La vision de…
Christian Ngô

Physicien, fondateur d'Edmonium Conseil
Ancien directeur scientifique auprès du haut-commissaire à l’énergie atomique

Sans énergie, il n’y a ni vie, ni développement économique. Tous les pays, quel que soit leur développement, doivent pouvoir accéder à des sources d’énergie abondantes et peu chères. Compte tenu du temps nécessaire pour mettre en œuvre une innovation de rupture, il y a peu de chance que les sources d’énergie disponibles en 2050 soient différentes de celles d’aujourd’hui, si ce n’est par leur importance respective.

Au niveau énergétique, l’économie des sociétés modernes repose pour l’essentiel sur les combustibles fossiles que sont le pétrole, le charbon et le gaz naturel. Ils représentent aujourd’hui environ 80 % de l’énergie primaire(1) consommée. Ces ressources sont en quantité finie, donc épuisables, et émettent en brûlant du dioxyde de carbone (CO2) qui augmente l’effet de serre. Pour anticiper ce que sera le paysage énergétique en 2050, remarquons qu’il était proche de celui d’aujourd’hui une quarantaine d’années plus tôt.

En 1973, les combustibles fossiles représentaient 86,7 % de l’énergie primaire consommée et cette proportion n’est tombée qu’à 81,1 % en 2014 malgré tous les efforts faits pour réduire cette dépendance. Cette dernière a augmenté, en valeur absolue, de 5,3 Gtep(2) à 11,1 Gtep durant cette période. En 2050, les combustibles fossiles occuperont encore une place importante dans le mix énergétique.

La France est pour sa part confrontée à un défi énergétique qui comprend 3 volets :

  1. réduire les émissions de CO2 ;
  2. réduire progressivement la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles (dont les combustibles fossiles non conventionnels) ;
  3. réduire le déficit commercial(3) dont l’essentiel vient des importations de combustibles fossiles.

La réponse à ce défi énergétique est d’utiliser de plus en plus des énergies décarbonées (nucléaire et énergies renouvelables) pour réduire la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles. Le mix énergétique dépendra du contexte économique, politique et technologique. Il n’y a pas de source unique d’énergie et aucune d’entre elles n’est à éliminer a priori.

Les économies d’énergie et la sobriété sont indispensables tout en améliorant le niveau de vie. L’industrie fait constamment des progrès car cela concourt à une meilleure rentabilité. En revanche, les consommateurs sont encore loin d’avoir épuisé toutes les mines d’économie. Par exemple, l’utilisation massive de pompes à chaleur exploitant des sources de chaleur à basse température permettra de chauffer ou de climatiser des locaux tout en consommant beaucoup moins d’énergie.

On va avoir de plus en plus besoin d’électricité. En plus de l’augmentation normale de la demande électrique observée depuis des décennies, de nouveaux besoins apparaissent comme un développement massif de pompes à chaleur et de véhicules hybrides rechargeables ou électriques. Tous les kWh ne sont pas égaux. Certains peuvent être produits à la demande, d’autres sont intermittents. C’est le cas de l’éolien ou du photovoltaïque. Il faut compenser cette intermittence pour qu’à chaque instant la demande électrique soit égale à la production. Ceci nécessite d’utiliser conjointement et en proportion variable :

  • des centrales thermiques (à gaz naturel ou au charbon) pour produire de l’électricité lorsqu’il n’y a pas de vent ou de soleil et qu’il faut satisfaire la demande. L’inconvénient majeur est l’émission de CO2 et d’autres polluants ;
  • des moyens de stockage de l’électricité qui doivent être de grande capacité dans le cas d’installations centralisées ;
  • un réseau intelligent pour gérer de façon optimale l’offre et la demande.

Deux usages principaux nécessitent des efforts et des progrès : les transports et l’habitat.

Pour les transports individuels, les véhicules hybrides rechargeables et électriques vont prendre de plus en plus d’importance. Les véhicules hybrides rechargeables sont particulièrement intéressants car ils peuvent convenir, avec leur batterie et leur moteur électrique, aux déplacements quotidiens de la plupart des personnes s’ils ont une autonomie électrique de 50 à 60 km. Contrairement aux véhicules électriques, ils peuvent par ailleurs également couvrir de grandes distances grâce à leur moteur thermique. De plus, la batterie vaut moins cher que celle d’un véhicule électrique puisque l’autonomie est plus faible.

L’autre intérêt des véhicules hybrides rechargeables et électriques est qu’ils peuvent constituer un stockage distribué de l’électricité. On peut surdimensionner la production électrique en ne produisant de l’électricité qu’avec des énergies décarbonées et utiliser les batteries des véhicules pour stocker l’électricité lorsque celle-ci est excédentaire pour les autres besoins.

L’habitat est une source d’économie d’énergie considérable. Le neuf sera peu consommateur d’énergie mais les gains les plus importants viendront de la rénovation des logements anciens. En effet, il faut environ un siècle pour renouveler le parc immobilier avec du neuf alors qu’il existe par exemple en France environ trente millions de logements anciens où l’on peut, avec quelques transformations, réduire fortement la consommation énergétique.

Les combustibles fossiles sont en quantité finie mais il en est de même des métaux nécessaires à la réalisation des systèmes énergétiques. Dans le futur, on devra gérer la raréfaction de certains d’entre eux. Pour quelques-uns, cela peut se produire d’ici 2050. On constate aussi que les nouvelles technologies de l’énergie sont peu vertueuses pour économiser des ressources minérales qui vont devenir de plus en plus rares.

L’énergie en 2050 sera donc plus une évolution qu’une révolution.

parue le
09 février 2017
Sources / Notes
  1. L’énergie est dite « primaire » si elle n’a subi aucune transformation (exemple : pétrole brut, minerai d’uranium, etc.).
  2. 1 Gtep = 1 milliard de tonnes équivalent pétrole.
  3. En 2011, le déficit commercial de la France était de 69,6 milliards d’euros dont 61,4 milliards d’euros liés à l’importation de combustibles fossiles. Le déficit varie avec le prix du baril de pétrole mais ce prix a de fortes chances d’être élevé en 2050.