Plus d'eau dans les canalisations, cultures à sec: le gouvernement rattrapé par une sécheresse historique

  • AFP
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Plus d'eau dans les canalisations dans une centaine de communes en France, des récoltes détruites faute d'arrosage, une biodiversité en danger: interpellé sur tous les fronts de cette sécheresse historique, le gouvernement ne cache plus sa préoccupation.

Sur le plateau de Valensole, où les ministres de la Transition écologique et de l'Agriculture se sont rendus vendredi, la lavande qui fait sa réputation a été ramassée, mais de gros embobineurs de tuyaux d'arrosages sont disposés régulièrement sur les bords des champs.

Thomas Raso, jeune maraîcher à Lagrand, dans les Hautes-Alpes, est venu au devant du ministre avec un plateau de tomates "au cul noir", une maladie liée à des problèmes hydriques, pour l'alerter sur les conséquences de la sécheresse dans sa profession.

"Avant on savait résister à une ou deux années de sécheresse, plus maintenant", pointe le jeune maraîcher.

"Les retenues collinaires ne serviront pas, ce ne sont pas elles qui vont faire pleuvoir", souligne Yannick Becker, propriétaire d'un élevage équin et maraîcher, porte-parole de la Confédération paysanne PACA.

Face à eux, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu plaide pour "la nécessité d'accélérer les transitions".

Son homologue de l'Agriculture, Marc Fesneau, note: "Il y a des systèmes de culture qui sont plus résilients compte tenu du changement climatique, mais faire croire qu'il n'y aura pas besoin d'eau, ce serait une erreur assez tragique".

"Imaginez la situation dans laquelle nous serions aujourd'hui dans cette région s'il n'y avait pas un certain nombre de systèmes de retenues d'eau créés il y a 40, 50 ou 60 ans", a-t-il relevé, avant de visiter justement un barrage à Sainte-Croix du Verdon.

"Si nous n'avions pas des ouvrages aujourd'hui comme dans cette région, nous aurions sans doute des problèmes majeurs et pas seulement d'irrigation", a souligné M. Fesneau insistant sur les "fonctions multi-usage" du barrage qui produit à la fois de l'énergie (ici la consommation annuelle d'une ville de plus de 51.000 habitants), sert aussi à l'irrigation agricole et alimente l'eau potable.

Mais cette année, le niveau du lac d'un bleu éclatant sur lequel naviguaient quelques voiliers sous un soleil de plomb, est à 5 mètres au dessous de sa côte estivale.

Sur ce site, EDF a diminué de 60 % sa production électrique sur ce barrage, a souligné son collègue de l'Environnement qui a plaidé pour une "diminution des usages" de l'eau: "Le risque ce serait qu'on se dise : +ce n'est pas grave+, pour continuer comme avant et ne pas réinterroger nos pratiques, on n'a qu'à trouver des méthodes alternatives pour ne pas manquer d'eau. Et ça c'est mentir aux gens", a-t-il déclaré.

- Plus d'eau au robinet -

Outre l'agriculture, c'est d'abord l'usage le plus essentiel qui inquiète le gouvernement: l'eau potable.

Dans plus d'une centaine de petites communes en France aujourd'hui, les canalisations sont vides a indiqué Christophe Béchu. C'est notamment le cas à Castellane, Le Fugeret, Le Castellet et Annot dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ces communes sont approvisionnées par des camions d'eau potable, mais "tout l'enjeu c'est de durcir un certain nombre de restrictions pour éviter d'en arriver là".

La journée marque un tournant dans la prise en compte de ce phénomène climatique intense, avec les déclarations empreintes de gravité de la Première ministre vendredi matin.

Elisabeth Borne s'est inquiétée que cette sécheresse - "la plus grave jamais enregistrée dans notre pays" - perdure, voire devienne "plus préoccupante encore".

Elle a activé, pour mieux coordonner l'action des autorités publiques, la cellule interministérielle de crise. Il s'agit de "réunions techniques" qui ont débuté vendredi en fin de matinée, sans décision attendue dans la foulée.

La crise couve depuis des mois dans certaines régions où les arrêtés sécheresse se sont multipliés depuis le printemps, faute de pluie.

93 départements en France métropolitaine sur 96 font déjà l'objet de restrictions d'eau à différents degrés et 66, soit environ les deux-tiers du pays, sont "en crise".

- Partage de l'eau -

Juillet 2022 a été le deuxième mois le plus sec jamais enregistré en France, après mars 1961, avec un déficit de précipitations d'environ 84% par rapport aux normales de la période 1991-2020.

Vendredi, des pannes d'électricité liées à la chaleur ont affecté une partie de la ville de Lyon et certaines agglomérations voisines.

"On est sur un événement majeur, qui se compare sans difficulté à 1976 ou 2003", commentait Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo-France. Avec en outre une "situation de sécheresse record pour l'humidité des sols depuis le 17 juillet au niveau national".

Conséquence: avec plus de 47.000 hectares brûlés depuis le début de l'année, la France a connu en juillet un record de surfaces incendiées, selon le Système européen d'information sur les feux de forêt (EFFIS).

Des secteurs essentiels sont également durement touchés, comme l'agriculture, que ce soit le maïs destiné à l'alimentation animale, très gourmand en eau, ou le manque de pâturage pour le bétail.

La question du partage des usages de l'eau agite la classe politique. La députée LFI Mathilde Panot a revendiqué sur Twitter un droit à l'eau "inscrit dans la Constitution".

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