Réseau électrique : une vigilance de rigueur cet hiver

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Centrale nucléaire de Cattenom

La centrale nucléaire de Cattenom, en Moselle, sous la neige. (©EDF-David Queyrel)

Le gestionnaire du réseau de transport électrique français RTE a présenté hier son analyse de l’équilibre offre-demande pour l’hiver 2016-2017. Il y annonce que la sécurité d’approvisionnement sera « plus délicate à assurer » que lors des hivers précédents. Explications.

Rappels sur la « pointe » de consommation en hiver

Selon les dernières prévisions de RTE, la consommation d’électricité française entre mi-novembre 2016 et fin mars 2017 devrait être relativement stable par rapport aux hivers précédents : en cas de températures « moyennes », elle devrait avoisiner 221,5 TWh sur cette période. Cette consommation est toutefois très « thermosensible », c’est-à-dire sensible aux variations de température, compte tenu de la très forte pénétration du chauffage électrique dans le pays.

Chaque degré de température en moins au niveau national en hiver engendre selon RTE un appel de puissance supplémentaire sur le réseau électrique de 2 400 MW, soit l’équivalent de la puissance électrique mobilisée pour Paris intramuros. Les pics de consommation lors des périodes dites de « pointe » (entre 8h et 13h et surtout entre 18h et 20h) peuvent ainsi, en cas de forte baisse des températures, fragiliser l’équilibre offre/demande qui doit être maintenu en permanence sur le réseau.

Sur la base de différents scénarios de Météo France, RTE a estimé que la « pointe de consommation hivernale » devrait cette année se situer entre 81 GW et 109 GW dans le cas d’une vague de froid centennale. Pour rappel, cette pointe avait atteint 88,6 GW durant l’hiver dernier qui avait été très doux. Le 8 février 2012, elle s’était élevée à un niveau record de 102,1 GW.

Une disponibilité réduite du parc nucléaire

La situation du résau électrique cet hiver se caractérise entre autres par une forte baisse de la disponibilité des capacités de production (ces dernières devraient en décembre 2016 être inférieures de 11 300 MW à la puissance disponible en décembre 2015), en particulier nucléaires. Sur les 58 réacteurs du parc nucléaire français, entre 4 et 13 tranches(1) devraient selon RTE(2) être indisponibles durant l'hiver. Cette indisponibilité correspond à des phases de maintenance prolongées par EDF mais aussi à des arrêts supplémentaires planifiés par EDF sur la demande de l’ASN. Pour rappel, l’énergie nucléaire a compté pour 76,3% de la production électrique française en 2015.

Disponibilité du parc nucléaire

La puissance nucléaire disponible cet hiver sera sensiblement inférieure aux années précédentes. (©Connaissance des Énergies, d'après RTE)

Le niveau des barrages hydroélectriques se trouve par ailleurs « au plus bas » et plusieurs centrales thermiques à flamme ont fermé depuis l’hiver dernier. Seules les capacités des parcs éolien et photovoltaïque (chacune en hausse de 300 MW) sont susceptibles de contribuer plus fortement que l’an passé à l’approvisionnement électrique français mais leur production intermittente est sensible aux variations de vitesses de vent et de rayonnement solaire.

Les effacements et les interconnexions, facteurs de sécurité

Malgré la moindre disponibilité des moyens de production français, RTE dispose d’autres moyens pour assurer l’équilibre du réseau électrique. Les capacités d’importation depuis l’étranger ont augmenté de 30% par rapport à l’hiver dernier(3), notamment grâce à la nouvelle liaison transfrontalière avec l’Espagne. Lors d'une éventuelle « vague de froid durable », le gestionnaire de réseau estime qu’une puissance de 7 000 à 11 000 MW pourra ainsi être mobilisée depuis l’étranger.

En cas de tensions sur le réseau, RTE peut également avoir recours à des effacements de consommation (diminution volontaire par des industriels ou des particuliers de leur consommation). Le gestionnaire de réseau a par ailleurs prévu de lancer le 5 décembre prochain un dispositif d’alerte sur l’application « Eco2mix »(4) : celui-ci avertira les usagers de risques potentiels pesant sur le réseau et les encouragera à réaliser des économies d’énergie durant la période «  à risque », par exemple en différant l’usage d’appareils domestiques durant les heures creuses ou en éteignant tous les appareils en veille.

Les trois premières semaines de décembre sont identifiées comme celles « présentant le moins de robustesse à une vague de froid ». Durant cette période, RTE pourrait recourir à des actions d’urgence exceptionnelles en cas de températures inférieures de 3°C aux normales de saison. Dans un premier temps, la consommation de sites industriels « électro-intensifs » volontaires pourrait être interrompue(5), puis la tension sur les réseaux de distribution électrique pourrait, en cas de besoin, être baissée de 5%(6). Enfin, RTE aurait la possibilité, « en ultime solution », de programmer des délestages(7) tournants afin d’éviter un hypothétique « black-out » affectant un grand nombre de Français.

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