Énergies marines : courants, marées, salinité, chaleur…

Courants, marées, salinité, chaleur : de nombreuses caractéritiques de la mer peuvent être valorisées pour produire de l'énergie. (©photo)

Définition et catégories

Le terme « énergies marines » (également « thalasso-énergies » ou « énergies bleues ») est utilisé pour désigner toutes les formes d’exploitation des ressources renouvelables issues du milieu marin : marées, courants, vagues, chaleur, salinité, biomasse et enfin vents.

La planète est recouverte à plus de 70% par les océans et les mers. Ceux-ci recèlent d’énormes quantités de flux énergétiques qui ont deux origines :

  • l’énergie solaire qui est à l’origine des vents, de la houle, des grands courants marins et des différences de température de la mer ;
  • la variation de la gravitation due aux positions respectives de la Terre, de la Lune et du Soleil qui engendrent  les marées.

Dans la recherche de nouvelles sources d’énergie n’émettant pas de gaz à effet de serre, les énergies marines peuvent apporter une contribution à la diversification du bouquet énergétique mondial.

A des fins d’exhaustivité, les thèmes de la biomasse (microalgues) et de l’éolien offshore (ancré ou flottant) sont traités dans des fiches spécifiques.

Fonctionnement technique ou scientifique

Les différents types d’énergies et de sources énergétiques en milieu marin

Il existe plusieurs technologies permettant d’utiliser la mer comme une source d’énergie. Celles-ci ne se trouvent pas toutes au même stade de développement.

L’énergie marémotrice issue des marées

Les moulins à marée d’autrefois et les usines marémotrices exploitent l’énergie potentielle de la marée. Celle-ci correspond à l’énergie liée à la différence de niveau entre deux masses d’eau et aux courants induits.

Exemple : l’usine marémotrice de la Rance en France, inaugurée en 1966, a une production moyenne de 500 GWh/an pour une puissance installée de 240 MW.

L’énergie hydrolienne issue des courants

A l’image des éoliennes pour le vent, les hydroliennes exploitent l’énergie des courants de marée. La densité de l’eau est un facteur important à prendre en compte pour appréhender le dimensionnement des machines. Ainsi, pour une puissance installée équivalente, une hydrolienne est beaucoup plus petite qu’une éolienne.

Exemple : la société française Sabella a développé une hydrolienne à turbine à axe horizontal de 10 mètres de diamètre et de 500 kW de puissance(1). Ce démonstrateur permet de préparer l'industrialisation d'hydroliennes de 1 à 2 MW de puissance (modèles D12 et D15).

L’énergie houlomotrice issue des vagues et de la houle

Les vagues créées par le vent à la surface des mers et des océans transportent de l’énergie cinétique. Lorsqu’elles arrivent sur un obstacle flottant ou côtier, elles cèdent une partie de cette énergie qui peut être transformée en courant électrique.

Exemples :

  • Pelamis : projet écossais d’un flotteur de type atténuateur de 750 kW de puissance. Il consiste en un ensemble de segments cylindriques linéaires articulés (longueur totale de 180 m pour une largeur de 4 m), à demi-immergés et liés par des joints. Le mouvement des joints généré par les vagues en mouvement utilise un fluide hydraulique qui fait fonctionner un moteur. Ce projet se trouve aujourd’hui au stade industriel. Un premier parc de trois machines a été installé au large du Portugal en 2009. Un Pelamis de « seconde génération » a été installé sur le site écossais de l'EMEC fin 2010(2) ;
  • Ceto : projet australien de bouées immergées de près de 240 kW produisant de l’électricité et de l’eau douce par transfert d’eau de mer sous pression. Un projet d'installation d'une machine CETO 4 est en cours à La Réunion (associant EDF et DCNS)(3).

L’énergie thermique des mers issue de la chaleur des océans

Ce procédé vise à exploiter la différence de température entre le fond et la surface de l’océan afin de produire de l’électricité. Par exemple, dans les zones tropicales, la température peut passer d’environ 20°C en surface à environ 5°C au dessous de 1 000 mètres de profondeur. On utilise pour cela des générateurs thermoélectriques, convertisseurs d'énergie transformant directement l'énergie thermique en énergie électrique par effet Seebeck (utilisation de la différence de potentiel). Ce procédé permet également de produire de l’eau douce ou du froid pour la climatisation par grande profondeur. Les océans sont à la fois un vaste capteur et un immense réservoir d’énergie solaire.

