Réveil douloureux à Fessenheim après l'arrêt définitif du réacteur n°1 de la centrale

  • AFP
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L'arrêt du premier des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim, dans la nuit de vendredi à samedi, est une victoire pour les anti-nucléaire mais une hérésie pour les salariés et les habitants de la petite commune haut-rhinoise, qui ne comprennent pas cette décision.

Opposés à la fermeture de ce premier réacteur, avant l'arrêt du second le 30 juin, certains salariés menaçaient de désobéir et de ne pas appliquer les procédures permettant son arrêt et le découplage du réseau électrique national. Mais tout s'est finalement déroulé sans anicroches. "Le réacteur a été débranché vers 02h00 du matin et il faut saluer le travail remarquable des équipes, ça a été un moment très fort en émotion dans la salle de commande", a-t-on précisé du côté d'EDF. "La procédure s'est déroulée sans aucun problème".

Ce processus s'apparentait à un arrêt de maintenance, sauf que cette fois le réacteur ne sera pas relancé, au grand dam des salariés et des habitants de la région, très attachés à la centrale, qui générait près de 2 000 emplois directs, indirects et induits.

Ému, Jean-Luc Cardoso, un syndicaliste et salarié de longue date, a pris la parole au nom des salariés samedi matin lors d'une réunion publique avec les élus de la communauté de communes, devant la centrale. Il les a remerciés de leur soutien. "Nos collègues ont dû réaliser des actes pour lesquels on n'est pas programmé", a-t-il regretté. "Il va y avoir un trou d'air de 10 ans (avant l'ouverture du technocentre appelé à remplacer la centrale, ndlr), ça laisse pantois !".

« Vandalisme climatique »

Samedi matin, une quarantaine d'élus du conseil communautaire ont également posé avec leurs écharpes et des bonnets rouges lors d'une conférence de presse. Gérard Hug, son président, a expliqué qu'il s'agissait d'une façon de "se réapproprier un symbole d'une lutte qui a en un autre temps, à l'autre bout de la France, fait reculer le gouvernement". Une référence au mouvement des bonnets rouges en Bretagne, qui avaient fait reculer le gouvernement sur l'écotaxe.

Le maire de Fessenheim Claude Brender a une nouvelle fois dénoncé la fermeture à venir de la centrale. Il a réclamé que l'État n'abandonne pas ce territoire abreuvé depuis 40 ans par les taxes versées par EDF et il redoute le départ de centaines de familles dotées de revenus confortables : "Dès demain, on commencera à sentir les effets de la fermeture de la centrale, avec des départs de population".

Les élus seront suivis dans l'après-midi devant la centrale par des associations pro-nucléaire qui veulent "protester contre cet acte de vandalisme climatique et environnemental".

De leur côté, les anti-nucléaire sont satisfaits de cette première étape vers la fermeture de la centrale qu'ils espéraient depuis des années. À Colmar, à quelques dizaines de kilomètres de la centrale, les anti-nucléaire de l'association Stop Fessenheim ont accroché samedi matin une banderole sur la place devant la gare sur laquelle est écrit "Vive l'Alsace... sans nucléaire !".

"L'arrêt de cette centrale moribonde est un motif de célébration transfrontalière, mais pas un motif de triomphe", le combustible radioactif restant présent encore plusieurs années sur place, avait commenté l'association écologiste allemande Bund, qui s'oppose depuis des années à cette centrale, et encore plus depuis la catastrophe de Fukushima en 2011.

Des années de remous

La ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne a confirmé vendredi la volonté de l'Etat de créer à Fessenheim "un centre d'excellence du démantèlement nucléaire, s'appuyant sur un Technocentre pour le recyclage des matériaux métalliques".

"Les salariés d'EDF seront tous reclassés dans d'autres sites EDF", a encore promis Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire samedi matin sur France Info. "Environ 750 salariés sont concernés aujourd'hui. Ils auront tous une proposition de reclassement chez EDF. Certains ne vont pas souhaiter partir, pour des raisons familiales, ce que l'on peut tout à fait comprendre. Ils seront accompagnés pour retrouver un emploi dans le bassin d'emploi de Fessenheim, ou de Colmar, ou de Mulhouse. Environ 350 sous-traitants (sont concernés): eux sont accompagnés un par un, environ 160 entretiens ont déjà eu lieu. Une solution sera trouvée pour chacun d'entre eux."

L'opération d'arrêt du réacteur met un point final à des années de remous, de débats et de reports sur le sort de la centrale alsacienne, mise en service en 1977, à la frontière avec l'Allemagne, non loin de la Suisse.

L'évacuation du combustible de la centrale sera, selon le calendrier prévu, achevée en 2023. Ensuite doit se poursuivre la phase de préparation au démantèlement, processus inédit en France à l'échelle d'une centrale entière qui devrait commencer à l'horizon 2025 et se poursuivre au moins jusqu'en 2040.

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