposait" que l'Opep+ resterait sur la même ligne, avec une hausse marginale du volume de production de 432 000 barils par jour en juillet, "Russie incluse", résume Carsten Fritsch, analyste pour Commerzbank.
Cette stratégie entamée au printemps 2021 vise à retrouver graduellement les niveaux d'avant la pandémie de Covid-19, après les coupes drastiques décidées face à l'effondrement de la demande lié aux restrictions sanitaires et confinements dans le monde. Mais un article du Wall Street Journal a semé le doute.
Selon le quotidien américain, des membres de l'Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) étudient la possibilité d'écarter la Russie de l'accord fixant les quotas de production. Un tel scénario permettrait à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis de puiser dans leurs capacités inutilisées pour compenser en partie le manque à gagner, et ainsi d'apaiser le marché.
Isolement croissant
Les débats des treize membres de l'Opep, menés par l'Arabie saoudite, et de leurs dix partenaires conduits par la Russie débuteront par des discussions techniques à 12h00 GMT (14h00 à Vienne, le siège du cartel), avant la rencontre plénière par visioconférence.
Les spéculations vont bon train, des experts comme Stephen Brennock, de PMV Energy, s'inquiétant qu'une mise à l'écart temporaire de la Russie "aboutisse de fait à la fin de l'entente" formée en 2016 pour réguler le marché. Bjarne Schieldrop, de Seb, évoque aussi une possible "rupture de l'Opep+" ou du moins, "une mise en suspens du système de quotas tant que la Russie est mise au placard par l'Occident".
Car les sanctions s'accumulent sur le Kremlin. Les dirigeants de l'UE ont trouvé un accord lundi qui devrait permettre de réduire de quelque 90% leurs importations de pétrole russe d'ici la fin de l'année afin de tarir le financement de la guerre menée par Moscou en Ukraine.
Le Royaume-Uni s'est quant à lui engagé à cesser les importations d'ici la fin de l'année, tandis que les États-Unis ont imposé un embargo sur le brut et gaz russes. "La Russie s'est transformée en paria", assène l'analyste qui voit "dans l'apparente intensification de la navette diplomatique entre les États-Unis et l'Arabie saoudite" le signe "qu'un changement est peut-être proche".
Signaux d'immobilisme
Pour l'heure, les Saoudiens ne semblent cependant pas enclins à soulager le marché. Le ministre des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a réaffirmé lors du récent Forum économique mondial de Davos que "le royaume avait fait ce qu'il pouvait", selon la presse économique. "La situation est plus complexe que simplement ajouter des barils au marché", a-t-il insisté, alors même que les membres du G7 ont pointé la semaine dernière le "rôle clé" de l'Opep+ face au "resserrement des marchés internationaux".
Si les économies du Golfe restent sourdes aux appels, c'est aussi parce qu'elles tirent des bénéfices juteux d'un baril bien au-delà de 100 dollars : l'Arabie saoudite a ainsi enregistré au premier trimestre sa croissance la plus forte en dix ans. Dans ce contexte, pas sûr que se dissipent rapidement "les réticences envers une large ouverture des robinets", fait valoir Susannah Streeter, chez Hargreaves Lansdown.
Et même si elle le voulait, l'Opep+ ne pourrait pas remplacer tous les volumes perdus de la Russie du fait des difficultés de certains de ses membres à atteindre leurs quotas, rappelle l'analyste.