Sylvie Jéhanno, une énergie féminine à la tête de Dalkia pour changer l'industrie

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"Donner envie": Sylvie Jéhanno, patronne hyperactive d'une filiale de l'électricicien EDF, veut montrer l'exemple et inciter les jeunes femmes à se tourner vers le secteur de l'énergie, encore largement dominé par les hommes, comme beaucoup de secteurs industriels.

A 48 ans, elle est aujourd'hui présidente-directrice générale (PDG) de Dalkia, une entreprise dédiée aux services énergétiques qui compte près de 13 000 salariés. Un profil rare dans un monde encore très masculin malgré de grandes patronnes médiatiques, Anne Lauvergeon anciennement chez Areva et aujourd'hui Isabelle Kocher chez Engie.

"Il y a quelques femmes heureusement qui ont réussi et qui nous tirent, qui nous donnent une représentation de ce que peut être une femme manager, une grande écrivaine, une grande cuisinière ... mais au fond il n'y en a pas autant que ça et les jeunes filles se brident un peu dans leur tête", regrette Sylvie Jéhanno, dans un entretien à l'AFP.

Elle-même a échappé aux statistiques: au lycée, élève forte en physique et mathématiques, elle choisit une seconde scientifique et technologique, passant même un CAP de dessin industriel. Elles sont seulement deux jeunes filles dans sa classe. "Je faisais du théâtre, de la musique... d'emblée on ne me voyait pas forcément mettre un bleu de travail", s'amuse-t-elle encore.

Encouragée par ses professeurs, elle intègre une classe préparatoire à Reims et finit diplômée de l'Ecole Polytechnique et de l'Ecole des Mines de Paris, la voie royale en France pour exercer les plus hautes fonctions dans son secteur.

Un parcours qui l'aide à s'affirmer parce que "parfois en tant que femme, on a ce sujet d'autocensure, on a un peu de justification à apporter sur la compétence". Mais elle dit se sentir à l'aise dans ce monde d'hommes où elle n'a jamais subi de comportement déplacé. "Parfois j'arrive dans des assemblées très masculines... je le remarque et en même temps ça m'est facile", raconte-t-elle.

Au cours de sa carrière, cette hyperactive, fan de yoga et de course à pied, s'occupe chez EDF de l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie ou encore de numérisation. Devenue patronne d'une grosse filiale, elle se heurte à la réalité du secteur: Dalkia ne compte que 16% de femmes, encore moins parmi les techniciens.

« Gouttes d'eau »

"Aujourd'hui il y a très peu de femmes chez Dalkia parce qu'on en a peu trouvé sur le marché du travail", regrette-t-elle. Et de citer les statistiques: 1% de femmes pour certains diplômes de CAP, moins de 10% dans les BEP et bacs professionnels, et pas plus de 30% de femmes dans les écoles d'ingénieurs.

Elle est à l'initiative d'un prix, "Women Energy in Transition", lancé pour la première fois cette année pour encourager les talents féminins. Avec un argument pour les attirer: les sciences favorisent l'ascenseur social - "pour faire des maths, il n'y a pas besoin d'avoir des quantités de livres de la Pléiade ou de musées autour de soi".

"Je pense qu'on va pouvoir avec des petites gouttes d'eau accompagner des parcours féminins sur ces métiers-là et donner envie", espère-t-elle, un franc sourire aux lèvres. Dans son entreprise, elle croit aussi au volontarisme pour faire changer les choses, nomme des femmes à son comité de direction et fixe des objectifs de féminisation à ses cadres. Sa règle du jeu: "quand un poste se libère, est-ce que je pourrais nommer une femme manager, experte? Est-ce que j'ai les profils dans l'entreprise?".

Mère de deux grands enfants, elle veut aussi montrer à ses collègues que l'on peut arriver à faire carrière en ayant une vie de famille, une équation pourtant difficile quand les journées de travail commencent avant 08h00. Elle anime ainsi dans son entreprise des réunions réservées aux femmes, où il est notamment question de maternité, "un moment pas facile à gérer qui crée plein de questionnements personnels". "J'aime aussi parler de choses un peu plus personnelles... parce que finalement j'ai vécu ces interrogations, cet équilibre vie privée/personnelle à gérer", confie-t-elle.

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