Acteurs de la COP21 : l’interview d’Alassane Tiemtore

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Alassane Tiemtore

Alassane Tiemtore fait partie de la vingtaine de membres de la délégation burkinabè à la COP21. (©photo)

Le Burkina Faso, pays d’Afrique de l’Ouest encore très peu développé(1), fait partie des membres de l’Alliance solaire internationale lancée en ouverture de la COP21. Nous avons interrogé sur les enjeux électriques de ce pays Alassane Tiemtore, directeur des services techniques et de la régulation de l’ARSE (Autorité de Régulation du sous-Secteur de l’Électricité) et membre de la délégation burkinabè au Bourget.

1) Quelle est la situation électrique du Burkina Faso ?

Au Burkina Faso, nous utilisons principalement trois sources d’électricité : l’énergie hydraulique dont la part reste assez faible, de 10% à 15% de notre consommation d’électricité, la production thermique à partir de fioul(2) dont la part avoisine 45% à 50% et enfin les importations depuis les pays voisins, principalement la Côte d’Ivoire. L’électricité importée est aujourd’hui relativement moins chère que celle produite au Burkina Faso et nous avons l’objectif de connecter notre réseau à l’ensemble des pays voisins pour en profiter.

Les énergies renouvelables sont en cours de développement mais il n’existe à l’heure actuelle aucune centrale de grande envergure. Nous sommes en particulier un peu en retard au niveau du développement du solaire. Certains pays africains bénéficient d’un potentiel solaire plus faible que le Burkina Faso mais ont déjà développé des projets de grande envergure. Dans notre pays, des projets de centrales solaires d’une puissance cumulée de 100 MW, sont actuellement en cours de validation ou en négociations mais ils ne pourront pas être réalisés avant 2017. La biomasse est enfin très faible avec seulement un projet de centrale de 2 MW développé par l’Office national des eaux.

Le taux d’électrification du Burkina Faso atteint enfin près de 18% en 2014 (le taux d’électrification moyen en Afrique subsaharienne est de 31% et près de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité). C’est un taux qui est très faible et nous souhaitons le porter à 60% à l’horizon 2020.

2) Quelles sont les principales ressources dont le pays pourrait tirer profit dans le futur ?

L’énergie solaire est notre principale ressource. Nous disposons au Burkina Faso de près de 3 000 h de rayonnement solaire par an et nous estimons ce gisement à 5,6 à 6 kWh par m2 par jour (soit presque deux fois plus qu’en France). Des études ont également porté sur l’éolien mais nous ne pourrions en tirer que de très faibles quantités d’électricité.

L’énergie hydraulique est aussi très peu développée au Burkina Faso. Nous disposons de 5 à 6 sites hydroélectriques mais de faible puissance, de 3 à 10 MW. Il était prévu de construire une centrale hydraulique de près de 60 MW à cheval entre le Burkina Faso et le Ghana dans le Bassin de la Volta. Celle-ci pourrait néanmoins avoir de petites répercussions sur les centrales en aval au Ghana et le projet, initié en 1996/1997, est aujourd’hui à l’arrêt. Il s’agit du plus grand projet électrique aujourd’hui réalisable au Burkina Faso mais cela a beaucoup d’implications politiques qu’il faudrait régler.

3) Quels sont les freins actuels au développement de l’énergie solaire au Burkina Faso ?

C’était jusqu’ici une question de décision politique et de coût. Le MW photovoltaïque était deux à trois fois plus cher que le MW thermique dans le passé et nous misions donc sur le thermique en raison du manque de moyens et de la nécessité de développer notre parc électrique. Aujourd’hui, la tendance est inversée, le solaire devient même plus compétitif que le thermique en termes de coûts.

Le kWh thermique est à plus de 100  francs CFA (soit 15 à 17 centimes d’euro) avec subventions tandis que les promoteurs du solaire photovoltaïque nous proposent aujourd’hui des coûts moins élevés. Nous sommes un des rares pays dans cette situation où les projets solaires sont plus compétitifs que les projets thermiques. Dans d’autres pays, le solaire requiert des subventions alors qu’il reste compétitif sans ces subventions au Burkina Faso. Reste à bien négocier les contrats avec les producteurs indépendants.

La seule réelle difficulté aujourd’hui est donc l’intermittence du solaire photovoltaïque. Sans stockage, nous entrevoyons aujourd’hui un déploiement du photovoltaïque à hauteur de 30% de la consommation électrique burkinabè à l’horizon 2025-2030. Ce taux de pénétration maximal de 30% est nécessaire pour maintenir la stabilité du réseau selon nos projections actuelles. Tous nos projets photovoltaïques n’intègrent actuellement pas de stockage car le coût de ce dernier compterait pour plus de 40% du coût total. Dans les années à venir, le coût du stockage devrait toutefois baisser et nous pourrons augmenter la pat du photovoltaïque dans notre mix électrique au-delà de 30%.

Nous allons nous fixer ponctuellement de nouveaux objectifs avec la hausse de compétitivité du solaire. Des études sont notamment en cours pour encourager l’autoproduction de petits producteurs et augmenter l’électricité qui pourrait être injectée sur le réseau.

Des projets de solaire thermodynamique sont également à l’étude. Ils ne présentent pas d’inconvénients en matière d’intermittence mais nécessitent beaucoup plus d’argent que les projets photovoltaïques. L’Institut international d'ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE) expérimente un projet de mini-centrale solaire thermodynamique de 10 kW. Des Italiens sont également intéressés et voudraient tester un projet thermodynamique de 1 MW au Burkina Faso. C’est une ressource qui permettrait de stabiliser le réseau alors que le photovoltaïque est intéressant mais présente encore des contraintes en raison de ses fluctuations.

4) De quels financements avez-vous besoin en matière d'énergie et qu’attendez-vous de la COP21 ?

Pour développer un parc solaire photovoltaïque d’une puissance de 120 à 150 MW, le coût associé serait légèrement inférieur à 100 milliards de francs CFA (soit 150 millions d’euros). De nombreux producteurs viennent frapper à la porte et tous les financements viendront d’eux, de l’extérieur du Burkina Faso. Il restera uniquement des questions de garantie qui vont amener l’Etat à mettre des ressources de côté.

En plus du développement de la production, il est nécessaire d’investir dans l’extension des réseaux de transport et de distribution. Et cela demande beaucoup d’argent. Une dernière étude réalisée fin 2014 pour l’initiative SE4ALL (Sustainable Energy for All)(3) a estimé les investissements nécessaires d’ici à 2030 à 1 760 milliards de francs CFA (soit l’équivalent de 2,69 milliards d’euros).

Initiative SE4All au Burkina Faso

Détail des investissements nécessaires au Burkina Faso dans le cadre de l'initiative SE4All

Au niveau du Burkina Faso, nous souhaitons que le développement de prix du carbone stimule le développement de l’énergie solaire, ce qui permettrait de réduire encore fortement son coût. Nous partageons cette ambition du développement de l’énergie solaire avec tous les pays subsahariens comme le Mali, la Côte-d’Ivoire, le Niger, le Sénégal ou encore le Tchad.

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