Ukraine: Moscou emploie une arme hypersonique, Zelensky appelle à parler sérieusement de paix

  • AFP
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La Russie a intensifié son offensive en Ukraine samedi, annonçant l'emploi, pour la première fois, d'un missile hypersonique tandis que le président ukrainien Volodymyr Zelensky jugeait qu'il était temps pour Moscou d'accepter de "discuter" sérieusement de paix.

Le ministère russe de la Défense a assuré avoir utilisé la veille des missiles hypersoniques "Kinjal" pour détruire un entrepôt souterrain d'armements dans l'ouest de l'Ukraine, une première selon l'agence d'Etat Ria Novosti.

Ce type de missiles, très manoeuvrable, défie tous les système de défense anti-aérienne, selon Moscou.

La Russie n'avait jusque-là jamais fait état de l'emploi de ce missile balistique dans les deux conflits où elle est belligérante, l'Ukraine et la Syrie. Il a été déployé de nombreuses fois en exercices depuis le premier test réussi en 2018.

Le porte-parole des forces aériennes ukrainiennes, Iouri Ignat, a confirmé à l'AFP que "l'ennemi a effectué des frappes contre nos dépôts (...) Il y a eu des dommages, des destructions, des détonations de munitions".

"Malheureusement, l'Ukraine est devenue un terrain d'essai pour tout l'arsenal russe de missiles", a-t-il ajouté au site d'informations Ukraïnska Pravda.

Le président Zelensky a pour sa part estimé que "des négociations portant sur la paix et la sécurité pour l'Ukraine sont la seule chance pour la Russie de minimiser les dégâts causés par ses propres erreurs".

"Il est temps de nous réunir. Il est temps de discuter. Il est temps de restaurer l'intégrité territoriale et la justice pour l'Ukraine", a plaidé le chef d'Etat dans une vidéo publiée sur Facebook, filmée de nuit dans une rue déserte.

"Autrement, a-t-il prévenu, les pertes pour la Russie seront telles qu'il faudra plusieurs générations pour qu'elle s'en remette".

Plusieurs rounds de tractations entre Kiev et Moscou se sont déroulés en présentiel et par visioconférence depuis l'invasion russe de l'Ukraine lancée le 24 février. Le quatrième s'est ouvert lundi au niveau de délégations négociant à distance.

Le chef de la délégation russe a évoqué vendredi soir un "rapprochement" des positions sur la question d'un statut neutre de l'Ukraine --à l'instar de la Suède et de l'Autriche-- et des progrès concernant la démilitarisation du pays.

Mais un membre de la délégation ukrainienne, le conseiller de la présidence Mikhaïlo Podoliak, a indiqué que les "déclarations de la partie russe ne sont que leurs demandes de départ".

"Notre position n'a pas changé: cessez-le-feu, retrait des troupes (russes) et garanties de sécurité fortes avec des formules concrètes", a-t-il tweeté.

Pour la cheffe de la diplomatie britannique, Liz Truss, ces pourparlers ne sont qu'un "écran de fumée" utilisé par le Kremlin avant une nouvelle offensive.

Dans une interview au Times, elle a dit être "très sceptique" sur les négociations, estimant que la Russie s'en servait comme une diversion pour "regrouper" ses forces.

- "C'est l'enfer" -

Sur le terrain, une caserne ukrainienne a été totalement dévastée par une frappe à Mykolaïv, dans le sud du pays.

Le site qui se trouve dans le nord de cette ville a été complètement dévasté après avoir été frappé par six roquettes vendredi.

Les Russes "ont lâchement effectué des frappes de missiles contre des soldats qui dormaient. Une opération de secours se poursuit toujours", a déclaré samedi le gouverneur régional de Mykolaïv Vitaly Kim dans une vidéo publiée sur Facebook.

Un militaire sur place, Evguéniï, a assuré à des journalistes de l'AFP que quelque 200 jeunes soldats étaient cantonnés dans cette caserne. Des dizaines ont été tués, a affirmé un autre, sans donner son nom.

