Prix de l'énergie : les États membres envisagent de mieux réguler le marché de détail

  • AFP
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Plus qu'un big-bang du marché de gros de l'électricité, prôné par Paris mais refusé par de nombreux États, les Européens se sont accordés samedi pour envisager une meilleure régulation du marché de détail de l'énergie afin de protéger les consommateurs de la volatilité des prix.

Réunis depuis vendredi à Amiens (nord de la France), les ministres de l'Énergie de l'UE ont discuté des façons de contrer l'actuelle flambée des prix du gaz et de l'électricité, qui a obligé les gouvernements à de coûteuses interventions cet hiver pour limiter l'impact sur les ménages et entreprises.

Paris, qui occupe actuellement la présidence tournante de l'UE, pousse depuis octobre pour une réforme structurelle du marché européen de l'électricité, où les prix de gros reflètent ceux de la dernière centrale dont on a besoin pour équilibrer le réseau - souvent une centrale à gaz. D'où l'envolée des prix de l'électricité, tirés par la flambée des cours du gaz. Un mécanisme "obsolète" selon le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, qui voudrait que les consommateurs français bénéficient plus directement des coûts bas de la production nucléaire, et qui appelle à "décorréler" complètement le coût de l'électricité en France et celui des centrales à gaz ailleurs en Europe.

« Rassurer le marché »

À Amiens, plusieurs États ont réaffirmé leur farouche opposition : "Ce marché commun de l'électricité, on a mis 30 ans à le construire, il a des raisons de fonctionner ainsi", a réagi le ministre luxembourgeois Claude Turmes, renvoyant au passage la France aux difficultés de ses centrales nucléaires cet hiver. Pour lui, le problème est ailleurs : "Les prix du gaz sont complètement fous, donc la première chose à faire est de rassurer le marché du gaz, d'apaiser la nervosité". Il prône la nécessité d'un meilleur remplissage des réserves de gaz pour l'hiver dans des pays comme l'Allemagne où ils sont actuellement très bas, ce qui les fragilise face aux défaillances de l'offre russe et aux soubresauts des cours suite aux tensions géopolitiques sur l'Ukraine.

Le Luxembourg se prépare d'ailleurs à piloter des discussions à quelques États (Luxembourg, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Autriche), pour généraliser l'exigence d'un niveau minimal de réserves de gaz, comme cela existe déjà en France. Il propose aussi d'établir des contrats d'approvisionnement à long terme avec des pays producteurs jugés fiables (Norvège, Canada...).

La Pologne accueillerait favorablement "des solutions à plus long terme, avec de plus grandes réserves de gaz qui permettraient d'amortir les chocs" et les tensions dus à "l'instrumentalisation par la Russie" de ses approvisionnements, a indiqué à l'AFP son secrétaire d'Etat Adam Guibourgé-Czetwertynski.

« Immenses services »

Samedi, en conclusion de la réunion, la ministre française de la Transition écologique Barbara Pompili a finalement appelé à "ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain", c'est-à-dire à ne pas remettre en cause l'architecture globale du marché, dont les interconnexions garantissent notamment l'approvisionnement de tous les pays. "Il y a eu un consensus (des ministres) sur le fait qu'un marché intégré rend d'immenses services", mais "il y a aussi une majorité d'États qui considèrent qu'il faut le faire évoluer, en particulier sur le marché de détail", a-t-elle ajouté. Elle-même avait réclamé des "ajustements" dans la vente d'électricité aux consommateurs pour "mieux refléter" dans les tarifs la montée en puissance des renouvelables ou du nucléaire.

Plusieurs "pistes", également étudiées par la Commission européenne, seront explorées par les Vingt-Sept dans les prochains mois : garantir l'accès à des contrats à prix fixes sur une plus longue durée, protéger contre les défaillances de fournisseurs, des règles durcies sur le stockage du gaz...

Les États ne rentreront dans le dur des discussions qu'après la publication, en avril, d'un rapport de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) sur les défaillances du marché, a prévenu Mme Pompili. "Nous sommes en train d'analyser si le système peut être amélioré et comment", a simplement commenté à ses côtés la commissaire à l'Énergie, Kadri Simson. Pour autant, la "boîte à outils" dévoilée par Bruxelles à l'automne pour permettre aux États de répondre de manière conjoncturelle à la crise avec des aides et abattements fiscaux, demeure "la référence" et permet des interventions publiques "sans distorsion de concurrence ou du marché intérieur", a-t-elle prévenu."

Commentaires

Guillaume

Nul. Pour Madame Pompili et Bruxelles, les distorsions de concurrence du marché de l'énergie n'existent pas et leur imaginaire se réduit à une "boîte à outils" d'aides fiscales ponctuelles. Aucune vision.
Le prix de l'énergie devrait être corrélé à son coût de production global et pas à celui de la "dernière centrale appelée", qui pénalise tous les consommateurs. Et la production devrait redevenir un service public décorrélé des marchés.

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