Pétrole : Riyad se mobilise pour rétablir sa production après une attaque attribuée à l'Iran

  • AFP
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L'Arabie saoudite s'est mobilisée dimanche pour tenter de faire redémarrer ses installations pétrolières endommagées la veille par des attaques de drones, qui ont entraîné une réduction de moitié de sa production, stratégique pour l'économie mondiale.

Les États-Unis n'ont pas tardé à réagir : "Suite aux attaques en Arabie saoudite, qui pourraient avoir un impact sur les prix du pétrole, j'ai autorisé l'utilisation du pétrole de la Strategic Petroleum Reserve, si besoin, pour une quantité qui reste à définir", a tweeté dimanche le président américain Donald Trump.

Les rebelles yéménites Houthis, soutenus par l'Iran et qui font face depuis cinq ans à une coalition militaire menée par Riyad, ont revendiqué ces attaques contre les installations du géant public Aramco. Il n'y a aucune preuve que cette "attaque sans précédent contre l'approvisionnement énergétique mondial" soit venue du Yémen, avait commenté samedi le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, accusant l'Iran d'être à l'origine de l'attaque et assurant que les États-Unis allaient oeuvrer pour assurer l'approvisionnement des marchés.

Téhéran a jugé ces accusations "insensées" et "incompréhensibles", par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abbas Moussavi, qui a laissé entendre qu'elles avaient pour but de justifier "des actions futures" contre l'Iran. L'Irak a de son côté réfuté tout lien avec l'attaque après que le Wall Street Journal a indiqué que des responsables américains et saoudiens étudiaient la possibilité que des missiles aient pu être tirés sur les installations pétrolières depuis l'Irak.

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, dont le pays est le grand rival régional de l'Iran, a assuré que Riyad était "disposé et capable" de réagir à cette "agression terroriste". Mais James Dorsey, expert du Moyen-Orient à la S. Rajaratnam School of International Studies à Singapour, a estimé des représailles directes peu probables. "Les Saoudiens ne veulent pas d'un conflit ouvert avec l'Iran (...) Ils aimeraient que d'autres se battent pour eux, mais les autres sont réticents", a-t-il déclaré.

Nervosité des marchés

La Bourse de Riyad a réagi à ces attaques en chutant de 3% à son ouverture, avant de reprendre une partie de ses pertes.

Les explosions de samedi ont déclenché des incendies dans l'usine d'Abqaiq, la plus grande pour le traitement de pétrole au monde, et sur le champ pétrolier de Khurais. Selon le ministère saoudien de l'Intérieur, les attaques n'ont fait aucune victime.

L'infrastructure énergétique saoudienne avait déjà été touchée par les Houthis, notamment en août et en mai, en représailles selon eux à la campagne de bombardement menée par Riyad contre des zones qu'ils contrôlent au Yémen.

Mais cette frappe est d'un autre ordre : elle a provoqué une réduction brutale de production de 5,7 millions de barils par jour, soit environ 6% de l'approvisionnement mondial. Cela pourrait ébranler la confiance des investisseurs dans Aramco, géant pétrolier qui prépare son introduction en Bourse. L'opération a été retardée plusieurs fois, notamment en raison de conditions défavorables.

Tandis que les marchés surveillent de près la réaction de l'Arabie saoudite, le PDG d'Aramco, Amin Nasser, a déclaré que "des travaux" étaient "en cours" pour rétablir la production. Le prince Abdel Aziz ben Salmane, récemment nommé ministre de l'Énergie, a assuré qu'une partie de la baisse de production serait compensée par les stocks.

Un retour à la normal complet de la production pourrait prendre des semaines, selon Bloomberg News citant des sources anonymes. Riyad, premier exportateur mondial de pétrole brut, dispose de cinq gigantesques installations de stockage souterrain qui peuvent contenir des dizaines de millions de barils.

Installations vulnérables

Lors d'un entretien téléphonique entre le président américain Donald Trump et le prince héritier, la Maison Blanche a condamné les attaques contre des "infrastructures vitales pour l'économie mondiale". Mais la Maison Blanche a fait savoir que M. Trump n'excluait toujours pas l'hypothèse d'une rencontre avec le président iranien Hassan Rohani malgré les accusations portées contre Téhéran.

L'envoyé de l'ONU au Yémen, Martin Griffiths, s'est déclaré "extrêmement préoccupé" par les attaques, également condamnées par des voisins de Riyad (les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Koweït). Paris a exprimé sa "solidarité" avec Riyad. Des ministres de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), réunis à Jeddah, ont aussi condamné l'attaque. Il n'était pas clair si l'Iran était présent à la réunion de l'OCI, convoquée initialement pour examiner le plan du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d'annexer des pans de la Cisjordanie occupée.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a condamné les attaques et appelé toutes les parties à "la retenue pour prévenir toute escalade", selon son porte-parole. "Toute turbulence de ce genre ne contribue pas à la stabilisation du marché des hydrocarbures", a déclaré le porte-parole du Kremlin Dimitri Peskov au quotidien économique Vedomosti.

Riyad a dépensé des milliards de dollars en matériel militaire, mais pour les experts, les récentes attaques confirment la vulnérabilité des installations pétrolières dans le Golfe. Bien que les puits de pétrole du royaume soient dispersés et difficiles d'accès, ses installations de traitement du brut sont beaucoup plus exposées.

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