Le point sur l’incendie autour de Tchernobyl

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Incendie Tchernobyl

En Ukraine, un incendie s’est déclaré le 4 avril à proximité de la zone d’exclusion de 30 km mise en place autour de l’ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl. Des vidéos des feux de forêts visibles depuis le site ont suscité l'inquiétude de nombreux internautes. État des lieux, sur la base des dernières informations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) communiquées ce 15 avril(1).

Des feux désormais « sous contrôle » selon les autorités ukrainiennes

L’incendie a été déclenché le 4 avril par une personne ayant allumé le feu « pour s’amuser », selon la police ukrainienne. Il a depuis brûlé près de 20 000 hectares de forêt, atteignant « l’environnement proche (environ 1 km) de la centrale nucléaire de Tchernobyl », confirme l’IRSN.

Les autorités ukrainiennes ont indiqué le 14 avril en fin de journée que les feux étaient « sous contrôle » (réduits à des feux isolés et des feux couvant), grâce aux « efforts des pompiers (près de 400 mobilisés) et à la pluie ».

Incendies autour de Tchernobyl
Images satellites montrant l’évolution des incendies (en jaune) entre le 3 et le 15 avril, à proximité et dans la zone d’exclusion de Tchernobyl (cercle rouge autour de l’ancienne centrale matérialisée par un point rouge). ©NASA/FIRMS

Les mesures de la radioactivité en Ukraine

Le principal corps radioactif issu de l’accident de Tchernobyl est le césium 137. « Il émet un rayon gamma très caractéristique et est facile à détecter. On dispose ainsi de cartes assez précises des dépôts de ce césium qui a diminué de moitié dans la zone par rapport à 1986 (demi-vie de 30 ans», nous rappelait Christian de la Vaissière, ancien directeur de recherches au CNRS/IN2P3, en 2016 (30 ans après l’accident de la centrale).

À Kiev, à une centaine de kilomètres du site de Tchernobyl, « les activités volumiques les plus élevées en césium 137 dans l’air » mesurées depuis le début des incendies avoisinent 700 μBq/m3 (prélèvement du 10 au 11 avril du Central Geophyscial Observatory)(2). Les valeurs communiquées par les organismes de mesure ukrainiens témoignent « du passage de masses d’air marquées par la radioactivité » (environ 6 μBq/m3 pour le césium 137 en temps normal) mais restent « cependant modérées et sans conséquence sanitaire » selon l’IRSN(3)

L’institut français ne constate pas de valeur anormale au niveau de sa balise de mesure installée à l’Ambassade de France à Kiev, celle-ci étant « en capacité de détecter uniquement des accidents radiologiques importants » (c’est-à-dire avec un « rayonnement gamma résultant d’une radioactivité dans l’air supérieure au Bq/m3 »).

Dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, « une contamination de l’air beaucoup plus importante est observée » sans surprise. L'IRSN précise que les doses de radioactivité reçues par les pompiers « du fait de l’inhalation de fumées suite à des incendies sont de l’ordre du 1% de la dose reçue par l’exposition aux rayonnements du sol » (dose d'environ 13 microsieverts correspondant à l'inhalation de fumées radioactives pour un pompier intervenu pendant 100 heures(4)).

Quid des matériaux radioactifs présents au sein ou à proximité de la centrale de Tchernobyl ?

Pour rappel, la centrale de Tchernobyl a été le théâtre du plus important accident de l’histoire du nucléaire civil (niveau 7 sur l’échelle INES) : le réacteur n°4 du site a explosé le 26 avril 1986, libérant dans l’air un nuage radioactif (ce réacteur est recouvert par un nouveau « sarcophage » finalisé fin 2018). Malgré cet accident, la centrale de Tchernobyl a continué à fonctionner : le réacteur n°2 a été arrêté en 1991 et le réacteur n°3 en 2000.

Il reste naturellement des matériaux radioactifs sur le site, détaille l'IRSN : structures et débris issus du réacteur n°4 « dont l'enlèvement pose encore des difficultés techniques importantes », combustible usé des trois autres réacteurs entreposés sur le site, etc. Des installations de stockage et de dépôt de déchets se situent par ailleurs « dans des secteurs a priori affectés par les incendies »(5), indique l'IRSN. Bien que de « conception généralement sommaire, elles présentent des caractéristiques qui offrent une bonne résistance à la remobilisation de l’activité des déchets par les incendies » (sites défrichés), juge l'IRSN.

L’IRSN rappelle que cet incendie n'est pas une première et que des feux de forêt de grande ampleur « se produisent chaque année en Russie, Biélorussie et Ukraine [...] certains d’entre eux affectant les territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl ». Cela avait entre autres été le cas en 2002 et 2010.  

Un impact en France ?

D’après les simulations de l’IRSN, les masses d’air provenant de la zone des incendies en Ukraine « ont pu atteindre la France dans la soirée du 7 avril […] au 14 avril, ces masses d’air recouvraient encore la moitié du territoire ».

Les niveaux de radioactivité attendus en France sont toutefois jugés « extrêmement faibles » par l'IRSN (en dessous de 1 μBq/m3 en césium 137) et « l’impact résultant de l’inhalation de la radioactivité transportée par les masses dans l’air arrivant en France devrait être insignifiant » selon l’Institut.

L'IRSN publiera dans les prochains jours les résultats détaillés des mesures de radioactivité dans l’air réalisées sur les filtres aérosols de son réseau Opera-Air(6).

Sources / Notes
  1. Incendies en Ukraine dans la zone d’exclusion autour de la centrale Tchernobyl : Point de situation, Note d’information de l’IRSN, 15 avril 2020.
  2. « Une valeur de 1 200 μBq/m3 dans la nuit du 4 au 5 avril 2020 a aussi été rapportée par le Centre Scientifique et technique d’État pour la Sureté Nucléaire et Radiologique ukrainien mais n’a pas été confirmée », précise l’IRSN.
  3. Sur la base des niveaux de radioactivité mesurés, l’IRSN estime qu’à Kiev, « la dose reçue par un adulte par inhalation est inférieure à 1 nano sievert (1 nSv = 0,001 μSv) ce qui est extrêmement faible ». La limite annuelle d’exposition du public est de 1 000 μSv en dose efficace ajoutée. La « radioactivité remobilisée par les incendies […] serait de l’ordre de 200 GBq émis entre le 3 avril 2020 à 12h00 et le 13 avril 2020 à 12h00 », indique l’IRSN.
  4. Avec une activité volumique de 1 Bq/m3 (ou encore 1 000 000 µBq/m3 ) de césium 137 et de 1 Bq/m3 de strontium 90.
  5. Notamment le site de Buriakovka (constitué de tranchées recouvertes d’une couche compacte d’argile) et les installations d'entreposage de Podlesny.
  6. Le réseau Opera-Air de l'IRSN.

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