Quand l'inflation menace les énergies renouvelables...

  • AFP
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La flambée des prix, à commencer par celle de métaux stratégiques, est telle qu'elle pourrait bien gêner l'essor des énergies renouvelables, jusqu'ici portées par des gains de compétitivité exponentiels, alertent des experts, qui appellent à réagir.

Plombé par le renchérissement du fret et de matières premières vitales, le coût d'investissement pour construire de nouvelles capacités solaires et éoliennes terrestres a crû de 15 à 25% entre 2020 et 2022, soldant une décennie de baisse, a calculé l'Agence internationale de l'énergie.

L'électricité d'origine renouvelable reste compétitive face aux autres énergies, ajoute l'AIE, mais le maintien attendu sur au moins 2022 et 2023 de coûts d'installation plus élevés qu'avant-Covid pourrait compliquer son accélération.

En un an, le prix du cobalt a plus que doublé, quand, de janvier 2021 à mars 2022, le nickel gagnait 94%, l'aluminium 76%, le cuivre 34%... Le lithium a même crû de 738% sur cette période (contre +13% de moyenne annuelle ces dix dernières années).

Ainsi le prix des modules photovoltaïques, divisé par quatre en cinq ans, a-t-il augmenté de 16% l'an dernier. Le coût de l'éolien a pris 9%: l'offshore en particulier subit le surcoût des métaux rares et du cuivre, qui affecte aussi câblages et raccordements. Quant aux batteries lithium-ion des voitures électriques, la part des alliages de cathodes est passée de 3% du coût total en 2015 à plus de 20%, note l'AIE...

"Le lithium s'est envolé car la demande a doublé en 2021 et l'offre n'a pu suivre. C'est un petit marché, et une moindre hausse de la demande fait bouger massivement les prix", explique à l'AFP Tae-Yoon Kim, analyste pour l'AIE.

Résultat, "les minerais critiques menacent une baisse des coûts qui durait depuis au moins 10 ans dans les technologies renouvelables", souligne M. Kim, avec "des conséquences majeures sur les besoins de financement de la transition énergétique dans le monde".

"Trou d'air"

En France, la filière sonne l'alarme. Dans le solaire, des projets équivalant au total à 2,1 GW de production électrique, soit l'essentiel, qui théoriquement étaient prêts pour 2022, sont stoppés en raison de surcoûts (métaux, transports, acier, taux d'intérêt et même flambée des marges des agrégateurs commercialisant le courant), a recensé le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Le constat vaut dans l'éolien, la petite hydroélectricité et même le biogaz.

En cause, des contrats signés avant le boom des coûts, contractualisant un prix de l'électricité à des niveaux ne couvrant plus les frais. Et pas question de se rattraper sur la hausse des prix de marché, puisque l'exploitant doit restituer à l'Etat la différence avec celui acté dans son contrat.

Alors que la France attend 3 GW de solaire additionnels par an, "on risque un trou d'air en perdant ces projets", dit Alexandre Roesch, délégué général du SER, qui demande une indexation, avec un prix garanti plus élevé, par exemple 70 euros/MWh, ce qui resterait bien inférieur aux prix actuels du marché à 150 ou 200 euros.

"Cela restera de toute façon profitable à la collectivité", dit-il.

Les énergies renouvelables restent compétitives, a fortiori en pleine flambée des énergies fossiles et face aux "prix moyens observés ces six derniers mois sur les marchés de gros de l'électricité", souligne aussi l'AIE.

Elle appelle cependant Etats et industriels à "agir sérieusement" pour "diversifier leur approvisionnement en matières premières", impératif mis en lumière par la crise avec la Russie -- 2e producteur mondial d'aluminium, de cobalt, de platine...

"Il existe encore des marges pour réduire les coûts", dit M. Kim: "d'abord, investir dans de nouveaux projets miniers. Les prix se stabiliseront seulement quand une offre nouvelle sera disponible".

