Suspension du fioul à Gaza: Israël accentue la pression sur le Hamas

  • AFP
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En suspendant la livraison de fioul à Gaza après un nouvel accès de violence dont il accuse le Hamas, Israël remet en cause une mesure qui était censée soulager les maux du territoire palestinien et atténuer des mois de tensions.

L'accord sur la livraison de fioul, obtenu par l'ONU et soutenu par les États-Unis, avait vu la livraison cette semaine de milliers de litres de fioul payé par le Qatar dans l'enclave palestinienne contrôlée par le mouvement islamiste Hamas.

Mais le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a annoncé vendredi soir l'arrêt "immédiat" de ces livraisons, vitales pour la production d'électricité dans cette enclave sous blocus, après des affrontements qui ont coûté la vie à sept Palestiniens dans la bande de Gaza le long de la frontière avec Israël.

L'accord sur le fioul a été conclu sans l'aval de l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas, une première pour Gaza selon des diplomates. Il a soulevé à cet égard des interrogations quant à une éventuelle marginalisation de M. Abbas, interlocuteur obligé de la communauté internationale pendant des années.

"Vendredi, quatre camions citerne venant d'Israël ont livré du fioul et après cela, des émeutes se sont produites. Il y a eu une grave tentative de forcer la frontière (israélienne) et d'attaquer des soldats", a dit le bureau de M. Lieberman dans un communiqué.

Au moins six camions transitant par Israël ont livré depuis mardi des centaines de milliers de litres de carburant destinés à la seule centrale électrique du territoire coincé entre l'Etat hébreu, l'Egypte et la Méditerranée. Leur nombre devait à terme atteindre quinze par jour.

Rupture avec l'émissaire onusien

L'objectif était de booster la production de la centrale et fournir aux Gazaouis plus que les quatre heures de courant qu'ils reçoivent chaque jour tout en dissipant les tensions faisant craindre une quatrième guerre entre Israël et le Hamas.

Dans le cadre de cet accord pour la livraison du fioul, le Qatar, soutien de longue date du Hamas, paie le carburant (60 millions de dollars pour six mois), l'ONU joue les intercesseurs et Israël devait laisser passer les citernes. Si les États-Unis ont salué cet arrangement, l'Autorité palestinienne l'a dénoncé.

Cette instance, préfiguration d'un Éat découlant des Accords d'Oslo signés il y a 25 ans, reste officiellement l'adresse reconnue, y compris quand il s'agit de Gaza, alors que le Hamas est considéré comme un groupe "terroriste" par Israël, les États-Unis ou l'Union européenne. En fait, l'Autorité ne gouverne plus que sur des fragments de Cisjordanie. Le Hamas l'avait évincée de Gaza par la force en 2007.

Et elle craint aujourd'hui que l'administration Trump et d'autres ne cherchent à la court-circuiter, à éloigner davantage Gaza de la Cisjordanie et à assombrir encore les perspectives de création d'un État palestinien.

Mais, selon des officiels étrangers s'exprimant sous couvert de l'anonymat, l'Autorité n'a pas fait grand-chose pour Gaza depuis dix ans. Au contraire, le président Abbas a pris de sévères sanctions financières pour forcer le Hamas à laisser l'Autorité reprendre pied à Gaza. "On pourrait finir par devoir choisir entre travailler avec l'Autorité et soulager Gaza d'un point de vue humanitaire", dit un diplomate occidental.

Au-delà de la seule question humanitaire, M. Abbas s'alarme des efforts déployés par l'ONU et l'Egypte pour instaurer une trêve durable entre Israël et le Hamas. Il s'inquiète d'une forme de reconnaissance du contrôle du Hamas sur Gaza.

Un haut responsable de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont émane l'Autorité, a indiqué jeudi que les Palestiniens ne voulaient plus avoir affaire à l'envoyé de l'ONU, Nickolay Mladenov, en raison de son intercession entre Israël et le Hamas.

« Paranoïa »

Dans une récente et rare interview, le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar, a exhorté la communauté internationale à admettre que le mouvement était incontournable et à traiter avec lui.

Ramallah, où siège l'Autorité, "est en proie à une paranoïa profonde", croyant à "un vaste complot entre Israël, les États-Unis et l'ONU pour créer un mini-État à Gaza et mettre Abbas sur la touche", dit Hugh Lovatt, expert au think-tank European Council of Foreign Relations.

Le président américain Trump a indiqué en septembre qu'un plan de paix américain pourrait être présenté dans "deux, trois ou quatre mois". Or le président Abbas boycotte l'administration américaine depuis la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d'Israël.

Pour Nour Odeh, expert basé en Cisjordanie, "les Américains veulent diviser les Territoires palestiniens, les traiter séparément les uns des autres à l'aide d'initiatives économiques, sans se préoccuper du problème de fond: l'occupation israélienne".

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