Cours du pétrole : état des lieux en 3 questions

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Light tight oil

Forage sur la formation d’Eagle Ford dans le sud du Texas. (©Anadarko) 

Au mois d’août 2015, le prix du baril de Brent coté à Londres était en moyenne(1) de 46,5 $ contre plus de 100 $ un an plus tôt. Au cours d’un débat BIP Enerpresse qui s'est tenu ce matin à Paris(2), plusieurs acteurs de l’industrie pétrolière ont apporté leurs éclairages sur la baisse des cours du pétrole.

Une offre encore excédentaire aujourd’hui. Et demain ?

Les causes de la chute des cours du pétrole ont été maintes fois abordées : un surplus d'offre sur le marché principalement dû à la montée en puissance des « light tight oil » aux États-Unis (hydrocarbures non conventionnels comprenant le pétrole de schiste)(3) et une demande mondiale plus faible que prévu, notamment en Chine. Le surplus d’offre sur le marché mondial avoisinait encore près d’un million de barils par jour (mb/j) au 1er semestre 2015 et devrait atteindre 2 mb/j au 2e semestre selon Nathalie Alazard-Toux, directrice économie et veille chez IFP Energies nouvelles. Au mois d’août, le prix du baril de Brent a atteint son plus bas niveau depuis mars 2009.

Cours du baril de pétrole Brent

Évolution depuis 2008 du cours du baril de Brent coté à Londres (©Connaissance des Énergies)

Depuis mars/avril 2015, la production américaine de « light tight oil » qui a « relativement bien résisté jusqu’ici » plafonne selon Nathalie Alazard-Toux et devrait baisser dans les prochains mois. Toutefois, le coût de production du pétrole de schiste aux États-Unis, évalué en moyenne autour de 65 à 70$ avant la chute des cours, se situerait aujourd’hui « plutôt autour de 45/50 $ » selon Francis Duseux, président de l’UFIP.

L’OPEP qui a historiquement agi comme un « swing producer » en ajustant le niveau de sa production pour stabiliser les cours mondiaux, a refusé de jouer ce rôle en novembre 2014. Cette position est difficilement tenable à moyen terme selon Francis Duseux (plusieurs pays de l'OPEP souffrant de cette situation, en particulier le Venezuela). Ce dernier fait par ailleurs remarquer que la demande mondiale de pétrole continue de croître chaque année. Compte tenu des baisses des investissements en exploration des compagnies pétrolières (jusqu’à -30% pour certaines d’entre elles), les effets se feront sentir d’ici 4 à 5 ans. On pourrait alors assister à un retournement avec une situation d’offre insuffisante selon le président de l’UFIP.

L’Iran : quel excédent d’offre suite à la levée des sanctions et quel impact sur les cours ?

Suite à l’accord sur le nucléaire iranien de juillet 2015, les sanctions contre l’Iran (comprenant l’embargo pétrolier) devraient être levées courant 2016(4). Le niveau de production actuelle de l’Iran avoisine 2,8 mb/j selon Nathalie Alazard-Toux. Il devrait augmenter de 500 000 b/j dès la levée des sanctions et croître en l’espace de 9 mois à 1 an de 800 000 b/j selon des estimations prudentes (l’Iran envisage une hausse de 1 mb/j). Cet été, la Banque Mondiale avait estimé(5) dans un rapport que le retour de l’Iran sur le marché mondial serait susceptible de faire baisser les cours mondiaux de 10 dollars par baril en 2016.

Gérard Momplot, directeur général de GEP AFTP, rappelle qu'il ne faut toutefois pas sous-estimer la consommation intérieure de pétrole de l'Iran qui avoisine 2 mb/j en 2014 et qui devrait augmenter avec la reprise économique et donc limiter l’excédent d’offre de pétrole iranien sur les marchés mondiaux.

Le raffinage, grand gagnant de la chute des cours ?

Près de 40% des coûts de raffinage proviennent du combustible, c’est-à-dire du pétrole brut. Compte tenu de la division par 2 du prix du baril de brut, les raffineurs ont pu augmenter leur marges nettes à hauteur d’environ 20 euros par tonne (prix de raffinage de 50 €/t avec un point mort de 30 €/t). Francis Duseux juge cette marge « tout à fait normale », compte tenu de la complexité et des risques liés à cette activité.

Le secteur du raffinage en Europe reste néanmoins confronté à une situation de surcapacité (100 millions de tonnes de capacités en trop). Selon Francis Duseux, cela correspond environ à une vingtaine de raffineries en Europe qui devraient fermer dans les 5 à 10 ans à venir. Pour rappel, la France, qui compte aujourd’hui 8 raffineries en activité(6), a fermé 4 raffineries depuis 2010 et le site de La Mède de Total doit être reconverti pour produire des biocarburants.

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