Par ailleurs le porte-parole de l'administration régionale de Zaporojie (Ouest de Kiev), Ivan Arefiev, a indiqué qu'un bombardement vendredi avait fait neuf morts et 17 blessés.

Kiev a admis avoir "temporairement" perdu accès à la mer d'Azov, même si la Russie de facto contrôlait l'ensemble de la côte depuis début mars et l'encerclement de la ville portuaire stratégique de Marioupol.

L'armée russe a affirmé vendredi avoir réussi à y pénétrer et combattre en centre ville aux côtés de troupes de la "république" séparatiste de Donetsk.

Selon un conseiller du ministère ukrainien de l'Intérieur, Vadym Denysenko, cité par l'agence Interfax-Ukraine, la situation est "catastrophique" à Marioupol.

Les autorités ukrainiennes ont accusé l'aviation russe d'avoir "sciemment" bombardé mercredi le théâtre de Marioupol, ce que la Russie a démenti.

"Plus d'un millier" de personnes avaient trouvé refuge dans un abri antiaérien sous ce bâtiment, essentiellement des "femmes, enfants et personnes âgées", selon la mairie de ce port sur la mer d'Azov.

M. Zelensky a affirmé samedi que plus de 130 survivants avaient pu être extirpés des décombres.

"Certains souffrent malheureusement de blessures graves. Mais, à ce stade, nous ne disposons pas d'informations sur le nombre de décès" éventuels, a-t-il indiqué, précisant que "les opérations de secours se poursuivent".

Fuyant "l'enfer" de Marioupol, des familles ont raconté les cadavres gisant plusieurs jours dans les rues, la faim, la soif et le froid mordant des nuits passées dans des caves avec des températures inférieures à zéro.

"Ce n'est plus Marioupol, c'est l'enfer", dit Tamara Kavunenko, 58 ans. Les Russes "ont tiré tant de roquettes", ajoute-t-elle, "les rues sont jonchées de nombreux cadavres de civils".

Selon Volodymyr Zelensky, grâce aux couloirs humanitaires instaurés dans le pays, plus de 180.000 Ukrainiens ont pu s'éloigner des combats dont plus de 9.000 personnes de Marioupol.

"Mais les occupants continuent de bloquer l'aide humanitaire, tout particulièrement autour des zones sensibles. C'est une tactique très connue. (...) C'est un crime de guerre", a lancé M. Zelensky. La Russie "répondra de cela. A 100%", a-t-il insisté.

Depuis le 24 février, plus de 3,2 millions d'Ukrainiens ont pris les routes de l'exil, dont près des deux tiers vers la Pologne, parfois seulement une étape avant de continuer leur exode.

D'après un décompte au 18 mars du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme en Ukraine, au moins 816 civils ont été tués en Ukraine et plus de 1.333 blessés. Il a souligné que ce bilan était probablement très inférieur à la réalité.

- Urgence humanitaire -

Les besoins humanitaires se font "de plus en plus urgents", avec plus de 200.000 personnes privées d'eau dans la région de Donetsk et de "graves pénuries" de nourriture, d'eau et de médicaments, a déclaré vendredi Matthew Saltmarsh, porte-parole au Haut Commissariat aux réfugiés.

Les bombardements ont perduré vendredi à Kiev et à Kharkiv (nord-ouest), deuxième ville du pays où au moins 500 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre.

La capitale s'est vidée d'au moins la moitié de ses 3,5 millions habitants. Selon la mairie, 222 personnes --dont 60 civils-- y ont été tués.

Aucun bilan global n'a été fourni à ce stade. M. Zelensky a mentionné le 12 mars la mort d'"environ 1.300" militaires ukrainiens, tandis que Moscou a seulement rapporté près de 500 morts dans ses rangs le 2 mars.

Dans une tribune au quotidien Le Temps, le président suisse Ignazio Cassis a estimé que la guerre menée par la Russie en Ukraine est "mue par une folie dévastatrice" et que son pays est "prêt à assumer" le prix pour "défendre vaillamment et sans relâche la liberté et la démocratie".

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