Un œil sur la distribution de carburants en France

parue le
Distribution de carburants en France

En 2015, la consommation française de carburants routiers a connu sa plus forte hausse depuis 2010. (©photo)

Cette semaine a été marquée en France par des blocages de raffineries et de dépôts pétroliers, entraînant des difficultés d’approvisionnement des stations-service. Face à cette situation, il convient de rappeler quelques éléments sur la distribution de carburants en France.

Rappels sur la distribution de carburants en France

En France métropolitaine, la production et la distribution de produits pétroliers repose sur un réseau de 8 raffineries, 9 sites pétrochimiques, 191 dépôts et 11 356 stations-service selon les dernières données de l’UFIP. Ces sites sont répartis sur l’ensemble du territoire et ont entre autres permis de livrer aux consommateurs français un volume de 50,5 millions de m3 de carburants routiers en 2015 (en hausse de 0,9% par rapport à 2014), dont 81,2% de gazole.

Rappelons que les raffineries françaises pâtissent, outre le problème de surcapacité structurelle du secteur, d’une inadaptation de leur production à la demande de carburants : elles produisent trop d’essence (les surplus étant exportés) et pas assez de gazole (ce qui implique des importations massives de ce carburant)(1). Plusieurs raffineries ont fermé ces dernières années, notamment les sites de Berre (LyondellBasell), de Reichstett ou de Petit-Couronne (Petroplus).

Consommation de produits pétroliers en France

Consommation de produits pétroliers en France (source : UFIP)

Perturbations : un problème de livraison, pas de stocks

Toutes les raffineries françaises et de nombreux dépôts pétroliers ont fait l’objet d’un blocage de la CGT au cours de la  semaine écoulée, avec des conséquences plus ou moins importantes (arrêt complet, débit réduit, etc.). L’ouest et le nord de la France ont été particulièrement touchés et des mesures de rationnement ont été mises en place par arrêté dans certains départements (Ille-et-Vilaine, Côtes-d’Armor, Finistère, Orne, Loire-Atlantique, Venté, Mayenne, Eure), avec un volume maximal de 20 à 30 litres de carburant par véhicule.

Au 27 mai, il resterait encore près de 20% des stations-service touchés par des problèmes d’approvisionnement (rupture totale ou partielle) et seules 2 des 8 raffineries françaises auraient retrouvé un fonctionnement normal. Tous les dépôts pétroliers, à l'exception de Gargenville (Yvelines), ont toutefois été libérés selon le secrétaire d’État aux transports Alain Vidalies et le nombre de rotations de camions pour réapprovisionner les stations-service a augmenté afin d'accélérer un retour à la normale (Total a par exemple mobilisé plus de 1 000 camions ce vendredi contre 350 habituellement).

Notons que la rupture de l’approvisionnement de certaines stations-service a été favorisée par les craintes des automobilistes d’une pénurie de carburants : la consommation journalière desdits carburants a été, dans un certain nombre de stations-service, 3 fois supérieure à la consommation habituelle en milieu de semaine selon la DGEC. Il a pourtant été rappelé à plusieurs reprises que les blocages avaient entraîné un problème de livraison et non pas de stocks.

Quid des stocks stratégiques ?

Il a été beaucoup question ces derniers jours des « stocks stratégiques » de produits pétroliers, Alain Vidalies ayant annoncé le 25 mai que la France avait « puisé l’équivalent de 3 jours de stocks sur 115 disponibles ».

Ces stocks stratégiques de produits pétroliers(2) ont été initiés en France il y a près de 90 ans et généralisés dans l’ensemble des pays membres de l’AIE en 1974 (le niveau de stocks imposé à chaque pays doit correspondre à 90 jours de ses importations nettes de produits pétroliers). Ils visent à faire face à toute rupture éventuelle des approvisionnements extérieurs (crise internationale, catastrophe naturelle, etc.) bien qu'ils puissent eux-mêmes être touchés par un blocage « interne ». 

Les différents opérateurs comme Total doivent prévoir des stocks stratégiques correspondant à 29,5% du volume qu’ils délivrent annuellement. Moyennant rémunération, ils délèguent en partie leur obligation de stockage (de 56% à 90% selon le choix de chaque opérateur) au Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP) qui fait lui-même appel aux services de la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS), entité centrale de stockage.

En 2015, la SAGESS a ainsi géré 74% des stocks stratégiques pétroliers de la France. Ceux-ci sont répartis sur 92 sites (8 raffineries, 83 dépôts et un site de cavités salines souterraines à Manosque)(3) dans 7 grandes zones « de défense » couvrant l’ensemble du territoire métropolitain(4)

Les opérateurs peuvent être autorisés par le ministère en charge de l’énergie à puiser dans ces stocks stratégiques lorsqu’un risque pèse sur l’approvisionnement de produits pétroliers. Avant les blocages de mai 2016, ils y avaient eu deux fois recours : en 2005 suite à l’ouragan Katrina et à l’automne 2010 lors d’un blocage similaire de raffineries pour protester contre la réforme du système de retraites.

Sources / Notes
  1. Notons que la chute des cours du pétrole a permis aux raffineurs en France de relever la marge brute du raffinage (46 $ par tonne en 2015 contre 22 $ par tonne en 2014).
  2. Les stockages stratégiques de pétrole, Ministère en charge de l'énergie 
  3. Site de la SAGESS
  4. Chaque grande zone a pour objectif de conserver au minimum l’équivalent de 10 jours de consommation nationale d’essences et 15 jours de consommation nationale de gazole et de fioul domestique.

Site de l'UFIP

Sur le même sujet