Exemple : projet d'usine de Lockheed Martin à Hawaii. La sciété américaine a reçu 12,5 millions de dollars depuis 2009 pour ce projet(4).

L’énergie osmotique issue de la salinité

La différence de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce génère une différence de pression que l’on peut exploiter et transformer en électricité. Si un compartiment d’eau de mer et un compartiment d’eau douce sont mis en contact à travers une membrane semi-perméable, l’eau va naturellement franchir cette membrane vers le compartiment d’eau salée, y créant une surpression. Le débit d’eau alimente alors une génératrice électrique.

Exemple : la société norvégienne Statkraft a ouvert en 2009 le premier prototype de centrale osmotique à Tofte (objectif de 10 kW installé). Celui-ci contient près de 2 000 m2 de membranes disposées en spirales(5).

A noter qu’il est également possible de produire de l’énergie grâce au gradient de salinité en utilisant des procédés d’électrodialyse inversée, une méthode encore au stade de recherche aux Pays-Bas.

Enjeux par rapport à l'énergie

Enjeux économiques et technologiques 

  • Enjeux économiques et industriels
    Le marché des énergies marines se trouve encore à un stade précoce. Il est trop tôt pour définir les technologies et les rendements industriels de référence. De plus, les coûts expérimentaux sont importants. Enfin, les réseaux électriques ne sont pas toujours adaptés à l’acheminement d’énergie marine, et leur aménagement peut prendre une dizaine d’années.
     
  • Développements technologiques
    Le milieu marin est particulièrement exigeant et agressif (corrosion due au sel, forces des courants et des tempêtes, organismes « encroûtants »). Il est donc nécessaire d’investir dans la R&D (Recherche et Développement) afin d’améliorer les technologies existantes et d’évaluer la faisabilité de certains projets sur le moyen-long terme.

Enjeux sociétaux

  • Gestion des contraintes maritimes et côtières
    Exploiter des énergies marines dans une zone côtière déjà densément utilisée soulève des conflits d’utilisation. Les pêcheurs protestent par exemple contre les installations hydroliennes ou houlomotrices qui peuvent empêcher la pêche au chalut.
  • Cadre légal dans la plupart des pays
    La clarification de la réglementation au niveau national est indispensable. Il faut établir des normes claires d’utilisation des espaces maritimes ainsi que de tarification de l’électricité produite par ces installations. Ces barrières légales constituent aujourd’hui un frein au développement de nouveaux projets.

Enjeux environnementaux

  • Impact écologique des installations
    Les conséquences environnementales sur la faune et la flore sous-marines doivent être étudiées. Il faut également considérer la pollution auditive ou visuelle que peuvent éventuellement engendrer certains de ces procédés.
Type d'énergie & caractériqtiquesMarémotriceHydrolienneHoulomotriceThermiqueOsmotique
Ressource énergétique mondiale estimée (TWh/année)30080080 00010 0002 000
Stade de développementIndustriel pour le marémoteur classique – précoce pour les lagons offshoreAvancéPréindustriel ou Avancé selon les projetsTrès précoceTrès précoce
Avantages
  • Technologie éprouvée
  • Espace nécessaire réduit
  • Pas ou peu des structures apparentes
  • Pas besoin de fondations
  • Entretien aisé
  • Production continue
  • Prédictibilité parfaite
  • Production d'eau douce et d'air conditionné
  • Production continue
  • Prédictibilité parfaite
  •  
  • Entretien aisé
Inconvénients
  • Fonctionnement intermittent
  • Boulversements environnementaux majeurs
  • Faible potentiel mondial, sauf si utilisation des lagons offshore
  • Fonctionnement intermittent
  • Entretien compliqué
  • Impact a priori négatif sur la faune et la flore
  • Zones explotables restreintes
  • Peut empêcher les activités maritimes
  • Fonctionnement intermittent
  • Empêche les activités nautiques maritimes
  • Investissement initial conséquent
  • Solution réservée aux zones tropicales
  • Complexité technique
  • Investissement initial conséquent
  • Faible rendement
  • Nécessite un accès à l'eau douce

Tableau comparatif des différentes énergies marines

Acteurs majeurs

Les acteurs du secteur des énergies marines sont principalement des entreprises de taille moyenne épaulées par des collectivités locales et/ou des subventions et appels d’offre publics nationaux. Certains grands groupes du secteur énergétique qui cherchent à étendre leurs activités passent également des partenariats avec des entreprises du secteur des énergies marines.

