Efficacité énergétique : l'AIE souligne l'urgence de relancer les investissements

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Investissements dans l'efficacité énergétique

Le directeur exécutif de l’AIE estime que les gouvernements n’ont « aucune excuse pour ne pas consacrer beaucoup plus de ressources » à l’efficacité énergétique.  (©Pixabay-James Wheeler)

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) alerte, dans un rapport publié le 3 décembre(1), sur l’impact de la crise du Covid-19 sur les investissements liés à l’efficacité énergétique.

L’intensité énergétique face à la crise du Covid-2019

L’intensité énergétique est un indicateur central utilisé par l’AIE dans ses rapports consacrés à l’efficacité énergétique. Il désigne, pour un pays donné, la quantité d’énergie consommée par rapport au produit intérieur brut (PIB). Le niveau d’intensité énergétique dépend entre autres de la structure de l’économie considérée (et notamment du poids des services et des industries intensives en énergie comme la sidérurgie), des politiques de maîtrise de la consommation mises en œuvre mais aussi de facteurs climatiques ou du niveau de vie de la population.

L’année 2020 est certes « atypique » pour utiliser cet indicateur, la crise du Covid-19 ayant eu un impact majeur « à la fois sur le numérateur et sur le dénominateur » : selon l’AIE, la consommation mondiale d’énergie primaire devrait chuter de 5,3% en 2020 par rapport à 2019 tandis que le PIB mondial pourrait baisser de 4,6%.

L’AIE souhaite toutefois mettre en exergue plusieurs constats :

  • en 2020, l’intensité énergétique mondiale devrait être réduite de « seulement 0,8%, le plus bas niveau de baisse depuis la crise économique de 2010 », alors qu’une baisse annuelle de 3% de l’intensité énergétique mondiale serait nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris selon l'AIE ;
     
  • les progrès d’efficacité énergétique (mesurés à l’aune de la baisse de l’intensité énergétique) sont « durablement impactés par les récessions ». La crise financière de 2008 avait par exemple limité les progrès d’efficacité énergétique constatés en 2009 et 2010. Face aux incertitudes économiques, les investissements en matière d’efficacité énergétique sont en effet fortement réduits : l’AIE s’attend ainsi à une chute de près de 9% de ces investissements en 2020 (par rapport au niveau de 2019), « ce qui implique que la faible baisse de l’intensité énergétique pourrait se poursuivre en 2021 ».

Baisse de l'intensité énergétique 
L’intensité énergétique est un indicateur censé mesurer le degré d’ « efficacité énergétique » de l’économie. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)

L’efficacité énergétique, une « machine à créer des emplois »

Comme lors de ses précédents rapports annuels, l’AIE juge que « de nombreuses opportunités restent inexploitées » pour améliorer l’efficacité énergétique et souligne que les investissements dédiés sont toujours déséquilibrés entre les différents secteurs (en majorité dans les bâtiments) et zones géographiques (l’Europe compterait pour 86% des financements annoncés en faveur de l’efficacité énergétique dans les plans publics de relance).

Selon l’Agence, la crise du Covid-19, qui a eu des impacts énergétiques majeurs dans les différents secteurs(2), doit constituer une opportunité pour conforter des changements de comportements(3) et stimuler les investissements. L’AIE a analysé, au niveau mondial, 66 milliards de dollars d’investissements dédiés à des mesures d’efficacité énergétique dans le cadre de différents plans de relance annoncés (à fin octobre 2020)(4). Ces investissements pourraient permettre de créer « l’équivalent de 1,8 million d’emplois à plein temps entre 2021 et 2023, dont près des deux tiers dans le secteur des bâtiments, 20% dans les transports et 16% dans l’industrie »(5) selon l’AIE. L’Agence souligne que ses recommandations exposées en juin 2020 dans son Sustainable Recovery Plan, pourraient permettre de créer près de 4 millions d’emplois supplémentaires.

Ainsi, l'efficacité énergétique « devrait être tout en haut de la liste des choses à faire pour les gouvernements à la recherche d'une reprise durable : c'est une machine à créer des emplois, elle stimule l'activité économique, elle permet aux consommateurs d’économiser de l’argent, modernise des infrastructures vitales et réduit les émissions de gaz à effet de serre », considère le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol.

Si certains comportements adoptés pendant la crise du Covid-19 pourraient avoir un effet positif en matière d’efficacité énergétique (télétravail, modes de déplacement « actifs » comme le vélo(6), etc.), l’AIE souligne « qu’un retour aux comportements pré-pandémie est probable en l’absence de politiques gouvernementales ciblées ».

Sources / Notes

  1. Energy Efficiency 2020, AIE, décembre 2020.
  2. À commencer par les transports : la consommation mondiale d’énergie dans ce secteur pourrait baisser de 10% en 2020 selon l’AIE (avec une chute d’environ 6 millions de barils par jour de la consommation de pétrole). L’AIE déplore également la chute du taux de remplissage de passagers dans les avions et les trains (« seulement 28% en avril pour les vols internationaux ») qui augmente la consommation d’énergie par passager par kilomètre parcouru.
    Dans les bâtiments, l’AIE craint que les incertitudes économiques « retardent les investissements » dans des matériaux plus efficaces et elle souligne dans l’industrie que des secteurs « intensifs en énergie » (comme la métallurgie) semblent avoir été moins affecté par la crise que les autres secteurs d’activité « plus sobres ».
  3. L’AIE constate que la crise de Covid-19 pourrait avoir un effet durable sur les consommations énergétiques. Avec la réduction des contacts et le télétravail, la consommation d’électricité a par exemple « augmenté de 20% à 30% dans les bâtiments résidentiels dans certains pays au 1er semestre 2020 tandis qu’elle a baissé de 10% dans les bâtiments tertiaires ». L’AIE indique par ailleurs que « près de 30% de l’énergie d’un bâtiment pourrait être dissipée par le recours à la ventilation » pour réduire les risques de transmission du virus.
  4. Sur ce total, la plus grand part est « sans surprise » concentrée dans le secteur des bâtiments (26 milliards de dollars), souligne l’AIE. Près de 20 milliards de dollars sont par ailleurs prévus pour le déploiement de véhicules électriques et d’infrastructures de recharge.
  5. Et plus de 80% de ces emplois seraient concentrés en Europe.
  6. Dans les transports, l’activité commerciale a chuté de 60% pour l’aviation et de 30% dans le secteur ferroviaire en 2020. Les transports publics ont par ailleurs été délaissés au profit des véhicules privés mais aussi de modes de déplacement « actifs » : marche, vélo, etc.

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