Nucléaire, fossiles, renouvelables : la nouvelle PPE présentée

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Avenir nucléaire

 

La nouvelle PPE envisage un « développement extrêmement fort » des énergies renouvelables dans les prochaines années selon les termes du ministre François de Rugy. (©MD)

Après plusieurs reports, la nouvelle feuille de route énergétique de la France a été successivement présentée aujourd’hui par Emmanuel Macron, puis par le ministre en charge de l’énergie François de Rugy. Il y est entre autres inscrit comme objectif de fermer 4 à 6 réacteurs nucléaires d’ici fin 2028 (14 au total d’ici 2035). Tour d’horizon de quelques grands objectifs.

Un « changement de modèle » selon le gouvernement

Lors de sa présentation, le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy a affirmé l’ambition de « bâtir un nouveau modèle énergétique français », mentionnant « un double virage » au cœur de la prochaine PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) :

  • la lutte contre les dérèglements climatiques, en baissant la consommation d’énergies fossiles ;
  • la réduction de la dépendance au nucléaire pour la production électrique.

Il est réaffirmé la nécessité de réduire les consommations d’énergie dans tous les secteurs(1). Un des objectifs affichés de la PPE étant de « tourner le dos aux énergies fossiles », il est en particulier prévu de réduire la consommation primaire d’énergies fossiles en France de 20% en 2023 et de 35% en 2028 par rapport à l’année de référence 2012(2).

Le gouvernement a par ailleurs réaffirmé son ambition de fermer les 4 dernières centrales électriques à charbon d’ici à fin 2022 (qui ont compté pour 1,8% de la production électrique française en 2017).

Il est également envisagé de remplacer d'ici à fin 2023 près d'un million de chaudières au fioul par « un équipement utilisant des énergies renouvelables (chaudière biomasse, pompe à chaleur air/eau, eau/eau ou hybride, système solaire combiné, raccordement à un réseau de chaleur) » ou une chaudière au gaz à haute performance. Ce remplacement fera l’objet d’une aide pour les particuliers (« coup de pouce CEE » qui sera ensuite élargi en une « prime à la conversion chauffage » ouverte à tous les Français).

Nucléaire : 14 fermetures de réacteurs envisagées d’ici à 2035

Actuellement constitué de 58 réacteurs en service, le parc nucléaire français a compté pour 71,6% de la production nationale d’électricité en 2017. Le gouvernement a fixé pour objectif de réduire à 50% cette part en 2035(3). Concrètement, la fermeture de 14 réacteurs nucléaires est envisagée d’ici là, en incluant les 2 tranches de la centrale de Fessenheim qui doivent être arrêtées courant 2020 (au printemps selon le ministère en charge de l'énergie, indépendamment de la date de mise en service de l’EPR de Flamanville),

Dans le cadre de la PPE, il est prévu d’arrêter 2 réacteurs nucléaires en 2027-2028. Par ailleurs, et en complément, 2 autres tranches « pourraient » être arrêtées dès 2025-2026 (« décision à prendre en 2023 ») si « la sécurité d’approvisionnement est assurée et si nos voisins européens accélèrent leur transition énergétique, réduisent leurs capacités de production à partir du charbon et développent massivement les énergies renouvelables ». François de Rugy a indiqué qu'il souhaitait éviter un déséquilibre du réseau électrique semblable à celui connu cet hiver par la Belgique.

Le gouvernement demande à EDF de préciser la liste des fermetures (durant la période de consultation de la PPE) parmi les réacteurs les plus anciens au sein des centrales suivantes : Tricastin, Bugey, Gravelines, Dampierre, Blayais, Cruas, Chinon et Saint-Laurent. Il est demandé à l’électricien de « privilégier les arrêts de réacteurs ne conduisant à l’arrêt complet d’aucun site nucléaire » afin de minimiser les impacts sociaux.

Chaque confirmation définitive d’arrêt d’un réacteur est censée intervenir « au moins 3 années avant la date de fermeture effective »(4). Des contrats de transition écologique seront conclus pour les différentes fermetures envisagées. La PPE précise enfin qu’aucun nouveau projet de centrale thermique à combustible fossile ne pourra être envisagé pour compenser l’arrêt des réacteurs nucléaires.

Le gouvernement ne s’engage pas pour l’heure à mener un programme de construction de nouveaux réacteurs, jugeant que « de nouvelles capacités nucléaires n’apparaissent pas nécessaires pour le système électrique avant l’horizon 2035 environ ». Un programme de travail va toutefois être mené avec EDF (en particulier autour de l’EPR) : des analyses devront être rendues mi-2021, échéance à laquelle l’intérêt d’un nouveau programme électronucléaire pourra être débattu, dans le contexte de la campagne de la prochaine élection présidentielle.

Calendrier nucléaire
Calendrier de fermetures de réacteurs nucléaires présenté par François de Rugy le 27 novembre. (©Connaissance des Énergies)

Énergies renouvelables : un doublement des capacités électriques

Pour rappel, la loi de transition énergétique adoptée à l’été 2015 prévoit de porter à 32% la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici à 2030. Il est inscrit dans la nouvelle PPE des objectifs par vecteur à cet horizon (40% de renouvelables dans la production d’électricité, 38% dans la consommation finale de chaleur, 15% dans la consommation finale de carburants et 10% dans la consommation de gaz).

Parmi ses grands objectifs, la PPE prévoit d’au moins doubler les capacités électriques renouvelables en France métropolitaine d’ici à fin 2028, à un niveau compris entre 102 et 113 GW (contre 48,6 GW à fin 2017). Rappelons sur ce point que les facteurs de charge qui déterminent in fine la production varient entre les différentes filières (ainsi qu’entre différents parcs d’une même filière). La PPE mise principalement sur le développement du solaire photovoltaïque ainsi que de l’éolien (France Energie Eolienne a toutefois déploré des ambitions insuffisantes en matière d'éolien offshore), filières qui répondent selon François de Rugy à l’ambition de privilégier des technologies « fiables, éprouvées et compétitives économiquement ».

En matière de production de chaleur, le gouvernement prévoit entre autres de renforcer le Fonds Chaleuren priorisant la substitution du charbon par la biomasse »), dont le budget sera rehaussé à 315 millions d’euros en 2019, puis 350 millions d’euros en 2020 (contre 245 millions d’euros en 2018). Il est par ailleurs prévu de multiplier par 5 la production annuelle de gaz « renouvelable » (principalement à partir de la méthanisation) d’ici à 2028, par rapport au niveau de 2017.

Ministère
François de Rugy, entouré (de gauche à droite) de Brune Poirson, Elisabeth Borne et Emmanuelle Wargon lors de la présentation à la presse du 27 novembre. (©MD)

Sources / Notes
  1. Avec un objectif global de baisse de la demande d’énergie finale de 7% en 2023 et de 14% en 2028 par rapport à l’année de référence 2012.
  2. Dans cette optique, la trajectoire de la fiscalité carbone sera poursuivie et les modalités et objectifs des prochaines périodes du dispositif CEE (Certificats d’économies d’énergie) devront être définis d’ici à début 2020.
  3. La cible de 2025 était initialement inscrite dans la loi de transition énergétique.
  4. À programmer en anticipation des 5e visites décennales.

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