Navires pétroliers iraniens : le Venezuela pris dans les tensions entre Washington et Téhéran

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C'est une bouffée d'oxygène que le gouvernement de Nicolas Maduro promet avec l'arrivée de navires pétroliers iraniens au Venezuela, qui traverse une pénurie d'essence. Mais ces envois catapultent Caracas au centre des relations conflictuelles qu'entretiennent l'Iran et les États-Unis depuis plus de 40 ans.

La flotte de cinq pétroliers iraniens, qui doivent arriver au Venezuela au cours des prochains jours, transportent un total d'1,5 million de barils de carburants, selon la presse locale. Des carburants dont le Venezuela a bien besoin. Depuis plus de deux mois, le pays est à sec. Sa production de brut s'est effondrée et ses raffineries sont largement oisives.

Quelles sont les conséquences de l'arrivée des cinq navires iraniens ?

Tensions accrues avec Washington

En envoyant ses pétroliers traverser l'Atlantique, l'Iran "lance un défi" aux États-Unis. Si les pétroliers accostent sans encombre sur les côtes vénézuéliennes, cela "pourrait être interprété comme un signe de faiblesse" de l'administration du président Donald Trump, note l'analyste José Toro Hardy, ancien patron de PDVSA, la compagnie pétrolière publique du Venezuela.

Téhéran, allié de Nicolas Maduro, a averti ces derniers jours qu'il y aurait des "conséquences" si les Etats-Unis, qui ont des navires militaires dans la région, empêchaient la livraison de ces produits pétroliers au Venezuela. L'amiral Craig Faller, qui dirige le commandement Sud des États-Unis dans les Caraïbes, a déclaré que Washington suivait "avec inquiétude" les actions de l'Iran concernant le Venezuela, sans s'exprimer spécifiquement sur les pétroliers iraniens.

Au centre de ces escarmouches verbales, le Venezuela "se retrouve mêlé" à un "problème géopolitique", souligne M. Toro Hardy. De fait, le gouvernement de Nicolas Maduro est résolument aux côtés de la République islamique contre l'"Empire" américain qu'il vitupère sans cesse. M. Maduro a ainsi été l'un des premiers à condamner l'attaque américaine dans laquelle est mort le général iranien Qassem Soleimani en janvier à Bagdad.

Nouvelles sanctions

Le Venezuela et l'Iran sont sous le coup de sanctions économiques américaines qui frappent leurs industries pétrolières respectives. L'envoi des navires iraniens au Venezuela pourrait leur valoir "davantage de sanctions", prévient Giovanna de Michelle, experte en relations internationales.

Aux yeux des États-Unis, poursuit-elle, le Venezuela est un "État en cavale". L'administration Trump affirme que Nicolas Maduro accueille des cellules du Hezbollah libanais, allié de l'Iran et considéré comme terroriste par Washington. Selon elle, le ministre du Pétrole vénézuélien Tareck El Aissami entretient des liens étroits avec le mouvement chiite, ce que Caracas dément.

L'embargo américain sur le pétrole vénézuélien frappe déjà de plein fouet un secteur en déliquescence. Le Venezuela ne produit plus que 620 000 barils par jour contre trois millions il y a dix ans, selon l'OPEP.

Quel impact sur la pénurie d'essence ?

Les carburants iraniens vont donner "un peu d'air" à Nicolas Maduro "pendant un mois", mais ils ne vont pas "régler la très grave" pénurie, souligne l'analyste Luis Oliveros. Avant le confinement décrété mi-mars en raison de la pandémie de coronavirus, le Venezuela consommait entre 70 000 et 80 000 barils par jour, note M. Toro Hardy.

Actuellement, l'offre est à un cinquième de ce volume, selon Luis Oliveros. Le Venezuela est donc pris dans un cercle vicieux. Ses caisses étant vides à cause de l'effondrement de sa production de brut, il n'a plus de quoi importer de carburant. Et sans carburant, l'activité économique marque le pas.

Que gagne l'Iran ?

Si Téhéran parvient à pérenniser ses livraisons de carburants au Venezuela, il aura de nouveaux débouchés pour ses produits pétroliers, sanctionnés par les États-Unis, explique Giovanna de Michelle.

Mais la question demeure: comment Caracas, dont les caisses sont vides, fait-il pour payer Téhéran ? Le gouvernement vénézuélien n'a rien dit à ce sujet. Le chef de file de l'opposition Juan Guaido accuse, lui, Nicolas Maduro d'acheter l'essence iranienne avec l'or extrait illégalement dans les zones minières du sud du Venezuela. Des accusations que soutient Washington.

« Perturbation » pour Trump

L'envoi des navires iraniens crée une "perturbation" pour Donald Trump qui a besoin du vote des Américains d'origine cubaine et vénézuélienne de Floride, majoritairement anti-Maduro, pour se faire réélire en novembre, souligne Giovanna de Michelle.

Elle ne croit toutefois pas à une escalade armée. En pleine crise du coronavirus et à moins de six mois des élections, "c'est le moment le moins opportun pour que Washington ouvre un nouveau front", conclut-elle.

Commentaires

Denis Gourgouillon

La honte du chavisme et de l'incurie des dirigeants dont Maduro (adoré oar Mélenchon!) Le Vénézuela une des premiers pays pour les réserves pétrolières obligé de faire venir de l'essence pour ses besoins de l'Iran. Incapable de pomper le pétrole de son sous-sol, in capable de satisfaire les besoins de sa population. Merci le socialisme vénézuelien

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