L'AIE préconise une mise à jour des connaissances géologiques, notamment dans les pays en développement. "Et il y a de la marge pour développer des projets aux Etats-Unis, Canada, Amérique latine...": à partir de 2023, de nouveaux sites doivent commencer à produire du cobalt en République démocratique du Congo, du nickel en Indonésie et au Canada, du lithium en Australie, du cuivre en Amérique latine...

"Mais il en faudra plus", note l'expert, qui ajoute que les industriels devront aussi innover pour réduire fortement leurs besoins en métaux.

Commentaires

Serge Rochain

Mais où mène l'ignorence ? A lister les métaux dont le prix est en augmentation et qui entrent dans la composition des batteries et en conclure que l'effet est d'augmenter le prix de revient des PPV et des éoliennes !
On a affaire à des fous ou des incultes ?

APO

L'inflation finira par rendre le prix du kW.h de Flamanville acceptable !!! (sans compter le Gaz Russe)

Les années qui viennent s'annoncent compliquées en bien des domaines, les suivantes encore pire quand le pic pétrolier (et son plateau actuel) sera passé et que l'approvisionnement pétrolier sera réellement en décroissance...

Pierrick SAIL

Propos ridiculement pessimistes et non fondés, d'abord parce qu'il oublie que les 2 premières énergies renouvelables en France sont la biomasse et l'hydraulique et pas l'éolien et le solaire.
Par ailleurs, dans un produit manufacturé complexe, la matière première et l'énergie représente une part marginale du coût final et le double de pas grand chose reste pas grand chose.
Pour info. : avec l'envolée des prix, les énergies renouvelables deviennent tellement rentables que l'éolien verse à l'état la différence entre le prix maxi contractualisé et le prix du marché actuel et ça rapporte tellement à l'état qu'à cette allure, en 2024 l'état aura récupéré l'ensemble de toutes les aides versées.

APO

@Pierrick,
Vous avez raison sur le classement des premières énergies renouvelables françaises. Toutefois, l'hydraulique risque de souffrir de la sécheresse en France et du manque d'eau, donc possiblement une production moindre sur l'année par rapport à la moyenne... Par ailleurs, et vu les augmentations du prix des Fossiles, la demande de Bois-buche est en forte hausse et les prix ont augmenté aussi (dans certaines parties de la province en tout cas).

Les éoliennes n'ont que la nacelle et le générateur s'y trouvant qui est un produit manufacturé complexe, le reste c'est du lourd assez basique et assez dépendant du cout des matières premières : un mat (ou le prix de l'acier est réellement impactant), une base en béton armé (le ciment est très contraint par le prix des Fossiles, les agrégats un peu moins mais quand même surtout du fait du transport et encore des aciers très basiques...). A rajouter une sacrée logistique de transport et de levage ou le cout du gasoil peut avoisiner le quart du cout donc un impact notable du prix des carburants...
Si les prix d'un projet datent de 2020, pour une réalisation en ce moment, bien des prix ont du fortement augmenté et les promoteurs ne peuvent pas avoir des prix garantis et fixes auprès de tous leurs fournisseurs...

Par ailleurs, le cout du Capital, mentionné dans l'article, risque d'augmenter notablement et donc de rendre les projets nettement plus chers à financer...
Il est certain que le déploiement des ENRi va continuer, mais plus au niveau de prix de 2019-2020, comme mentionné dans l'article, et la période de chute des couts/prix en tendance risque d'être interrompue. Ce n'est ni une bonne, ni une mauvaise nouvelle pour les ENRi tant les autres énergies sont plus chères aujourd'hui et risque (comme pour le Gaz) d'avoir des contraintes de volume à court/moyen terme !

@Pierrick, Ou avez-vous vu les projections d'équilibre entre les subventions des 20 dernières et le reversement de la différence prix de marché/prix d'achat fixe pour 2024 !?
Lors des derniers épisodes bien venteux et donc de grosses productions éoliennes, les prix de marché ont régulièrement chuté à des niveaux bas.

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