Le régulateur face au « monde énergétique de demain »

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Réseaux du futur

« La régulation de demain doit innover, expérimenter, être ouverte sur le monde pour comprendre et anticiper les transformations », insiste le président de la CRE Jean-François Carenco. (©photo)

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié le 30 mai une étude faisant état des transformations majeures à venir dans le secteur de l’énergie et de ses défis associés.

Une étude de prospective à l’horizon 2030/2050

Créé il y a près d’un an, le comité de prospective de la CRE réunit des experts « pour anticiper, identifier et comprendre les tendances à moyen et long terme à l’œuvre dans le secteur de l’énergie »(1). C’est dans le cadre de ce comité qu’a été commandée auprès d’E-CUBE Strategy Consultants une étude de prospective sur l’énergie dans le monde avec pour horizon de temps la période 2030/2050.

Cette publication de près de 600 pages est répartie en 9 monographies thématiques et 10 thèses, une grande partie portant sur l'électricité (systèmes électriques décarbonés, market design, stockage d’électricité, microgrids et équilibrage des réseaux, etc.). L’ensemble a vocation à constituer « une base de données […] sur les innovations en cours et leurs conséquences sur le plan économique, industriel et sociétal ».

Une consommation d’énergie mondiale en hausse

L’étude envisage sans surprise une hausse de la consommation d’énergie finale dans le monde dans les prochaines décennies, avec des disparités géographiques importantes : la croissance de la demande sera tirée par les pays émergents tandis la consommation énergétique « diminuera fortement » en France et en Europe.

Malgré les transferts d’usage importants vers le vecteur électrique, l’étude estime que la demande d’électricité diminuera aussi « ou au plus augmentera légèrement » en France et en Europe. Ce mouvement d’électrification reposera en grande partie sur les énergies renouvelables, faisant émerger des systèmes électriques « fortement décarbonées (>80%) » dans les pays développées, « au plus tard à l’horizon 2050 ».

Mix électrique mondial

Au niveau mondial, le charbon reste encore de loin la première source d’électricité. En 2017, les centrales au charbon ont produit 280 TWh de plus qu’en 2016. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)

Pour rappel, la production électrique de la France était déjà décarbonée à près de 90% en 2017 (avec une part du nucléaire de 71,6% dans le mix électrique), l’électricité comptant pour un peu moins d’un quart de la consommation d’énergie finale dans le pays (38 Mtep sur 153,4 Mtep en 2016(2)).

Changement de paradigme sur le marché de l’électricité

L’étude publiée par la CRE consacre une attention particulière aux réseaux, en particulier électriques, où des investissements seront nécessaires alors même que leur utilisation devrait baisser, face à l’émergence d’un nombre croissant d’autoproducteurs (« à hauteur de plusieurs millions dans chacun des principaux pays européens ») et plus généralement à la décentralisation des productions.

Le changement de paradigme du marché de gros devrait ainsi s’accélérer : « la production devient plus rigide (avec une augmentation de l’injection d’électricité fatale) alors que la gestion dynamique de la demande permet de la rendre de plus en plus flexible ».

Un stockage massif d’électricité, « notamment par le biais des batteries de véhicules électriques » sera nécessaire pour intégrer une part croissante d’électricité intermittente sur les réseaux selon cette étude. Un volet spécifique est par ailleurs consacré à l’hydrogène, une économie pouvant émerger « à long terme » autour de ce vecteur, offrant également des solutions de stockage à la production électrique intermittente (par le biais du Power to gas).

Des recommandations pour le régulateur

L’étude d’E-CUBE doit permettre à la CRE de mieux cerner ses défis dans le paysage énergétique futur. Il est entre autres souligner la nécessité d’ « ajuster les approches de régulation afin de prendre en compte un rythme plus rapide de déploiement, et d’impact sur les opérateurs des nouvelles technologies ». La CRE devra en particulier « renforcer la transparence sur les coûts pour les réseaux de la transition énergétique » et « améliorer la coordination entre le développement de la production et le développement des réseaux » afin de réduire lesdits coûts.

Il est souligné à plusieurs reprises la nécessité d’assurer une organisation de marché qui « produit des signaux économiques de long terme pertinent pour l’investissement ». L’étude recommande également de faciliter l’émergence de mécanismes incitatifs se substituant aux subventions pour développer les énergies renouvelables : « faciliter les « corporate PPA (Power Purchase Agreements)(3) », privilégier les appels d’offres - vs guichets ouverts - avec le cas échéant intégration d'exigences reflétant le coût complet d'intégration de l'énergie ».

Précisons que le comité de prospective de la CRE doit se réunir le 5 juillet 2018 pour présenter ses conclusions.

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