Les États et les collectivités territoriales supportent de plus en plus activement les projets d’énergies marines dans le monde. Le Royaume-Uni a plusieurs longueurs d’avance dans ce domaine, avec notamment de nombreux projets en cours de test en Écosse(6). Le Portugal et les pays scandinaves sont également très actifs tout comme les États-Unis et la Chine qui cherchent des moyens de répondre à leurs besoins énergétiques considérables.

Unités de mesure et chiffres clés

Coût au kilowatt des énergies hydrolienne et houlomotrice

En France, une étude de la DGEC estime que le coût de production en 2015 d’une centrale exploitant l’énergie des vagues ou des courants serait de l’ordre de 7,8 c€/kWh pour 3 000 h de fonctionnement en équivalent pleine puissance, et de 5,9 c€/kWh pour 4 000 h.

A titre de comparaison, selon le Global Wind Energy Council, la fourchette des coûts de production pour l’énergie éolienne pourrait atteindre 3 à 6 c€/kWh en 2020.

Zone de présence ou d'application

Les sites potentiels sont particulièrement restreints pour les énergies marémotrices et hydroliennes. C’est pourquoi les technologies houlomotrices, thermiques et osmotiques semblent plus adaptées à une utilisation dans des pays ne disposant pas de courants forts ou de grandes zones de marnage. L’énergie marine permettra notamment d’alimenter en énergie des îles ou territoires isolés disposant d’un potentiel intéressant, comme la Réunion.

Passé et présent

AuXIIe siècle, des moulins à marée dont l’existence est avérée sont construits sur les côtes européennes. Le potentiel énergétique marin est ensuite évoqué par Jules Vernes en 1869 dans Vingt mille lieues sous les mers. Il parle alors de « l’Energie Thermique des Mers » (ETM). Dès la fin du XIXe siècle, des expérimentations d’utilisation des vagues sont effectuées à San Francisco et à Santa Cruz en Californie.

1966 : l’évènement marquant en matière d’énergie marine est l’ouverture de l’usine marémotrice de la Rance, en France, qui est la première usine de ce genre au monde et à ce jour la plus puissante.

fin des années 1990 : avec le regain d’intérêt pour les énergies renouvelables, un grand nombre de projets de recherche sur l’hydrolien et le houlomoteur sont lancés.

fin 2006 : une étude menée pour le compte de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) fait état de 81 projets en développement (hors éolien offshore) dans le monde : 53 projets pour la récupération de l’énergie des vagues, 25 pour les courants, deux pour la salinité et un pour l’énergie thermique des mers.

2008 : la première hydrolienne commerciale est implantée en Irlande du Nord (1,2 MW) et la première « ferme » industrielle à vagues, application du projet Pelamis, est ouverte près des côtes portugaises.

2009 : une centrale osmotique pilote est ouverte en Norvège par l’entreprise Statkraft. L’entreprise Canadienne Clean Current présente, elle, ses trois modèles d’hydrolienne Mark 1, 2 et 3 capables de travailler aussi bien en eau profonde que dans les cours d'eau.

2011 : la première installation industrielle française d'une hydrolienne est effectuée au large de Paimpol.

Futur

Les technologies marines les plus prometteuses - hydroliennes et houlomotrices - ne sont aujourd’hui pas encore suffisamment avancées pour être installées à grande échelle. Certains projets en phase pré-industrielle ou en cours de démonstration sont toutefois très prometteurs. Ces technologies devraient atteindre le seuil de maturité industrielle économique vers 2015 ou 2020.

D’autres technologies (thermique et osmotique) sont trop coûteuses et trop complexes technologiquement pour offrir une alternative viable aux énergies fossiles dans un futur proche.

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